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EAN : 9782492628061
160 pages
Editions Jou (06/09/2024)
4.5/5   2 notes
Résumé :
Huit ans, c’est encore un âge où la vie doit couler douce, vous figer de beaux souvenirs, vous gaver de rire, vous laisser dans l’insouciance… il faut emmagasiner de la belle vie pour les mauvais jours, pour plus tard mais c’est pas vraiment de ça que Le Nain se tapisse le cerveau. Il le remplit de vins chauds et de prières. Les vins chauds, il les descend avec La Moman qui lui répète chut, c’est notre secret. Et les prières, il zappe d’un dieu à l’autre mais toujou... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (3) Ajouter une critique
À huit ans, un petit fakir du quotidien essaie de survivre dans une famille explosive, par l'imagination et par les mots. Poignant et savoureux.

Sur le blog Charybde 27 : https://charybde2.wordpress.com/2024/09/07/note-de-lecture-du-ciel-plein-les-dents-frederic-arnoux/

Il n'est pas si fréquent que la description d'un ouvrage telle que proposée par son éditeur sonne aussi pleinement juste qu'à propos de ce « du ciel plein les dents » de Frédéric Arnoux, publié en septembre 2024 aux éditions Jou. Je me permets donc de la reproduire plutôt que de tenter de la paraphraser plus ou moins maladroitement :

« Huit ans, c'est encore un âge où la vie doit couler douce, vous figer de beaux souvenirs, vous gaver de rire, vous laisser dans l'insouciance… il faut emmagasiner de la belle vie pour les mauvais jours, pour plus tard mais c'est pas vraiment de ça que le Nain se tapisse le cerveau. Il le remplit de vins chauds et de prières. Les vins chauds, il les descend avec La Moman qui lui répète chut, c'est notre secret. Et les prières, il zappe d'un dieu à l'autre mais toujours dans le même but, faire déguerpir le Daron qui crie fort et parfois dégaine une gifle qui claque sur la joue de la Moman. Mais il n'a encore jamais réussi à trouver une belle rime à ce bruit sec. Alors il prie, genoux au sol, paumes des mains en l'air implorant qui veut bien l'entendre, il prie, du ciel plein les dents. »

Le regard d'enfant qui affronte et rend compte à sa façon, nécessairement partielle, partiale et décalée, d'une situation familiale et sociale au moins délicate si ce n'est véritablement tragique – en y détectant d'emblée ou non la part inévitable de détresse qu'elle comporte, sous les jeux et les faux-fuyants – nous a fourni ces dernières années quelques surprenants bijoux : on songera nécessairement, par exemple, au baroque et poignant « Mailloux » (2002) de Hervé Bouchard, ou au si inventif et rusé « Cabane » (2022) de Millie Duyé, magnifiques héritiers tout à fait contemporains du fondateur « Ce que savait Maisie » (1896) d'Henry James, ou, entre temps, du surprenant « le voyage imaginaire » (1933) de Léo Cassil, dans des tonalités ô combien différentes dans chaque cas.

C'est sur ce terrain redoutable que Frédéric Arnoux, que l'on avait découvert en 2017 avec « Cowboy light », s'est aventuré avec ses propres armes, audacieuses et bien différentes : l'auteur des remarqués « Merdeille » (2020) et « du bétail » (2022) manie comme peu de ses contemporains le mélange détonant et savoureux d'un humour gouailleur qui ne s'arrête jamais et de la violence, sourde ou explosive, qui irrigue aussi bien l'avidité des petits et des grands que le désespoir des laissés pour (solde de tout) compte par les tenants d'un capitalisme tardif qui va bien, merci.

