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Citations de Scholastique Mukasonga (396)


J’étais à moitié nu, je n’avais plus qu’un petit bout de tissu qui couvrait à peine ce qu’on ne doit pas montrer, j’avais honte et je ne voulais pas suivre la piste principale de peur qu’on se moque de moi. Alors j’ai pris des petits sentiers à travers les collines. Je ne savais plus où j’allais, où j’étais. J’évitais les habitations, j’étais certain que les femmes s’enfuiraient de peur en me voyant, que les enfants me poursuivraient en riant et me lanceraient des cailloux, que les hommes se jetteraient sur moi pour me livrer aux chiens ou bien au sous-chef qui m’enfermerait en prison
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Tu ne peux pas pénétrer dans la forêt de Nyungwe. Les grands singes qui y habitent ne te laissent pas y pénétrer, c’est leur domaine, ils attaquent, pillent et violent tous ceux qui s’y risquent. Et puis il y a les léopards qui te guettent et des serpents dans les branches qui crachent leur venin dans tes yeux et d’autres qui rampent dans les herbes sous tes pieds, on dit même qu’il y a des éléphants, plus petits peut-être que ceux du Bugesera, mais malheur à toi si tu empruntes leur sentier ! Il y a bien une piste qui traverse la forêt, une seule, mais les hommes de Rwagataraka ont dressé une barrière ; celui qu’ils soupçonnent d’aller chez Musinga, ils ne le laissent pas passer : ils le battent, lui confisquent ses bagages et les présents qu’il allait offrir au roi. Kamembe, c’est pire qu’une prison, personne ne peut y aller rendre hommage au mwami : c’est comme si on l’avait jeté de l’autre côté du lac.
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À cette époque, on aimait encore les vaches, plus que le papier que vous donnent les Blancs parce que vous êtes allé à l’école.
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Retiens bien cela dans ton cœur, mais ne le répète à personne, au lycée, d’autres pourraient te vouloir du mal, mais un jour peut-être, puisque tu vas à l’école des Blancs, tu auras à l’écrire. Les jeunes d’à présent, ils n’ont plus de mémoire, ils écrivent…
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Ne compte pas sur tes cheveux blancs pour te sauver. On ne respecte plus rien aujourd’hui. Tu auras droit à la chicotte comme un petit voleur sur le marché. Pense à ta petite-fille qui fait de grandes études au lycée, cela peut lui porter tort.
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Dans la croix des Pères, il y a toujours l’arbre de Ruganzu qui était le grand talisman du Rwanda. Il l’est toujours. Prends ce petit bout de bois, garde-le toujours sur toi, autour de tes hanches, il te protégera, te guidera. Promets-le-moi, porte-le toujours sur toi. Tu vas partir, quelque chose me dit que je ne te reverrai plus. Mais je serai quand même avec toi, le bois de Kivumu veillera sur toi.
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Maman était à la fois fière et triste de mon succès. Bien sûr, elle appréciait le défilé de voisines qui venaient féliciter l’« étudiante » et lui faire cadeau d’une petite pièce, voire pour les plus riches ou les plus généreuses d’un billet de dix francs qu’elles défroissaient avec solennité et déposaient sans discrétion dans la vannerie disposée pour recevoir les dons. Mais je remarquais aussi que maman me dévisageait avec une insistance inquiète comme si elle avait voulu graver mes traits au plus profond de sa mémoire. Elle avait scrupuleusement rempli ma valise de tous les objets insolites qu’énumérait la liste fournie par le collège qu’avait apportée comme un important document officiel le planton de la commune.
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« Il y a des choses qu’une jeune fille ne doit pas dire à un homme, encore moins à un Blanc. »
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“Nyabugigira, tu n’as rien compris, les Blancs ne parlent pas au talisman, c’est l’Esprit du talisman qui parle en eux, qui leur dit comment agir, qui leur communique sa puissance. Il faut nous emparer de ce talisman et de sa force et, si l’Esprit qui l’habite ne veut pas nous obéir, nous le détruirons. Retourne chez les Blancs, dérobe-leur un de ces talismans, rapporte-le-moi, nous le pendrons à l’une des branches de notre grand arbre : nous verrons bien qui sera le plus fort mais, j’en suis certain, c’est notre Imana qui sera le vainqueur, c’est lui qui sauvera notre Rwanda.”
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Il n’avait jamais rien vu de semblable mais il était certain que c’était cela le talisman qui rendait les Blancs si puissants car ils lui parlaient sans cesse et, pendant la grande cérémonie où l’un des Pères mangeait une sorte de roupie blanche et buvait, il ne savait quoi, dans une calebasse dorée comme un bracelet de cuivre, il s’adressait à un talisman semblable, mais plus grand que les autres, dans un langage que les Pères n’employaient pas habituellement entre eux.
