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Critiques de Jean-Baptiste Andrea (1814)
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Cent millions d'années et un jour

A l'instar du paléontologue Stan creusant jour après jour un tunnel sous le glacier à la recherche de son 'dragon', j'ai peiné chapitre après chapitre, me jurant que cette deuxième aventure 'Andrea' serait la dernière.



Pourtant il y a la montagne, son collègue Umberto, l'inénarrable 'Youri', des souvenirs, son chien Pépin, son père 'Commandant'.



Mais j'ai un problème avec le style, des phrases qui me paraissent vides, pleines de jolis mots semblant dire 'regardez comme j'écris bien' et que je prends l'habitude de ne pas terminer.

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Cent millions d'années et un jour

  Quel livre déroutant, magique, poétique.

Il tient du conte , du roman d'aventure ,du huis clos, de la recherche du temps perdu.

En tenant du conte il fait pétiller dans nos yeux les histoires, les rêves de notre enfance .

En faisant la part belle à la haute montagne , il nous entraîne dans ces aventures d'amitié d'honneur et de danger.

En nous laissant dans la gangue des moraines et des glaciers, il nous livre un huis clos au plus près de la glace , des seracs,  des craquements et de la beauté bleue d'un glacier.

En nous parlant des fossiles, des dinosaures et des dragons  il nous parle d'un temps enfoui, d'une recherche du temps perdu, d'une recherche de l'enfance, d'une mère , d'un père.

Quand je dis " il" je parle d'un livre mais derrière ce livre il y a l'écriture, la poesie de Jean Baptiste Andrea.

Cette écriture et cette poésie qui nous emmène loin dans cette montagne entre France et Italie.

"Les yeux fermés,  j'aspire une grande bouffée  de nuit et de flammes, de flocons et d'encens. Je ne me suis pas senti aussi bien depuis longtemps. Je suis à cet instant charnière de la vie d'un homme, le point du fou, celui où plus personne ne croit en lui. Il peut reculer, une décision  dont tout le monde sans exception louera la sagesse. Ou aller de l'avant, au nom de ses convictions. S'il a tort il deviendra synonyme d'arrogance et d'aveuglement.  Il sera à jamais celui qui n'a pas su s'arrêter.  S'il a raison, on chantera son génie et son entêtement face à l'adversité  .

C'est l'heure grave de ne plus croire en rien, ou de croire en tout. " ( p. 201)



Stan croit en tout . Il est un éminent paléontologue.  Il croit dans l'histoire d'une grotte dans la montagne et dans laquelle dormirai un squelette de dragon

Ni une ni deux, il forme une expédition avec Umberto ami paléontologue,  Peter assistant de Umberto  et Gio guide de haute montagne.

La quête est en route. Mais de quelle quête s'agit-il ?

Est ce une quête de l'enfance, une quête de soi même ?

Et pour le lecteur " c'est l'heure grave de ne plus croire en rien, ou de croire en tout"



Laissez vous emporter par la magie de l'écriture  de Jean Baptiste Andrea,  osez croire aux histoires de dragons, laissez un peu de place aux rêves  et à l'enchantement, mais aussi à la dureté de la vie.

Acceptez d'aller  ou Jean Baptiste Andrea nous entraîne.

Sur un glacier à la recherche d'un fossile.  Cent millions d'années.

Le voyage à été long. Il en a fallu des fossiles  pour en arriver là : Un jour.

Une mère,   un petit.

" On sera bien ici, tous les deux. Comme autrefois",Cent millions d'années et un jour.













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Cent millions d'années et un jour

Année '50, Stan est paléontologue et hanté par le récit d'un vieillard : il y a longtemps, au coeur d'un glacier, il aurait trouvé le squelette d'un dragon! Chimère ou réalité, Stan se lance à l'aventure avec une petite équipe de confiance. Mais la montagne est cruelle et sauvage, confrontant nos personnages à leurs limites les plus profondes ...