Ne prétendant jamais donner de leçon (sa prose expose avec fougue des abîmes et des ambivalences qui se passent largement de toute explication risquant le sentencieux), il nous entraîne au coeur de contrées soupçonnées mais non explorées : les prières et les rêves y apportent leurs baumes aux maux et imbroglios insensés vécus par les protagonistes – jouant à merveille de la transmutation du quotidien et du banal en folie et en extrême -, mais ne prétendent surtout pas – bien au contraire – pouvoir préserver quoi ou qui que ce soit des possibilités tragiques de la vie, si elles devaient s'imposer le cas échéant. À nouveau surprenant, dans un registre plus intime que précédemment mais toujours aussi joyeusement féroce (quels que soient les paradoxes de cette position du récit), Frédéric Arnoux nous offre encore une bien belle réussite.
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C'est drôle, émouvant, complètement barré par moment, complètement réaliste à d'autres, surtout quand on est dans l'émotion avec la voix intime de la mère ou celle du fiston. Autre prodige : le père ne dit jamais un mot mais par ses actions, on sent la douleur de cet homme à double visages. On passe du rire aux larmes. Passez du rire aux larmes, du trash au poétique... ça serait dommage de passer à côté de cette petite merveille !
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Il est des livres qui vous habitent longtemps après avoir l'avoir refermé. Ce roman appartient à cette catégorie. La petite vie du Nain, de la Moman, du Daron et du Grand resteront en vous. J'adore les parties de Naan (clin d'oeil à la Wii) entre les deux frères, les poèmes délirant du Nain et puis… le ‘'petit secret'' que La moman et le Nain gardent bien sous silence. Ce roman est une véritable claque !
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Citations et extraits (4) Ajouter une citation
Le Nain espère vraiment que les cigarettes à répétition n’empêchent pas la Moman de courir longtemps, qu’elle va filer d’une pièce à l’autre, slalomer entre les chaises renversées, se contorsionner in extremis pour échapper d’un cheveu à la main du Daron qui essaie de l’attraper. Ce n’est pas à elle qu’il pense quand il espère sincèrement qu’elle tienne la distance. Mais à lui. Combien de temps qu’il n’a pas partagé un de ces moments magiques avec le Grand. Ce soir visiblement, c’est parti pour une longue partie de Naan. Ce qui est top, ils ne font pas que jouer, il le sent, ils sont ensemble. Il capte bien les yeux rouges et le smile idiot du frangin, n’empêche, qu’est-ce qu’ils se marrent. Ensemble. Ensemble comme il voudrait que cela soit tout le temps, même séparés. De l’autre côté de la cloison, les objets ont l’habitude de voler, les cris de fissurer la vie et à force d’être fracassé, l’amour a volé en éclats, fatras de petits morceaux de verre qui lacèrent, c’est justement pour ça qu’ils ont besoin d’être ensemble avec le Grand, d’être connectés, parce qu’ils sont seuls, personne ne sait qu’ils vivent, personne ne sait qu’ils sont deux fakirs du quotidien, personne ne viendra à leur secours, jamais, ce n’est qu’ensemble qu’ils peuvent s’en sortir, ensemble qu’ils survivront. Avant, même le frangin absent, le Nain ressentait sa présence. Plus ça va, plus cette présence invisible se dissipe, le lien se distend, la faute au cul de la mère de Diana ou à la fumette des cailleras peut-être mais le Nain pressent que c’est plus profond, que le Grand ne lui tourne pas simplement le dos, il s’éloigne. Et qu’est-ce qu’il peut faire ? Certainement pas chouiner en le suppliant de rester à ses côtés. Ce serait encore pire. Une prière ?! C’est sa seule arme. Mais pour l’instant, le Nain est content. La Moman cavale toujours, elle a l’air de tenir le coup jusqu’au moment où, à court d’endroits, elle traverse leur chambre, le Grand est obligé de faire un bond sur le côté pour l’éviter. Bloqué par le lit à étage, le Nain se plaque au sol quand le Daron fonce droit devant lui, obnubilé par la Moman, il a quand même le réflexe de sauter par-dessus le Nain qui se relève aussitôt. Les deux frangins éclatent de rire. Ouais, c’est cool de jouer à la Naan. Ensemble.
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Depuis que le Nain a des devoirs, il les fait sur la table ronde de la cuisine, toujours face à la fenêtre. La présence de la Moman, le bruit du couteau sur la planche à découper, le carillon de la fourchette qui cogne contre le plat quand elle touille il ne sait quoi… ça le rassure. Surtout quand elle sautille d’un pied sur l’autre enchaînant des simili-entrechats ou répète des petits pas de danse entre la gazinière et la table de la cuisine pendant que la soupe mijote. C’est pas souvent et ça dépend de ses cachets mais il adore l’entendre chantonner. Et quand il bute sur un exercice, il peut lui demander de l’aide même s’il se rend bien compte que plus il avance dans les leçons moins elle lui apporte de réponses. Surtout en maths. Alors même quand elle n’est pas rentrée du travail, il s’installe à la cuisine, l’habitude. Quand il bute sur un exercice, il s’échappe en regardant par la fenêtre, la tête posée sur une main, le coude pour trépied. Il lève les yeux et il va se perdre dans le ciel loin de la peinture jaunasse qui vieillit gras au plafond. Une fois traversé le bleu, dépassé Dieu qui des fois fait des crêpes, lave ses nuages ou cuve le vin de messe, il s’enfonce dans le noir de l’univers, broie les planètes au creux de sa main, éclate les Martiens qui giclent vert, écrabouille les fusées entre ses doigts comme des moustiques, gobe des poudrées de voie lactée qui craquent sous la dent, il aime bien, ça fait des petites