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Citations de Scholastique Mukasonga (396)


Ma meilleure amie était alors Vanessa, une jeune femme rwandaise d’une beauté si parfaite qu’elle ne pouvait retenir un sourire de commisération quand elle jetait un regard sur le reste des humains. On aurait dit une déesse égarée dans la banalité et la laideur du monde. Elle était mariée à un Belge, directeur de la plus grosse société d’import-export du pays, qui, dès leur première rencontre, subjugué par l’éclat de sa beauté, avait oublié sur-le-champ femme et enfants laissés à Bruxelles. Avec Vanessa, je pénétrai dans un univers d’insouciance et de futilité que j’ignorais et qui, je ne tardai pas à m’en apercevoir, n’était pas fait pour moi, mais qui au début m’amusa.
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Comme l’a écrit le Poète, que je ne connaissais pas encore : « On n’est pas sérieux quand on a dix-sept ans. » Je profitais de l’heure de la sieste pour explorer dans les moindres recoins les salles de classe, les dortoirs, les réfectoires du petit séminaire et je portais enfin, pour ma seule satisfaction, cette minijupe rouge que j’avais cousue moi-même selon des journaux de mode que mes camarades faisaient circuler à l’école malgré la censure de sœur Mariette. Bien sûr, je n’avais jamais osé la mettre de peur de déclencher une émeute sur le marché de Gitega et de me faire exclure par un verdict sans appel de la directrice et du conseil de classe outrés de tant d’impudeur.
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Malheur à celui qui se laissait aller à la somnolence, oubliait de rire au bon moment, montrait le moindre signe d’agacement. Pour les fonctionnaires, se réunir dans un cabaret du Camp swahili aurait pu être considéré comme un préparatif de complot et assimilé à un acte de haute trahison.
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Il est vrai que l’établissement jouissait d’un certain prestige. Il avait la réputation de former l’élite féminine du pays et toutes les élèves n’envisageaient pas d’exercer leur profession auprès des paysannes des collines. Certaines se voyaient déjà destinées à de plus hautes fonctions. La ministre des Affaires sociales et de la Santé, Madeleine Ayinkamiye, et la députée de Butare, Angèle Mukakayange, n’étaient-elles pas d’anciennes élèves de Karubanda ? Mais l’école se distinguait surtout par ses méthodes pédagogiques libérales qu’y pratiquaient les religieuses québécoises et qui contrastaient avec celles généralement appliquées dans les écoles rwandaises.
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Ne sommes-nous pas nous aussi rwandais ? Nous avons honte quand nous allons au Rwanda voir nos cousins et nos cousines. Que pensent-ils de nous ? que nous méprisons leur langue ? » À cette époque, j’avais peur pour mes enfants. La langue est une identité, et cette identité, on me l’avait niée. Elle était devenue une menace de mort. Je voulais leur épargner cette menace, qui semblait planer sur eux comme elle planait sur moi. Je voulais les éloigner de mes cauchemars. Je ne voulais pas qu’ils soient tutsi.
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Les subtilités de la langue et de la politesse burundaises échappaient la plupart du temps aux experts expatriés malgré toute la bonne volonté qu’ils pouvaient y mettre.
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« Je suis assistante sociale, tout juste diplômée et très motivée. Avez-vous du travail pour moi ? » La plupart du temps, l’interpellé me repoussait sans ménagement, d’autres, estimant qu’il s’agissait d’une nouvelle forme de mendicité plus sophistiquée, me tendaient une pièce que je refusais en fondant en larmes, quelques-uns me faisaient des avances non équivoques et m’invitaient à les suivre. Je m’enfuyais, honteuse, mais toujours déterminée à poursuivre mes démarches aussi impertinentes qu’hasardeuses.
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Le collège avait la réputation de dispenser un enseignement de qualité. Les professeurs mettaient un point d’honneur à ne compter ni leur temps ni leurs efforts en dépit des maigres salaires que pouvait leur offrir l’établissement.
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Mélodie et moi restions un peu à l’écart. Nous étions les seules « intellectuelles » de la petite communauté. Dans notre arrogance juvénile, nous jugions ridicule de nous mêler à ces réjouissances naïves que nous considérions comme déplacées. Nous nous réservions pour un plus noble rôle, digne de notre rang.