Un roman magnifique à la langue riche de sa poésie! Limpide, le texte nous happe dès les premières pages et nous embarque au coeur de la montagne. Entre conte initiatique et aventure chimérique, Stan nous partage son intimité, ses rêves et ses traumatismes. On comprend l'homme, et avec lui ce désir fou de prouver qu'il existe. Ainsi, lorsque l'on referme le livre, quelques minutes sont nécessaires pour pour prendre la mesure de ce que l'on vient de lire. Superbe vraiment, un grand coup de coeur qui, après Ma Reine en 2017, confirme le talent de Jean Baptiste Andrea.
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Veiller sur elle

Un roman comme je les aime qui m'emporte dès les premières pages.

Je suis partie en Italie, et plus particulièrement dans le Piémont, qui se trouve être le berceau de mon grand-père paternel qui m'a fait rêver, enfant, quand je l'entendais raconter la lumière, les odeurs, les villages.

Je suis partie à la rencontre de deux adolescents qui n'auraient jamais dû se rencontrer et dont l'amitié-amour traverse toutes les vicissitudes de la vie et les transcende. Ils mènent le même combat, celui contre le regard que la société pose sur eux qui sont différents et contre le rôle qu'elle leur assigne : un nain ne peut être que dans un cirque et une femme ne peut qu'être mère et épouse, confinée à l'espace familial.

J'ai rencontré nombre de personnages hauts en couleurs; certains sont attachants, émouvants, d'autres écœurants mais aucun ne laisse indifférent.

Je suis partie à la rencontre de l'art, personnage principal de ce roman ; l'art qui émeut, l'art qui élève, l'art qui porte en lui l'âme de l'artiste. La sculpture qui arrache la beauté à la gangue, qui révèle l'enfoui nous fait découvrir le travail de la pierre, la vision qui se dégage après quelques coups de burin. Bien sûr, je suis allée voir sur Internet "La Pietà" de Michel-Ange car on ne peut qu'y penser en lisant ce roman et je l'ai regardée différemment, plus intensément, plus profondément.

Je suis partie pour la première moitié du XXème siècle qui sert d'arrière-plan avec la première guerre mondiale et la montée du fascisme en Italie. L'auteur a réussi à mêler avec brio des personnages historiques comme Eugenio Pacelli devenu le pape Pie XII, Brancusi, Bartolomeo Pagano, acteur italien connu sous le nom de Maciste et des personnages de fiction à tel point qu'on finit par se demander si Mimo et Viola n'ont pas réellement existé.

Le souffle épique, mâtiné d'un humour ironique, les personnages éminemment romanesques m'ont fait passer un très agréable moment d'évasion littéraire.
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Cent millions d'années et un jour

Juillet 1954. Stan, paléontologue reconnu, monte une expédition dans les Dolomites pour rechercher le squelette d’un dinosaure sur la foi des paroles d'une petite fille et d'un vieux concierge. Il entraîne dans sa quête son meilleur ami Umberto, Peter, l'assistant de ce dernier et Gio, un guide spécialiste de la haute montagne. Mais ce périple n'est pas sans risque, entre une météorologie capricieuse et un environnement des plus hostiles, d'autant que les éléments de recherche en sa possession sont des plus succincts... D'une écriture poétique, Jean-Baptiste Andrea narre la quête de toute une vie, véritable ode à l'amitié et à la persévérance. Il propose un roman d'une grande beauté, sobre, où la montagne a la part belle et où les rêves prennent vie. Une très belle découverte !
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Cent millions d'années et un jour

Encore sous le coup d'un éblouissement, je m'interroge : que dire pour vous partager mon enthousiasme sans déflorer ce magnifique roman ? J'ai peur de ne pas y arriver quand tant d'émotions me bouleversent et, en même temps et pour les mêmes raisons, je n'ai pas envie de remettre l'écriture de cette critique à plus tard.

Entre "trop" et "trop peu", je vais tenter d'y parvenir...

Pardon d'avoir commencé à parler de moi -une fois n'est pas coutume- mais il me semble que je vous devais d'abord cette explication.