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C’était un devin très puissant, un igihinza, on en avait peur et tout le monde le respectait. Les Hutu de son lignage et ceux des autres clans le respectaient. Les Tutsi le respectaient aussi. C’était comme un mwami. Le mwami du Rwanda ne le considérait pas comme un rebelle, il ne lui faisait pas la guerre. Au contraire, des envoyés de la Cour venaient lui demander les talismans dont il avait le secret, qu’il taillait dans le bois de l’arbre géant. Les simples gens venaient lui demander des médicaments qu’il confectionnait avec les feuilles des arbres de la forêt qui étaient comme les enfants de l’arbre géant, mais pour le mwami du Rwanda, pour sauver le Rwanda, le mwami de Kivumu taillait ses talismans dans le bois de l’arbre géant.
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Un péché énorme me revenait à l’esprit et il me semblait que c’était le péché le plus énorme, le plus horrible des péchés. Comment avais-je pu l’oublier ? J’étais bonne pour l’enfer. Je faisais aussitôt demi-tour, espérant que le père Damiano serait toujours au confessionnal.
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La colère, ce n’était pas pour les filles, non plus d’ailleurs que pour un Rwandais qui se respecte et tient avant tout à sa dignité. Il n’y avait que des petits bergers pour échanger des injures à distance (et encore, c’était un jeu) et quelques rares voyous pour se battre jusqu’à se rouler dans la poussière. De la colère, je pouvais bien en éprouver un instant contre les mauvaises copines, contre ma grande sœur qui me prenait trop souvent pour sa boyesse, contre mes frères, grands et petits, auxquels maman donnait toujours les meilleures parts et qui se faisaient servir, mais il n’était pas question d’en montrer le moindre signe, la colère au Rwanda, si vous la laissez paraître, elle vous rend ridicule, vous ne pourrez plus rien contre vos ennemis puisqu’ils vous ont découvert. La colère c’est la faiblesse.
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Et la paresse ! Je n’avais guère de temps à lui consacrer. La plus grande partie de la journée était occupée par l’école mais le travail n’était pas fini quand je rentrais à la maison : aller chercher de l’eau, aider maman au champ, la remplacer auprès des petites sœurs, apprendre mes leçons, etc. Sans doute, je traînais un peu avec les copines en allant chercher de l’eau pour retarder le moment où je devrais prendre ma houe aux côtés de maman, mais cela pourrait-il vraiment m’être compté comme péché ?
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« Celui-là, c’est le gourmand, là c’est le voleur, à côté, c’est le menteur, et regardez, vous le reconnaissez, l’orgueilleux qui se vantait de son grand troupeau de vaches et puis celui-là, ou plutôt celle-là, car c’est certainement une femme, c’est l’impure, l’adultère, une femme libre comme il y en a à Kigali qui vont avec tous les hommes. » Au-dessus du foyer voletaient des diables très noirs, plus noirs que nous, avec des queues de singe, des ailes épineuses comme celles des chauves-souris, des yeux ardents comme, la nuit, les yeux du léopard. Avec des lances à trois pointes, ils attisaient le feu et poussaient les nouveaux arrivants au milieu des flammes comme des mauvaises herbes
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Les leçons, elles, étaient en kinyarwanda. Ce qui nous étonnait aussi chez elle, du moins les filles, c’était sa jupe plissée, grise, toujours la même. On était fascinées par les plis qui s’ouvraient et se refermaient comme l’accordéon de Gaspard, le protestant qui accompagnait les chansons des militants du parti le jour de la fête nationale.
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Mais le vrai catéchisme, ce n’était pas le maître qui nous l’enseignait. Le vrai catéchisme, c’était pendant les après-midi où il n’y avait pas classe. On allait dans une sorte de grand hangar collé à l’église de la mission. Pas tous à la fois. Les uns allaient écouter la leçon de catéchisme dans le grand hangar, les autres allaient à l’église pour la confession. Quand la leçon de catéchisme était finie, on allait à l’église pour se confesser et ceux qui s’étaient confessés entraient dans le hangar pour le catéchisme.
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Je t’ai embrassé sur la bouche pour te faire taire et nous avons fait l’amour. Notre liaison a duré quelques semaines, quelques mois peut-être, nous nous sommes séparés, je ne sais plus où tu es, je n’attends pas de tes nouvelles mais c’est quand même un peu pour toi que je veux écrire l’histoire de ce que tu as appelé, en te moquant, mon gri-gri, une histoire que tu ne liras sans doute pas.
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Souviens-toi, la première fois que nous avons fait l’amour et que je me suis trouvée nue devant toi, tu n’as pu t’empêcher de rire en voyant le cordonnet qui entourait mes hanches et le petit bout de bois qui y pendait.
« Viviane, dis-moi, qu’est-ce que c’est que ce gri-gri ? Toi, l’étudiante, la sociologue, tu crois aux amulettes comme les vieilles sorcières de ton village en Afrique ! »
J’ai eu l’impression que, pour la première fois, tu te rendais compte que la fille avec laquelle tu allais faire l’amour était noire et que tu retrouvais soudain grâce à cette pendeloque qui oscillait contre mon ventre la condescendance amusée avec laquelle les Européens de bonne volonté traitent les Africains.
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Comme une diva, Vanessa savait se faire attendre. Il est vrai que maintenir la beauté en sa perfection demande des soins minutieux toujours recommencés. Sortir du véhicule relevait donc d’un cérémonial compliqué dont le rétroviseur était le seul témoin.
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