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370 pages
Calmann-Lévy (31/03/1923)
4.5/5   2 notes
Résumé :
Evariste Codrus, financier véreux, rassemble quatre hommes désespérés et suicidaires pour leur proposer une expédition dangereuse mais qui pourra en cas de réussite faire d'eux des millionnaires : il s'agit de se rendre à l'Île de Pâques où survivrait, dans un monde souterrain, le peuple originel de cette île, qui serait constitué des Atlantes ayant survécu à l’engloutissement de l'Atlantide.
Désormais cavernicole, ce peuple posséderait des richesses antiques... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (2) Ajouter une critique
Le jeune ingénieur breton, Jean Hoédic, est las de l'existence .
A qui la faute ?
A Dieu ? Aux hommes ?
A cette femme, Claire, qui lui fit chavirer le coeur ?
Sur le point de mettre fin à ses jours, il passe un curieux contrat avec un mystérieux docteur Codrus aux allures de gnome.
Il n'est pas seul.
Hartog, Flaugergue et corlèven ont signé avec lui les clauses d'une drôle d'aventure qui doit faire leur fortune ou leur coûter la vie ...
"Rapa Nui" est un roman déconcertant écrit en 1922 par André Armandy.
C'est une sorte de roman populaire mâtiné d'exotisme, de mystère et teinté d'une touche d'érotisme.
A l'image du "comte de Monte-Cristo" ou de "Chéri-Bibi", il est articulé en deux époques :
La première est une sorte de de course au trésor sur le trois-mâts mixte la Frileuse jusqu'à Rapa Nui, la légendaire île de Pâques.
Ce récit est pittoresque, prenant même à certains passages.
Mais il gâché par d'inqualifiables tâches d'encre raciste, par une écriture quelque peu hystérique et névrosée, et enfin par des descriptions lourdes et artificielles.
Rien qui ne mérite donc de faire sortir ce roman de l'oubli où il était tombé, si ce n'est sa mise en place astucieuse et originale.
Cependant, c'est par sa deuxième partie, à l'heure où vont se régler tous les comptes, que le livre d'Armandy devient véritablement un objet de curiosité :
La vengeance !
Car André Armandy, que l'on surnommait au temps de sa gloire "l'écrivain des aventures cosmopolites", semble avoir voulu réparer dans cette deuxième partie une injustice dont lui-même aurait été la victime.
En effet, des éléments de sa biographie concordent avec l'histoire racontée par Flaugergue lorsqu'il entreprend de laminer le petit substitut de Loudéac devenu un important procureur général à Paris.
On assiste à la mise à mort de ce grand magistrat.
C'est posé. C'est lentement déroulé.
C'est qu'Armandy semble y savourer une vengeance toute personnelle.
N'aurait-il pas connu, avant de devenir un romancier célèbre, l'infamie d'une condamnation pour vol à quatre ans de prison, d'une autre pour coups et blessures, et l'humiliation de la désertion ?
André Armandy n'a-t-il pas été décoré de la Croix de Guerre, comme Flaugergue, pour avoir été blessé durant la première guerre mondiale ?
Et il le raconte ici par la voix de son personnage auquel il semble s'identifier le temps d'un règlement de comptes et de quelques autre petites babioles ...
Où il égratigne par exemple les "passionnettes coloniales" de Loti et de Farrère, la religion, la finance, le syndicat et plus particulièrement les "cégétistes" !
Cette deuxième partie du livre, sorte de fourre-tout vengeur, est prenante, captivante même.
Elle est mieux écrite que le corps du roman, car certainement plus personnelle.
Elle lui donne tout son sens.
Le récit y est tendu et déroulé de manière plausible et logique, avec un épilogue finalement très inattendu.
En 1927, un film muet inspiré très librement du livre d'Armandy a été réalisé, en coproduction franco-allemande, par l'italien Mario Bonnard, avec dans son dernier rôle sur le grand écran la comédienne bien oubliée aujourd'hui Claude Merelle dont la voix ne passa pas l'épreuve du cinéma parlant ...