Nombreux sont les hommes qui, au tournant de la cinquantaine, éprouvent l'urgence de faire voler en éclats leur confort ronronnant pour réaliser quelque chimère secrète avant qu'il ne soit trop tard. Apprendre le grec ancien ou la menuiserie... élever des escargots ou se faire ermite... peu importe où chacun place son curseur personnel.

Mais combien réaliseront leur rêve ? Une infime poignée.

C'est qu'assurément il faut être fou, ou avoir de sacrés comptes à régler avec soi-même, pour risquer ainsi sur un coup de tête ce qu'on a mis une vie entière à construire.



Cent Millions d'Annnées et un Jour est l'histoire d'un de ces rêves, fou, extravagant, totalement déraisonnable. Un rêve de gloire, pressant et obsessionnel, qui saisit un homme parvenu à mi-vie, l'âge des bilans. Rêve d'autant plus surprenant que son auteur, Stan, paléontologue, s'est jusque-là contenté d'une carrière sans panache, exerçant son métier de chercheur et de professeur avec passion mais sans jamais courir après les honneurs. Qu'a-t-il bien pu se passer pour que ce savant de l'ombre décide un jour de partir en expédition, entraînant à sa suite deux collègues et un guide de haute montagne, dans l'espoir insensé de faire une découverte préhistorique qui lui apportera la notoriété ?



La réalité nous apparaîtra petit à petit dans ce roman habilement construit, où la tension monte en puissance au fur et à mesure des pages, et où le suspense est ménagé jusqu'à la fin. C'est l'âpreté des conditions extrêmes qui mettra les âmes à nu, parce que, lorsqu'il ne s'agit plus que de survivre, l'être humain ne peut plus user de faux-semblants. Cette nature grandiose et cruelle, décrite magnifiquement (ah, que la montagne est belle!), révèlera que les fêlures des hommes sont plus sournoises que les crevasses des glaciers qui les menacent.

Surtout, la vérité de Stan apparaîtra dans toute sa brutalité : Stan a mal à son enfance. C'est pour tenter de réparer une blessure intérieure profonde qu'il se sera lancé dans cette quête improbable.

Mais l'enfance volée laisse des cicatrices indélébiles...



Même si nous avons un parcours bien différent, il y a de nous dans chacun de ces hommes. C'est sensible, extrêmement émouvant, beau à faire monter les larmes.



L'étude psychologique est d'une grande justesse, fine et intelligente, les frictions qui se créent entre les hommes sont subtilement analysées, et le style de Jean-Baptiste Andrea est tellement visuel que j'en suis encore à me demander comment - moi qui suis aussi montagnarde qu’un poisson est fait pour les cimes - j'ai réussi à grimper tout là-haut, à avoir froid, à m'user les doigts à creuser, à avoir les prunelles aveuglées par la neige. Toujours est-il que j'y ai cru, j'ai été auprès de ces hommes, j'ai souffert avec eux, embarquée moi aussi dans leur odyssée tragique.



Il manquerait un point essentiel à cette critique si je ne consacrais quelques lignes particulières à l'écriture... absolument sublime !

Le choix des mots, leur pouvoir de suggestion, la fulgurance des associations, la plume incisive qui élève certaines remarques au rang d’aphorismes et, surtout, surtout, la magie de cette poésie, toujours présente, qui déboule comme une avalanche pour emporter le lecteur, tout cela contribue à faire de Cent Millions d'Années et un Jour un livre à déguster lentement, tant chaque phrase est belle (je me suis sentie frustrée de ne pas avoir pu tout retenir car on voudrait tout garder pour soi).



Après un premier roman très remarqué, qui m'avait aussi emportée (Ma Reine: douze prix, dont le prix du Premier Roman et le Fémina des Lycéens), restait à savoir si l'auteur saurait renouveler l'exploit.

La réponse est oui, indubitablement.



Ma Reine avait révélé Jean-Baptiste Andrea en tant qu'écrivain, Cent Millions d'Années et un Jour - encore plus puissant - le range parmi les grands.