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Nous devions en toutes circonstances faire honneur à notre école et montrer ainsi l’excellence de la formation et de l’éducation que nous avions reçues. Quant à celles qui, cette année, avaient échoué, elle était certaine qu’elles réussiraient l’année suivante. L’école ne connaissait pas d’échecs.
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Quand Casimir revint d’URSS, il n’était pas devenu communiste, il n’avait pas assimilé la doctrine du marxisme-léninisme, il ne s’apprêtait pas non plus à rejoindre les maquis du Che sur l’autre rive du Tanganyika, il s’était converti corps et âme à la vodka. Le beau garçon qu’elle attendait, fin et élégant, était devenu un être obèse, bouffi, colonisé par l’alcool.
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Longtemps, j’ai considéré que les sardines à l’huile et le corned-beef étaient les mets les plus raffinés et les plus savoureux que l’on puisse déguster sur cette terre.
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Lorsqu’on nous avait abandonnés à notre sort, sur un lopin de brousse, d’abord à Gitwe, puis à Gitagata, nous n’avions aucune ressource. Il avait fallu défricher, ensemencer un premier lambeau de champ arraché aux épineux tenaces, attendre la première récolte. Nous ne subsistions au bord de la famine que par les rares poignées de riz que les pères de la mission distribuaient aux enfants qui allaient à leur école.
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Un jour, ma promenade me mena jusqu’à la porcherie où j’assistai, pétrifiée d’horreur, à l’égorgement d’un cochon par des tueurs aussi féroces que malhabiles. J’ai gardé en mémoire l’image traumatisante d’une pauvre bête qui tentait de s’enfuir, le coutelas enfoncé dans la gorge. J’entends encore les vociférations des poursuivants et les cris lamentables du cochon. Je courus me réfugier dans ma chambre, résolue à ne plus toucher aux succulentes tranches de lard ou aux tartines de saindoux qu’on servait en abondance à la table du séminaire.
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Je détestais la jupe grise trop longue et le corsage d’un blanc douteux de l’uniforme que nous devions porter même pendant la seule sortie autorisée du dimanche après-midi. Nous avions l’air de vieilles nonnes ou de détenues en promenade et nous avions honte des regards des passants pleins de mépris ou de compassion, même si bien évidemment on nous enviait aussi.
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Devenir assistante sociale, ce fut mon choix, peut-être le seul choix véritable de ma vie : le diplôme que j’étais résolue à acquérir coûte que coûte. Lorsque, au sortir du lycée Notre-Dame de Cîteaux de Kigali, j’avais posé cette option, mon frère André, qui enseignait dans un collège du nord du Rwanda, non loin des rives du lac Kivu, s’en était étonné et inquiété. Sans doute aurait-il préféré me voir professeur, c’était plus accessible. Surtout, il savait bien que c’était peine perdue d’avance, que mon choix ne serait jamais validé puisque ma carte d’identité portait, comme une marque infamante, la mention TUTSI.
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Ce mot « diplôme », pour moi, c’est d’abord une chanson. Une chanson que le moniteur avait composée et nous faisait chanter en classe après l’hymne national. Elle célébrait l’exploit d’un héros local, Fidèle Rwambuka, qui fut le premier des autochtones du Bugesera à obtenir un diplôme, ce qui lui valut d’être le premier bourgmestre natif de la commune de Nyamata.
Nous chantions l’éloge de Rwambuka, le diplômé, avec plus de conviction et d’enthousiasme que l’hymne national.
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Le Malheur, lui aurait dit Kitami, se croit toujours le plus fort mais il ignore qui vient après lui. 
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C’est le secret du tambour. N’as-tu donc jamais entendu le proverbe : “Ce qu’il y a dans le ventre du tambour, seul son berger légitime peut le connaître.” Je n’ai pas été voir dans le ventre du tambour, qui oserait ? Mais c’était le tambour d’une reine, les tambours des rois et des reines ont un cœur. »
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Les Tutsi déplacés avaient subi bien des humiliations, ils n’étaient peut-être plus pour les Hutu que des cafards, mais ils n’étaient pas prêts à accepter que leurs enfants côtoient un Mutwa
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