Le rénégat

C'est en Algérie, dans une manière d'épicerie-débit de boissons juchée au flanc d'un des monts de Kabylie, qu'André Armandy aurait entendu cette histoire.
Un homme la lui aurait racontée.
"El-abiod", autrement dit "le renié" parce qu'il vivait à la mode indigène, était un européen qui traînait dans sa solitude un lourd secret, un de ces secrets qui font après-coup les livres à succès et les superproductions hollywoodiennes.
"Le renégat" est un roman d'André Armandy.
Il a été publié en 1946 aux éditions"Tallandier".
L'illustration de couverture est magnifique.
Ce récit est une histoire qui sent le sable chaud, la crotte de dromadaire et la poudre à fusil.
C'est une histoire pour les hommes, les durs, les tatoués.
C'est que le personnage principal est une âme torturée, un soldat brisé par l'injustice, un légionnaire traînant son passé à la manière d'un boulet de travaux forcés qui toujours lui rappelle sa faute originelle.
Le roman s'ouvre comme une épopée un peu légère, par l'équipée bruyante et alcoolisée de quatre légionnaires héroïques.
Deucalion, Biloxi, Vologuine et Machwurth font partie de la 6eme compagnie de la Légion commandée par le capitaine Mordiconi.
Ils n'ont pas froid aux yeux mais le gosier en pente, et tout juste médaillés de frais, leurs vieux démons les ont repris sur la route du retour vers le cantonnement.
Mais Deucalion cache un secret terrible que l'alcool fait entrevoir.
Il se fait alors peur à lui-même et craint de ne pouvoir toujours se maîtriser.
Lorsque le drame éclate, c'est un drame d'opérette mais qui va sceller le destin des quatre hommes.
Deucalion surtout, Deucalion meneur d'hommes, Deucalion qui trahi par une femme est devenu le traître, le "renégat" !
Ce roman est bien écrit.
On a dit d'André Armandy qu'il possédait une plume.
Son roman "les réprouvés" fût d'ailleurs récompensé par L Académie Française.
Il est aussi écrit un peu partout sur "la toile qui se répète" qu'Armandy était surtout un écrivain pour la jeunesse.
Je ne suis pas sûr que dans le cadre present les aventures finalement tragiques de quatre légionnaires quelque peu avinés soient ce qui puisse se faire de plus pédagogique comme exemple pour notre belle jeunesse.
Cependant, s'il y a dans ce roman tous les ingrédients nécessaires à un grand roman d'aventure, il y manque tout de même le souffle qui fait la différence.
Et puis quelques tournures y sonnent faux, quelques grands sentiment moulinent à vide, et certains tourments ont des accents un peu ridicules.
De vagues jugements géo-politiques semblent même en provenir qui sont d'un autre temps.
Pourtant "Le renégat" avait su inspirer le cinéma outre-atlantique.
Mais le film, comme le livre, ont été bien vite oubliés et ils ne reste des deux qu'un vieux broché jauni et quelques vieilles bobines poussiéreuses.
Aucun des deux n'est passé à la postérité.
Adieu veaux, vaches, cochons et intemporelles oeuvres indispensables !
Au lecteur de juger ce qui manqua au destin de cet homme, écrit André Armandy dans les premières lignes de son roman.
Mais au final le lecteur n'est-il pas toujours le meilleur juge dans le tête à tête qu'il lui est proposé avec chaque livre ?