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Veiller sur elle

Ce roman de 581 pages qui a obtenu le Prix Goncourt 2023 a l'avantage de nous plonger dans l'Italie du XIX ° siècle de 1904 à 1946 ! Italie chère à Jean-Baptiste Andrea dont la mère est d'origine italienne, Italie qui va lui servir de toile de fond pour y rencontrer les Arts, la musique et quelques chefs d'oeuvre célèbres !

Mais, nous sommes en 1986 à l'abbaye de la Sacra ou un homme : Michelangelo Vitaliani agonise entouré des moines et en particulier du Padre Vincenzo ! Cela fait 40 ans qu'il s'est réfugié en ces lieux pour fuir sa vie, sa gloire, ses sentiments et le fait qu'étant devenu aveugle, il ne pouvait plus sculpter ! Il se remémore son passé :

Mimo est né en 1904 dans une famille pauvre d'origine italienne et, après la mort de son père, sa mère décide de l'envoyer à Pietra d'Alba chez un oncle : le Zio Alberto qui est sculpteur comme l'était feu son père. Mais, le Zio ne veut pas d'un " nabot" pour apprenti, car Mimo est atteint de nanisme, finalement il prend les économies de la mammina et se sert de lui comme esclave ! Il se lie d'amitié avec Alinéa ( Vittorio ) et profite des absences de son oncle parti chercher des clients, des occasions de boire et de fréquenter les bordels pour sculpter des petites oeuvres. Lors d'une visite du cimetière, il fait la connaissance de Viola Orsini : une aristocrate qui écoute les morts, veut voler comme Icare et surtout s'évader de l'emprise de sa famille ! Ils vont se rencontrer secrètement et s'aimer d'un amour fort et platonique !

Viola veut s'affranchir des conventions imposées par ses parents et ses frères mais un jour, elle fait une grave chute et, guérie : elle s'enferme dans le palais en rejetant tout lien extérieur y compris Mimo, son jumeau cosmique !

Mimo dont le génie commence à être reconnu part à Florence ou travaille avec Bizzaro un juif qui a un cirque, il mène une vie dissolue, fréquente les bouges, boit outre mesure et rencontre le professeur Metti puis le frère de Viola, prêtre ambitieux à Rome le fait revenir dans l'atelier de Pietra pour qu'il exécute la sculpture d'un monument funéraire destiné au Pape, il va lui trouver un logement à cet effet à Rome....Viola s'est mariée avec un avocat arriviste mais elle renoue avec Mimo ! Lui est devenu riche, célèbre surtout grâce à sa fameuse Piétà et, Viola ne peut pas affirmer sa personnalité au sein de sa famille oppressante qui ne pense qu'à ses intérêts financiers et au " standing " des Orsini !

Un roman qui nous fait entrevoir le sort de l'Italie qui va basculer vers le fascisme puis vers la royauté pour arriver à la république ! Une page d'histoire trop vite tracée car pour l'auteur : outre l'histoire d'amour entre deux êtres que tout oppose, c'est la Piétà Vitaliani qui est la plus valorisée !

Le style est agréable mais le roman manque de charisme, de romanesque !
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Veiller sur elle

Qui est cette Elle sur qui il faut veiller ? Elle, a poussé Mimo à se cloîtrer dans un monastère, sans toutefois y prononcer des voeux. Sous la plume de Jean-Baptiste Andréa, il nous conte sa vie ses dernières heures venues. Mimo, c'est Michelangelo Vitaliani. Il a deux handicaps dans la vie. Celui d'être né dans une famille pauvre, mais surtout celui d'être différent. Il est de si petite taille qu'on le traite de nain. Mais il a un atout énorme. Celui de son art. Il est un sculpteur au talent inouï. Au point de rivaliser avec l'autre Michelangelo, le grand, l'auteur de la Pieta qui trône en la basilique Saint-Pierre du Vatican à Rome.