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Disons-le d'emblée, à défaut d'être un chef d'oeuvre, « Rapa-Nui » est un très grand livre, dont les ambitions, souvent contradictoires, vont bien au-delà de la littérature populaire de base, à laquelle André Armandy se cantonnera prudemment plus tard.
C'est d'abord et avant tout un des très rares romans français – voire le seul (du moins à ma connaissance) – à s'inscrire dans l'esprit des romans d'aventures exotiques et fantastiques d'Henry Rider Haggard, et qui parvient réellement à en retrouver la magie.
Pourtant, Armandy est plus jeune d'une génération, et là où le très convenable Rider Haggard savait évoquer en termes poétiques la sensualité sauvage de la femme « tribale » et la candeur romantique quasi mystique de la femme « civilisée », André Armandy use d'un vocabulaire plus âpre et se réfère parfois crûment à une sexualité bien plus charnelle et brutale. Mise à part la figure idéale et issue d'une race « supérieure » qu'est Oédidée, les autres personnages féminins de ce roman sont globalement pervers ou cruels. L'auteur ne manquera pas d'ailleurs, dans ses autres ouvrages, de partager sa misogynie amère et rancunière envers la perversité des femmes, souvent opposée à la camaraderie profonde et virile entre hommes ayant appris des revers de la vie l'importance de la parole donnée, de la loyauté, du permanent sentiment de justice.
L'idée de justice est omniprésente par ailleurs dans ce roman qui met en scène des hommes injustement brisés et qui cherchent avant tout à puiser dans la fortune atlante les moyens de prendre une revanche sur le destin, revanche qui leur est au final souvent refusée. Ce n'est pas le moindre des paradoxes de l'auteur d'avoir bâti son roman sur un pillage archéologique totalement empreint de pensée raciste et coloniale, tout en conspuant assez ouvertement le colonialisme (notamment en étrillant des auteurs comme Pierre Loti ou Claude Farrère, grands spécialistes du genre), mais en l'excusant toutefois en faisant de ses héros des hommes devenus voleurs à force d'être eux-mêmes volés, et qui n'ont au final, en détruisant les restes d'une civilisation, que le sentiment de transmettre une injustice dont ils ont été les premières victimes.
Tout cela est au final assez moralement discutable, et on comprend que la morale d'André Armandy l'ait amené un jour à fuir la loi française dans la légion étrangère. Sur le plan idéologique, Armandy est plus compliqué à situer : ni l'auteur ni ses personnages ne se cachent d'un racisme condescendant et hiérarchisé qui nous ferait placer André Armandy parmi les conservateurs d'extrême droite, si le sens même de cette aventure ne se plaçait sous les auspices d'une position politique assez à gauche, la fortune pillée n'étant ici que le moyen de rétablir une justice sociale mise à mal par la corruption des hommes d'affaires et des capitalistes forcenés, non sans une brutalité d'action qui flirte ouvertement avec le bolchévisme.
Bref, André Armandy, tiraillé entre les rêveries romanesques de son enfance et les souvenirs âpres et brutaux de sa vie militaire, marqué par la pensée coloniale raciste mais glorifiant les amours interraciales et exotiques, signe un premier roman où il a sans doute mis beaucoup de lui-même, et où il s'efforce de concilier, comme il a sans doute tenté de le faire durant sa propre vie, des idéaux de départ puissamment romantiques et une expérience de la vie pragmatique et désabusée.
Cette personnalité instable, tentée par différentes tendances extrêmes, est cependant pour beaucoup dans le charme particulier et insolite de ce roman. Car si André Armandy a une écriture soignée mais qui se situe très en deçà du style ciselé et bourgeois d'Henry Rider Haggard, il en évite par contre les travers monotones et souvent trop statiques qui plombent un peu les livres de l'écrivain britannique. Souvent très bavard et privilégiant l'ambiance à l'action, « Rapa-Nui » n'est par contre jamais monotone ou ennuyeux, les rebondissements y sont nombreux et contés parfois avec une certaine énergie, les dialogues y sont souvent brillants, intelligents et cruels. On n'échappe pas à quelques longueurs, mais dans l'ensemble « Rapa-Nui » est à compter parmi ces perles méconnues de l'imaginaire des années 20, et un monument à part dans le roman d'aventures français.
