Vingt et un ans déjà que ce bouquin est paru, vingt et un ans et pas une ride… malheureusement.
Au contraire, avec le temps, les préjugés moisis rajeunissent à vue d'oeil. Loboxtomisés à grands coups de médias cultivant les peurs, les largués du système migrent vers facholand pour rejoindre les véritables cranes rasés de l'intérieur. L'affront national éructe un je t'haine moi non plus, atteint d'un ressentiment qui ne sert aryen (si ce n'est pas la preuve de la stupidité de certaines théories que ce nom…).
Hier, la moindre différence était suspecte, aujourd'hui elle est coupable. Coupable de tous les maux.
—L'insécurité (merci les télés…) le chômage (merci les financiers…) ta femme (ou mari) qui s'est cassée, ta femme qu'est restée, le prix des clopes, la fin des diffusions de la petite maison dans la prairie, le trou dans la couche d'ozone, la fermeture de Leroy Merlin le 1er mai et tout le reste qui déconne ben c'est EUX!!!
— Qui eux?
— Ben eux, les autres, les étrangers, enfin pas tous, juste les noirs les arabes, les jaunes les rouges, les bleus, les roux, les gros, les petits, les juifs, les musulmans, les pédés, les gouines, les drogués, les malades, les épagneuls bretons, les gauchos, les fachos… merde, je m'emballe je m'emballe, pas les fachos non, j'suis con… enfin les autres quoi.
—Les blancs?
—Non pas les blancs, enfin sauf ceux qu'ont…
—Ta gueule!!! Je sais, même chez les blancs faut être conforme, faut faire de la production industrielle, bien calibrée d'aspect même si c'est insipide à l'intérieur.
♫ A l'ouest gentille à l'ouest, à l'ouest je te changerai, je te changerai les seins je te changerai les seins, et les fesses, et les fesses, et les lèvres, et les lèvres, et les rides et les rides♪
Faut être qu'on forme, con formate, marcher au pas et que rien ne dépasse. Remarque bien qu'aujourd'hui on gravit un autre sommet de la connerie avec les régionalismes qui viennent niquer les nationalismes. Vive la Catalogne libre, t'en penses quoi toi hein? Pardon, c'est vrai que tu penses pas et que tu fais là où on te dit de faire mais sinon, le concept Neuilly libre, Neuilly aux Neuilléens, c'est bandant ça hein.
—Euh…
—Le fait que ta blondasse ne fasse pas recette là où les cultures se mêlent, là où les gens vivent ensemble mais qu'elle soit déifiée là ou le seul arabe croisé depuis dix ans s'appelle Nagui, ça te fait pas réfléchir deux secondes? Qu'est ce qui peut justifier qu'une différence suffise à incriminer et à condamner? Rien!!!
Tu te vois décider d'un seul coup que tous les dentistes sont la cause de tes problèmes? Non parce que dentiste, faut être pervers quand même, le bruit de la roulette, les haleines de chacal et les dents pourries. Perso j'suis pas raciste mais les dentistes…
Encore une fois diviser pour mieux régner et se faire encore plus de pognon, alors on entretient les braises sauf que depuis un bon moment ça part de plus en plus en couilles et que l'incendie va prendre des proportions encore plus dramatiques que ce qu'elles sont aujourd'hui.
Tu sais quoi, en facholandie je me sens être un schtroumpf né d'un père noir musulman et d'une mère arabe juive, je suis petit gros roux aux reflets chauves, pédé, drogué aux idées (mot compte triple) de gauche qui promène son épagneul breton non séparatiste et que c'est pas simple tous les jours d'avoir la banane. La seule chose que je peux changer pour essayer d'être sur la photo c'est l'épagneul, je peux prendre un berger Allemand mais bon…
…Mais bon, je vais arrêter d'être caricatural, car je pourrai en faire des pages et que je suis encore trop long. Et puis les « SOS racisme » et autres saloperies de Mitterrand pour faire exister le borgne ont fait assez de mal au vivre ensemble, en devenant aussi totalitaires que les cranes rasés. Match nul (dans tous les sens du terme). C'est vrai qu'on n'a plus le droit de dire à un arabe que c'est un trou du cul si on le pense parce que tout de suite t'as la vision de la main « touche pas à mon pote » que tu prends dans la gueule. Dans ce sens là aussi ça craint.
Une différence n'est pas non plus un label , une AOC, un alibi, un con est un con et là nous sommes vraiment tous égaux.
Les raisins de la galère ce sont des grappes de colères, d'injustices vécues de l'intérieur.
Tahar Ben Jelloun fait un état des lieux, non caricatural, du vivre ensemble à travers le regard d'une enfant, Française née de parents Algériens, devenant femme.
Sans complaisance pour personne, les sujets tels que la politique, la condition de la femme, les banlieues, la religion, l'identité sont abordés avec force en sachant ne pas agresser.
Même dans ses colères, Tahar ben Jelloun reste poète, ce qui pour moi est une des qualités de ce livre.
Troisième
Ben Jelloun de suite, et à tous les coups je gagne, mais quel sera le prochain?
Ah, je vois qu'un
Atiq Rahimi m'appelle, mais je reviens très vite Tahar.
J'allais oublier, même si là ce n'est pas un des personnages principaux mais qu'on y passe encore, pourquoi Naples?
Je crois que j'aime beaucoup ce bonhomme, enfin ce qui en ressort à travers ses bouquins lus jusqu'ici.