Elle, ce pourrait être Viola. Elle est la fille de la grande et richissime famille Orsini de laquelle sont issus plusieurs papes. Mais comment un nain, qui plus est de basse extraction, pourrait-il seulement lever les yeux sur pareille descendance. Aussi fantasque fût-elle ? N'a-t-elle pas l'idée de voler avec une aile de sa fabrication.



C'est pourtant ce qui arrive. Parlera-t-on d'idylle entre ces deux personnages ? Pareille union abonderait à l'expression du mariage de la carpe et du lapin. Mais une idylle quand même, oui. En forme d'amitié amoureuse. Parfois orageuse, mais toujours fidèle. Une de celle qui ne trouve d'assouvissement que dans l'espoir. Espoir d'on ne sait quoi. Sans cesse relégué, aussi fuyant que la ligne d'horizon.



A moins que l'assouvissement de cette idylle, ce ne soit cette sculpture, cette caresse au marbre pur qui a façonné un visage si doux. le visage de la Vierge, si parfait qu'il est sacrilège aux yeux de l'Eglise. A la mémoire du grand Michel-Ange. La Pieta de Mimo fait de l'ombre à celle du maître. Aussi a-t-elle a été confinée en un lieu que très peu connaissent.



Mimo, Viola, un amour qui a trouvé son accomplissement, son triomphe dans l'immobilité d'un visage aux traits divins. Un visage de marbre. Un visage à la beauté céleste, inaltérable. Comme l'amour quand il n'a pas été corrompu par les bassesses de la vie terrestre.



Un roman à la puissance romanesque prodigieuse, porté par une écriture aussi fluide que les traits du visage de la Pieta. Celle de Mimo.





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Des diables et des saints

Comme à la lecture de son roman précédent, j’ai beaucoup aimé celui-ci.



Qui est ce Joe qui joue sublimement Beethoven, et seulement lui, sur des pianos dans les gares, les aéroports… offrant ainsi à nos oreilles les sonates de Beethoven avec un talent comme seuls, possèdent les artistes portant en eux des fêlures, des blessés de la vie.



Joe attend quelqu’un à la gare…mais qui donc ?



Enfant, il s’est retrouvé orphelin, pensionnaire aux « Confins » ce nom en dit long sur l’endroit en question…aux méthodes violentes.

Rigidité, maltraitances physiques et psychologiques, l’éducation par l’humiliation…



Peut-on sortir indemne d’une enfance broyée, aux illusions perdues ?

L’espoir de la jeunesse, l’envie de vivre, seront-ils vainqueurs ?



Alors Joe se souvient… c’était il y a cinquante ans, en 1969… Le récit déroule ses mésaventures et celles de ses camarades d’infortune, au sein de l’orphelinat « Les Confins » subissant brimades et rudesse extrême, au nom d’une sévère éducation religieuse sensée les éloigner des péchés et les élever…



C’est bien écrit, poignant, révoltant, on se sent aux côtés de ces malheureux pensionnaires, exécrant leurs bourreaux.

« La haine, comme la prière, se nourrit de silence ».



Y aura-t’il, en ces jeunes, assez de force, d’amitié, et de rage pour se sortir de leur geôle.

« Tout sèche dans les prisons, le cœur, l’âme, tout sèche sauf la force, qui, au contraire, grandit ».



Mon ressenti pour ce roman est tels les trois mouvements de la sonate n°14 de Beethoven, surnommée « Clair de lune ».

- L’adagio sostenuto : douleur sourde, lugubre, souffrances latentes, tentative émouvante d’appel à l’aide, cris étouffés. Une marche funèbre. Berlioz l’a qualifié de « lamentation ».

- L’allegretto : court instant de répit ponctué de brefs éclats de légèreté, celle de l’enfance, parenthèse d’espoir ; Liszt en a dit « une fleur entre deux abîmes », oui … une rose…

- Le presto agitato : explosion de rage et de hargne, force de vivre. Torrent de lave bouillonnante.

Puissant, ravageur, libérateur.



Un roman magnifique d’une belle intensité.