Enfin, « Rapa-Nui » est aussi merveilleusement servi par son décor, cette île de Pâques qu'il a su recréer et dépeindre avec une étonnante justesse et un indéniable charme exotique, imaginant les rituels solaires du peuple atlante et son culte d'Inti (nom donné au soleil) caché sous la surface d'un bout de terre perdu au milieu de l'océan, où tout semble plus onirique, plus imprévisible qu'une planète inconnue, plus insondable qu'un abîme du fond des mers, et dont on ne peut que s'étonner qu'il n'ait pas plus que ça inspiré les écrivains.
En ce sens, ce roman reste un ouvrage véritablement à part, mêlant un fantastique classique encore ancré dans le XIXème siècle, et une forme résolument moderne pour l'époque, une âpreté ultra-réaliste, une cruauté et un matérialisme assumé, avant de se conclure dans une poésie romanesque digne de Roméo et Juliette ou d'Héloïse et Abélard. Ce qui manque au roman comme maîtrise est compensé par son extrême richesse, par un soin méticuleux des descriptions, par la volonté de transporter le lecteur dans un univers fascinant et immersif, même s'il y sera grandement malmené.
Que cette déception d'esthète et de blasé ne fasse cependant pas oublier que « Rapa-Nui » reste, presque un siècle après sa publication, un roman ardent, profond, envoûtant et inoubliable, témoin injustement méconnu d'une très grande époque de créativité littéraire française.


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Citations et extraits (2) Ajouter une citation
Qu'entendez-vous par nos semblables ? interrompt Flaugergue de sa voix tragique.
Ceux dont l'égoïsme, l'ambition, l'arrivisme, la rapacité, se firent un marchepied de nos existences, composèrent leur insolente réussite avec le meilleur de nos vies, mirent un mur en travers de nos voies, usèrent nos énergies et nous acculèrent au renoncement définitif ? ...
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Au son de l’exclamation que sa vue m’arracha, elle a fait un bond de bête prise au piège; mais, plus prompt qu’elle cette fois, j’ai coupé la retraite.
Elle a reculé jusqu’à la muraille de roc inaccessible et s’y incruste avec, dans ses yeux affolés, un effroi d’animal traqué. Le faisceau lumineux de ma torche électrique l’inonde et l’éblouit à la fois. Et sans égard pour sa détresse, je la regarde… Je la regarde avec une sorte d’épouvante qu’elle ne peut voir.
C’est son front pur et son nez rectiligne qui le prolonge comme le profil antique des marbres grecs; ce sont les corolles palpitantes de ses narines, sa bouche fruitée dont la lèvre inférieure est partagée par un léger sillon comme les deux lobes d’une rouge cerise; c’est l’onde floue de ses cheveux de nuit; son menton volontaire et têtu, son cou gracile et rond. Ce sont ses beaux yeux gris, grillagés de longs cils, dont la pointe se recourbe en menu hameçon.
C’est celle enfin, entre laquelle et moi j’ai voulu mettre l’infranchissable barrière du néant !
J’éteins ma lampe qui l’effare et je suis à présent tout contre elle. Elle m’a laissé prendre sa main et ses yeux perdent leur tragique émoi. Elle me regarde, et l’aube d’un sourire entrouvre sa bouche…
Et pourtant non, ce n’est pas l’autre, l’amie maudite que j’ai laissée là-bas dans ce Paris où elle m’attira. Non ! La nature a pu, en se jouant, te donner, jolie petite enfant sauvage, ses yeux, son front, son nez, sa bouche, ses cheveux, mais le sourire confiant et désarmé, un peu câlin, un peu mutin, un peu moqueur aussi, dont tu m’as reconnu est bien le tien et n’a rien de commun avec ce geste étudié de sa bouche à elle, le sourire pour objectif.