explosions. Des fois, il shoote dans la Lune. Un coup de pied rageur. Si elle est pleine comme un gros ballon, il lui arrive de la crever avec un ciseau pour regarder le magma de lumière qui dégouline visqueux laissant de grandes traînées phosphorescentes avant de s’éteindre dans l’infini du nulle part. Mais quand elle fait un croissant, ça change tout. Il s’allonge dans le creux et imagine Diana à ses côtés. C’est la voisine du bâtiment A, il en est raide dingue. Comme elle a treize ans, elle ne le calcule pas. Quand il la voit, il n’ouvre pas les yeux pour la regarder mais pour la laisser passer. Elle va direct au cœur. Et elle ne s’arrête pas là. Quelques secondes suffisent pour qu’il la sente se diffuser en lui. Il aime bien la sentir là, au chaud. Surtout qu’il a peur pour elle. Il est persuadé qu’un jour elle va se faire attraper et les flic vont l’envoyer en foyer ou en famille d’accueil, loin de sa mère qui vend de l’héro aux toxs du quartier. C’est Diana qui livre. Blonde comme un ange, toujours habillée comme une Barbie et une vraie petite comédienne. Si en mode pétasse-connasse, elle joue à allumer les garçons du quartier en faisant des manières avec ses mèches de cheveux, en mode Deliv’tox, elle sait très bien écarquiller des yeux de biche qui s’émerveillent d’un chaton courant après un papillon ou verser des larmes de crocodile à la vue d’un Bernard saucissonné dans les escaliers. Alors personne ne se méfie. Et si les flics venaient à la serrer sur un coin de trottoir, elle est mineure, elle n’ira pas en prison. C’est pour ça que sa mère lui bourre les poches de sachets de poudre et lui dit avec son accent des pays de l’Est : va chercher argent. mais avant, sa mère appelle son ange gardien, Karim, un dingue d’un mètre soixante sur un mètre de large qui veille à ce qu’elle revienne intacte et surtout qu’il ne manque pas un euro. C’est une connaissance de sa daronne. Le temps que Diana descende les escaliers, il est déjà à la grille. Pas question qu’elle déambule seule avec autant de marchandise. Avec les toxs tout est possible. Ils pourraient lui faire du mal. Pour lui piquer la poudre. Ou les billets. Ou la violer. Même si elle n’a pas encore de nichons ou à peine de poils, les toxs ça ne les dérange pas. Mais pour ça, faudrait descendre Karim. Et si ça arrivait, le Nain filerait droit chez Tonio prendre un fusil. Avec les toxs ce serait une vraie boucherie. Après, il monterait la garde pour que les chats ne viennent pas mâchouiller la bidoche éparpillée. Les toxs sont tellement tox que les minous risqueraient l’overdose simplement en mordillant un doigt arraché ou en léchant une moitié de poumon éparpillée sur le lino. Mais il préfère ne pas y penser.
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Le Nain se demande ce que Tonio fabrique là-haut, assis sur le toit avec sa carabine. Une petite à air comprimé. Il la distingue de son fusil d’assaut à l’autocollant Non au Nucléaire sur la crosse. Cette carabine, il la connaît bien, Tonio l’entraîne à tirer sur les rats qui traversent la cour à l’occasion ou sur les pigeons qui passent un peu trop souvent par là. Il lui répète sans arrêt qu’il faut être prêt pour le jour où. Si pour l’instant ils tirent sur des bestioles, un de ces jours ce sont les bicots et les négros qu’ils viseront. Ce n’est qu’une question de temps d’après Tonio. N’empêche, le Nain se demande bien ce qu’il fabrique, assis en tailleur sur l’arête du toit, la carabine en travers des genoux. Lui, ça fait un bon quart d’heure qu’il a les fesses posées sur le rebord de la fenêtre de Madame Ben Choukry, les jambes dans le vide, à taper les talons contre le mur pour passer le temps. Il n’en pouvait plus de tourner en rond dans la cuisine avec son sac de piscine dans le dos à attendre que la Moman sorte de la salle de bain. Surtout que le Grand ne veut jamais jouer avec lui à FIFA, il le trouve trop nul. Quand elle a dit préparez vos affaires, je vous dépose à la piscine, le Nain avait réagi au quart de tour. Sauter dans l’eau en hurlant, se couler avec les copains qu’il trouve sur place, éclabousser les filles qu’osent pas plonger… à chaque fois, ce sont des super-après-midis. Et quand ils commencent à trouver l’eau trop froide, ils peuvent toujours aller piquer dans les vestiaires. Une cravate, une chaussette, le top c’est une petite culotte en dentelle mais c’est rare. Ils n’en font rien, c’est juste pour épater la galerie. Et sprinter dans les couloirs en jouant au chat et à la souris avec les gens du ménage, ça réchauffe. Pour faire passer le temps, le Nain a vérifié son sac au moins quatre fois. Maillot de bain, bonnet de bain, lunettes, serviette, y’a tout. Shampoing et gel douche, pas besoin. L’eau pleine de chlore, ça décape. À force de tourner en rond dans l’appartement à attendre que la Moman sorte de la salle de bain, il a préféré descendre dans la cour comme si ça allait la faire accélérer. Il se demande pourquoi elle met toujours autant de temps à se faire belle. Elle les dépose devant la piscine Jean Zay, va au Lidl faire les courses pour la semaine et revient les chercher deux heures après. Depuis quelques mois, c’est comme ça tous les samedis après-midi. Le grand aurait pu lui faire remarquer que, quand elle revient, elle est toujours moins bien coiffée mais il le garde pour lui, le petit frangin est déjà assez dérangé comme ça, pas la peine d’en rajouter. Lui aussi en avait marre de jouer à FIFA, il est descendu le rejoindre dans la cour.
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Ici, amour et haine sont à l'air libre. Un soupir appuyé, un regard de travers et tout s'embrase.
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