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Cent millions d'années et un jour

L’homme qui a gardé son âme d’enfant court après un rêve. Celui de Stan, paléontologue, est de retrouver le squelette d’un dinosaure qu’un vieillard aurait entraperçu dans les Alpes. Les preuves sont maigres, l’entreprise insensée. Il s’élance, pourtant, conquérant de l’inutile. Il y a une vérité que les fonctionnaires de la raison ne comprendront jamais ; elle fait tourner la terre depuis deux mille ans : on peut attendre une vie entière la récompense de son obstination, puis la sacrifier au nom de la passion qui nous anime. C’est ainsi que les aventuriers donnent du sens à leur existence. Sur ce principe, on cherche le graal, l’arche perdue, on suit les traces de l’abominable homme des neiges, on veut retrouver Tchang, on croit au monstre du Loch Ness, on plonge vers un trésor englouti. Le voyage est plus important que la destination bien-sûr et s’il y a quête, elle est de soi-même, de réponses et d’absolu. Jean-Baptiste Andréa ressuscite la magie d’Hergé et de Jules Verne. La gravité et la profondeur en plus. Quelle émotion de retrouver mes sensations d’enfance, de m’associer aux bonheurs et aux déceptions des explorateurs ! Il m’a semblé entendre la voix de Daniel Costelle louant l’acharnement des pionniers qui firent la conquête des pôles. Ils sont intrépides, audacieux, un peu fous. La chance est leur secret, l’espoir leur unique boussole. Stan est l’un de ces héros. Un misanthrope qui s’intéresse aux fossiles, aux choses « vivantes mortes il y a longtemps ». Sur les pentes du glacier, il efface les occasions manquées : Mathilde dont il n’a pas osé toucher la poitrine adolescente, son salaud de père que la balle du fusil a raté… par manque de recul (superbe ironie). Après le magnifique « Ma reine », Andréa transforme l’essai. Peu de reproches : une fin moins intense, et un usage trop fréquent du mot « monde ». Des futilités, au regard du plaisir intense éprouvé à la lecture de son deuxième roman.

Bilan 🌹🌹
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Ma reine

Années soixante, un petit garçon vit avec ses parents qui tiennent une station service. Les gens pensent que, parce qu'il est différent, il devrait être dans une école spécialisée. Il n'a pas bien compris le problème lui. Mais son père lui a expliqué qu'il était beau comme une Alfa Roméo mais avec un moteur de 2CV. Même s'il aime bien les missions qu'on lui confie à la station. Comme celle de remettre du papier toilette dans les C. (Oui, le W est tombé de la porte et sert à présent de dessous de plat, alors il ne dit plus WC mais C, c'est plus simple. )Il décide un jour de devenir un homme, et cela signifie de partir à la guerre. Mais tout ne se passe pas comme prévu. Et c'est là qu'il rencontre Viviane. Elle apparait et disparait, comme par enchantement, normal pour quelqu'un qui s'appelle Viviane me direz-vous. Entre moments réflexifs, courses contre les vents et explorations de lieux cachés, il nous fait découvrir le monde au delà de l'horizon. Sa naïveté transforme tout en vérité, donnant un nouveau sens aux éléments, aux petits et grands moments de la vie. Shell, (on l'appelle ainsi parce qu'il porte un blouson estampillé de la marque, oui, souvenez, vous, ses parents ont une station service!) , ne pouvait être mieux nommé. Tel le coquillage, il parvient à nous faire entendre la mer alors qu'elle n'est même pas présente....à moins qu'il suffisse d'y croire pour que cela soit réel.

Un excellent moment de lecture parsemé de mille phrases douces et sucrées qu'on voudrait ne jamais oublier tant elles sont délicieuses et éclairantes . Coup de coeur assurément!

SP
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Veiller sur elle

Quel bon cru que ce Goncourt 2023 !



Un roman qui donne envie d'en savoir plus. Qui donne envie d'aller se documenter sur la période de l'Italie de l'entre deux guerres (squadristes, Homme nouveau...), qui donne envie d'aller dans les musées contempler les sculptures, plus particulièrement celles en marbre.