Je n’ose ni parler, ni faire un geste, crainte d’effaroucher le joli animal qui va s’apprivoisant; très lentement, presque sans la serrer, je monte vers mes lèvres sa menotte posée sur la mienne et je ne fais que l’effleurer. De sa main restée libre, elle touche mon front libéré et me dit en français dans son sourire :
– Guéri ?
– C’était donc toi, petite fée, que je tenais entre mes bras cette nuit-là ?
Elle sourit plus encore :
– Vous m’avez fait bien peur !
Elle parle français avec un délicieux accent à la fois guttural et zézéyant ou les « r » coulent comme des « l », où les finales sont un chant.
– Qui t’apprit notre langue, petite chèvre sauvage ?
– Les bons Pères, qui m’ont élevée.
– Comment t’appelles-tu ? Où vis-tu ?
– Je m’appelle Oédidée. (..)
– Mais comment m’as-tu vu, Oédidée. ? Que fis-tu ce soir-là ?
– Je ne sors que la nuit, car Coreto m’a défendu ses terres, et les serviteurs sont fouettés quand elle sait qu’ils m’ont parlé. J’ai su par eux que quatre blancs étaient arrivés dans l’île, que c’étaient des Français, et qu’ils n’avaient molesté personne… Ce sont des Français qui ont autrefois sauvé les miens. J’ai voulu vous connaître et je me suis cachée, la nuit, autour de la mission. Tu es sorti…
– Mais comment m’as-tu vu, Oédidée ? Il faisait noir…
Son rire a le son d’une source rapide :
– Noir pour tes regards émoussés, pas pour les miens.
C’est vrai, je me souviens. Sa race est nyctalope. Le docteur Codrus savait aussi cela.
– Et puis qu’est-il advenu, méchant lutin ?
Elle rit encore.
– Peut-être entends-tu mieux que tu ne vois. Tu m’as saisie…
– Je t’ai tenue dans mes bras, toute palpitante…
– Je me suis débattue…
– Ma main a glissé…
– Les Pères disaient que c’est très mal. Tu rôtiras plus tard dans le feu d’Hougatoë. Tes mains se sont faites très douces…
– Tu t’es enfuie; je t’ai suivie…
– Tu es tombé ! C’est à ce moment que j’ai eu le plus peur. La fleur rouge était sur ton front et grandissait. tes yeux étaient fermés et tes bras mous.
– Alors qu’as-tu fait, Oédidée ?
– Ceci, dit-elle. Donne ton front.
Docile, je laissais s’amuser ses mains agiles. Ma tête, qu’elle entoure de mon mouchoir, repose sur ma couchette. Elle est agenouillée à mon côté et ses dents luisent entre ses lèvres rouges à la lueur du photophore. Je regarde sa peau mate, dont le grain a la couleur et la finesse des perles rose jaune. Par la fente qui arrache sa méchante robe de quatre sous, je vois quand elle bouge la vallée ambrée de sa gorge et la naissance du globe de ses seins. Ses bras ronds et nus qui voltigent autour de moi ont une odeur jeune qui affame.
– Oédidée, laisse ma tête. Tu me grises, petite enfant.
Elle serre le dernier nœud.
– Et puis ceci, dit-elle : ferme tes yeux.
J’obéis. Derrière mes paupières fermées, je perçois comme à travers un voile rouge orangé la lumière du photophore. Une ombre s’interpose entre la lumière et mes yeux, une bouche effleure ma bouche…
Mon regard ne revit que pour voir retomber la toile de l’entrée. Je bondis sur mes pieds, et m’élance dans la nuit… Une voix mutine qui s’éloigne murmure dans un rire :
– Tu tomberais de beaucoup plus haut ici qu’à la mission, et je n’irais plus te chercher.
– Reviens, Oédidée !
– Demain, si tu es seul… Repose.
C’est en vain que j’ai interrogé le silence nocturne pour qu’il me dise où s’en était allé son pas de sylphe.
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