Lucia Etxebarria

Les garçons s'habillent en bleu, les filles en rose. Le rose est la couleur des sentiments. Le bleu celui des tenues de travail. Salopettes de mécanos, costumes d'hôtesses de l'air. Bleu. Cravates d'hommes d'affaires, stylos pour faire des comptes. Rose. Couvertures de romans sentimentaux et boîtes de bonbons. Les hommes sont rationnels et les femmes sentimentales.
À la naissance, on est une personne. Deux jours plus tard, on vous perce les oreilles. On vous met des chaussons roses. Vous êtes une fille. On va à l'école de filles. On vous met des jupes et des socquettes. Arrive le jour de vos quatorze ans. Votre premier rouge à lèvres. Vous êtes une femme. Vous avez quinze ans. Des chaussures à talons. Vous rougissez en croisant des garçons à l'arrêt de bus. Vous ne courez pas le cent mètres. Vous n'écoutez pas du heavy metal. Vous êtes déjà une crétine.

Lorsqu'on se rappelle un épisode passé, on est incapable de le restituer seconde après seconde, on ne conserve que les détails les plus marquants. Comme le sucre dans l'eau, la mémoire se dilue peu à peu dans l'oubli.

Alors trop-Pas devint une très jolie fille. En réalité, elle l'avait toujours été ; c'est juste qu'elle ne s'en était pas rendu compte avant.

Si on pouvait nettoyer la vie comme des rideaux intérieurs, si on pouvait faire disparaitre nos taches dans la machine à laver, tout serait plus facile.

Quel est le sens de la vie d'une femme de trente ans, brillante, professionnelle, bien payée et seule?

Je n'avais pas peur, la mort ne me faisait as peur.
Il ne me venait pas à l'esprit qu'en fait, la seule chose qui me faisait peur était de continuer à vivre.

Le plus curieux, dans cette affaire, est que je ne suis ni bisexuelle ni libertine. J'ai certes couché avec quelques femmes au cours de ma vie, mais je ne pense pas être exactement bisexuelle. Peut-être suis-je plutôt hétérocurieuse.

J'ai écrit et dirigé des pièces de théâtre, je me suis mariée avec un gay, j'ai divorcé d'un gay, j'ai baisé avec ce gay, je me suis battue avec lui, j'ai voyagé, je suis allée à des concerts, j'ai écrit des livres, j'ai couché avec un énorme tas de parfaits idiots, j'ai gaspillé ma vie, je me suis bourré la gueule (un peu, beaucoup, passionnément, à la folie).

Un jour, elle observa l'ombre que projetait le présent sur le futur. L'image d'elle-même étirée en perspective, silhouette difforme et brisée, retint longuement son attention, lui suggérait mille pensées troublantes et mortifiantes car elle ne voulait pas être la personne qu'elle était manifestement en train de devenir. Jusque-là, se disait-elle, elle s'était contentée d'être irréfléchie et passive comme une poupée, un jouet dépourvu de pensées propres, docile en matière de sentiments, facilement manipulable.

N'ourdis surtout pas de plans pour te venger. Ils ne feront que t'enchaîner à lui (elle) et à la haine, sentiment des plus addictifs qui finira par te consumer. Dis-toi que la meilleure façon de te venger, c'est d'aller bien.

Je poursuis :
- Et tu sais,parfois je serais tentée de penser que c'est mieux, parce que, quand ils jouent les amants habiles, ils sont insupportables. Certains doivent croire qu'ils travaillent au cirque ; un côté, hop, maintenant un autre, hop ! Cette manie de nous retourner, comme si on était un steak.

[...] la langue, [...], c'est l'oxygène de la vie, c'est elle qui définit un peuple.

(dans "Sans terre")

Peu m'importait d'accumuler les désastres, de remplacer un chevalier servant par un autre comme je l'aurais fais d'un aspirateur défectueux, dès lors que je conservais une vie sociale trépidante et, en apparence, si divertissante. Tout le monde semblait me trouver si spirituelle, mais lorsque je me réveillais le matin avec une éponge dans la gorge, un vilebrequin sur la tempe, un grand vide dans la mémoire et la sensation d'être très nette, à défaut d'être précise, de m'être couverte de ridicule la nuit précédente, je ne trouvais plus la chose si plaisante.

Tout est contagieux, sauf la beauté.

Le serveur rougit comme un Allemand à son premier jour de plage.

Les hommes méprisent en public ce qu'ils craignent en privé.

Une relation où l'un est la remorque de l'autre ne peut être une relation d'égalité, et n'est donc pas viable.

Même lorsque la cage est dorée et confortable, l'abandon est toujours une forme de maltraitance.

Il faut parfois renoncer au passé pour jouir du présent.L'oubli répond à une logique économique , c'est un procédé qu'adopte la vie pour se libérer de l'angoisse et poursuivre son chemin, un subterfuge paresseux et pourtant fécond, comme si l'esprit se mettait en jachère pour pouvoir semer de nouveaux plants par la suite.C'est pourquoi certains épisodes sont relégués dans le grenier de l'oubli, dans cet entrepôt qu'on ne peut visiter qu'en rêve, sans pouvoir en rapporter, au réveil, rien de ce qu'on y a découvert.

Quand on aime vraiment, l'autre est important mais ne doit pas devenir indispensable. En d'autres termes, on pourrait vivre sans lui, mais on préfère vivre avec lui.