Une chose est certaine, vous ne les regarderez plus d'un même oeil après avoir lu ce roman ! Vous les détaillerez, vous en ferez le tour, vous en observerez les contours, vous ne les négligerez plus en passant votre chemin trop vite pour aller voir les tableaux de maître ! Vous serez en admiration devant certaines d'entre elles et ne manquerez pas de penser au génie de son créateur et à l'incroyable travail qui donne forme à un simple bloc de marbre rectangulaire.



Oui, quelle belle histoire que nous raconte Jean-Baptiste Andréa.



Celle de Viola et de sa famille : les Orsini. Une lignée qui fait référence aux grandes familles romaines. Les Orsini vivent à Pietra d'Alba, en Ligurie, quelque part dans le nord de l'Italie. Belle villa, domestiques, du foncier mais des finances au ras des pâquerettes. Dans l'intérêt de la famille, il est plus que souhaitable que Viola fasse un beau mariage !

Viola Orsini a trois frères. L'un est mort lors de la première guerre mondiale, le second va évoluer dans la mouvance de l'Italie fasciste de l'entre deux guerres et le dernier va servir l'église catholique jusqu'à devenir un haut dignitaire religieux.

Viola est une jeune femme au tempérament affirmé. Elle a soif de connaissance, soif de liberté. Elle n'est pas soumise. C'est une femme debout, comme elle aime à se définir.



Et puis il y a Michelangelo Vitaliani (Mimo). Il est plutôt beau gosse mais sa très petite taille sera son handicap. Son entourage va se rendre compte que c'est un sculpteur de génie. Dès lors, il va connaître une ascension fulgurante. Cependant, il manque de tempérament et peut se vendre au plus offrant, en l'occurrence accepter les grandes oeuvres pour la gloire de l'Italie fasciste. Heureusement il se rachètera en refusant des honneurs et en réalisant une Piéta tellement hors-norme qu'elle peut perturber ceux qui la contemplent ! Dès lors, le Vatican décidera de ne plus l'exposer au commun des mortels. Mimo, désormais reclus dans une abbaye dans cette deuxième partie du vingtième siècle, se contentera de « veiller sur elle » jusqu'à sa mort.



Entre Viola et Mimo existe un lien indéfectible depuis qu'ils se sont connus à l'aube de l'adolescence.



C'est leur histoire que va nous raconter Jean-Baptiste Andréa dans une écriture fluide, savante, poétique, artistique et très bien documentée. Et leur histoire s'insère parfaitement dans l'Histoire de l'Italie : les personnages fictifs sont en contact avec des personnages ayant réellement existé.



Vous ne perdrez pas votre temps en lisant ce roman et je ne doute pas que vous irez voir, entre autre, à quoi ressemble la Piéta de Michel- Ange si vous n'en avez pas idée.
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Veiller sur elle

Un roman, un vrai de vrai, des personnages et une histoire, un lieu et des phrases sur lesquelles on s'arrête, une amitié et des oeuvres d'art. Tout se bouscule ici tant on voudrait y croire à cette histoire. Et même, aller chercher sur internet la photo de la Pieta de Vitaliani. Pour continuer la magie du roman (si si je l'ai fait ! Presque déçu de n'apprécier que celle de Michel Ange du coup). On s'attend à un roman, on a un bout de vie de nous qui s'y agrippe. On s'attend à un grand homme, il n'est pas vraiment un nain. On s'attend à de la simple sculpture, c'est du Grand Art (se définition de "sculpter", superbe). On 's'attend à de l'amour, c'est bien plus intemporel, c'est une amitié sans commune mesure. On s'attend, enfin, à un homme, il s'agit d'une femme (là faut l'avoir lu, mais chuuuut !). D'une certaine façon, on prend chacun(e) le relais pour veiller sur "elle" : la force de ce type de roman qui sort de ses lignes et vient empiéter notre concret, qui s'envole autour de nos têtes et vient poser une main poétique sur nos épaules, qui vient nous dire "je viens de m'ancrer en toi" . Il y a des romans qu'on oublie pas, c'en est un, définitivement sacré Goncourt.
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Veiller sur elle

Voilà ce qu’on attend d’un grand romancier : une histoire bien construite, des rebondissements, des personnages inoubliables, une atmosphère, un souffle, un subtil mélange de lyrisme et d’érudition. Et même si la ficelle narrative est un peu usée (le héros parviendra-t-il à honorer bibliquement l’héroïne ?), Dieu qu’elle est fine et bien tressée !

