"Il existe encore des familles où une femme qui lit beaucoup inquiète et scandalise."
(
F. Mauriac)
Quand j'ai sorti "
Les femmes qui lisent sont dangereuses" de son bel emballage, le matin de Noël, j'ai eu un petit moment de flottement. Pendant un court instant, j'ai cru qu'il s'agit d'une de ces indispensables compilations sans queue ni tête, éditées vite-fait avant les fêtes, à mi-chemin entre le "Grand Larousse des tire-bouchons" et "Les cent tableaux qu'il faut voir avant de mourir".
Erreur ! Un rapide coup d'oeil sur la couverture et sur les reproductions à l'intérieur m'a assurée que le Père Noël reste un homme raffiné de bon goût. C'est un beau livre à feuilleter et à rêver...
Mais pourquoi une femme qui lit devrait-elle être "dangereuse" ?
Dans leur deux préfaces respectives, L. Adler et S. Bollman nous éclairent sur le sujet. Sur les rapports entre la femme et la lecture à travers les siècles. Sur le chemin qui mène de l'ignorance et la soumission à la connaissance et l'émancipation, bien avant notre époque moderne.
Et bien sûr, ce n'est pas uniquement le cas de femmes. Dès que n'importe qui, homme ou femme, a l'accès à l'instruction, il obtient cette capacité de se faire ses propres opinions sur le monde. Son esprit s'ouvre, et il devient potentiellement dangereux à ceux qui ont l'habitude de dicter.
L'instruction est "dangereuse". Les livres sont "dangereux". Mais tout ça, c'est merveilleux et libérateur. Avec un livre, on s'isole du monde immédiat, pour en explorer d'autres. On s'amuse. On apprend. On voyage. Et les femmes qui lisent sont belles.
Quand on regarde un portrait d'un homme avec un livre, l'objet symbolise le plus souvent la sagesse ou le statut social. Un livre dans la main d'une femme devient un objet sulfureux; la pomme de la connaissance du Jardin d'Eden.
Mon vieux prof d'histoire de l'art, un grand esthète, disait toujours d'avoir un "faible pour les femmes qui lisent les livres plus épais que leur poignet". On en trouve quelques unes, sur les images de ce livre. Mais même s'il s'agit d'une lettre, d'une carte routière ou d'un catalogue de mode, il y a toujours quelque chose de particulier à observer chez ces lectrices.
Rêverie, attente, concentration, abandon...
Le livre regroupe une centaine de reproductions de tableaux et des photos (d'artistes connus et moins connus) à travers les époques, avec des courts commentaires.
J'ai toujours aimé les livres de "tableaux commentés" - on commence par regarder le titre et la date, et puis on essaie d'imaginer l'histoire cachée dans le tableau. Ce n'est qu'après qu'on regarde le texte - parfois on y est, parfois pas du tout ! Mais à chaque fois, il y a quelque chose à découvrir.
Comme cette Vierge de l'Annonciation, qui est très pressée de retourner à son livre d'heures, dès que l'Ange partira. Ou cette Marilyn concentrée sur la lecture d'Ulysse de Joyce. Elle a presque fini...
J'ai mis du temps pour tout parcourir; parfois les tableaux étaient inutilement ressemblants entre eux (et les textes aussi), mais c'était une excursion artistique fort sympathique.
Il ne reste qu'à découvrir ce que me réserve son pendant "
Les femmes artistes sont dangereuses". Père Noël ne fait pas les choses à moitié...