Mimo Vitaliani a été abandonné à son destin par sa mère. Viola Orsini est la fille unique d’une famille de nobles que ses rêves agacent.

Orphelins, ils décident de veiller l’un sur l’autre. Parce qu’ils se déclarent « jumeaux cosmiques », ils s’interdisent d’assouvir leurs désirs inavoués. Leur amour est d’un ordre supérieur, trop parfait pour devenir charnel, trop enraciné dans le sol de Petra d’Alba pour finir spirituel.

De leurs rendez-vous manqués, de la cruauté des temps, Mimo retiendra la force qui guidera sa main de sculpteur génial (« Il fut dans son domaine ce que Marlon Brando serait aux acteurs, Pavarotti aux chanteurs, Sabicas à la guitare. Un artiste instinctif, doué d’un talent inné, inexplicable – y compris par lui-même »). Jusqu’où ? Jusqu’à la perfection, au divin, à l’éternité d’une œuvre qui révèle au monde la beauté révolutionnaire de Viola.

Quand un écrivain français s’empare de l’Italie, le résultat est souvent pitoyable : clichés, mépris et fautes d’orthographe. Jean-Baptiste Andrea est l’exception qui confirme la règle. Sans doute parce qu’il vit l’Italie plus qu’il ne s’essaye à la décrire. Merci !

Jean-Baptiste Andrea m’avait enthousiasmée avec « Ma reine », un peu ennuyée avec « Cent millions d’années et un jour ». Il m’a comblée avec son merveilleux « Veiller sur elle ». Et dire que ce magnifique roman a peu de chance de remporter le Goncourt parce que des écrivains de salon, moins talentueux mais mieux introduits, publiés par des maisons connues, ont trouvé place dans la sélection.

À moins que se reproduise le petit miracle de Philippe Rey en 2021. Forza L’Iconoclaste !

Bilan : 🌹🌹🌹

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Veiller sur elle

Énorme coup de cœur, après le Parlement des Instincts de Philippe Cavalier, et encore le mot est faible tant ce livre est une merveille à l'état pur, une pépite à l'état brut.

Une fois n'est pas coutume, je vais me contenter d'un billet qui sera simple, et basé juste sur les émotions provoquées par cette lecture.

Et il y a au moins 3 ans que je n'avais pas lu un ouvrage qui restera marquant et marqué dans mon for intérieur.

En effet déjà 48 critiques au compteur, et je n'ai pas envie de me. Relancer dans un énième résumé de l'histoire.

Mais juste d'extraire passages, qui mettent en lumière le ou les ressentis, de cette lecture, juste en les mettant en abîme avec ma lecture :



- Page 130 "chaque coup de marteau venait de loin et s'entendrait longtemps" / chaque mot posé sur ces pages portaient en eux une beauté qui venait de loin et réssonerait longtemps en moi ;



- Page 221 "Florence, années noires. Une bonne accroche pour mon biographe, même si je ne soupçonnais pas encore qu'on s'intéresserait un jour ma vie. Je soupçonnais encore moins que quand quelqu'un s'intéresserait ma vie, je ferais tout pour lui compliquer la tâche.

Mes frères, lorsque j'aurai poussé ce dernier souffle qui résiste encore, portez-moi au jardin. Enterrez-moi sous une belle pierre blanche, de ce Carrare que j'aimais tant. N'y gravez pas de nom, surtout. Laissez-la douce, lisse à s'y allonger. Je veux que l'on m'oublie. Michelangelo Vitaliani, 1904-1986, a dit tout ce qu'il avait dire." /

Jean Baptiste Andrea se fait le magnifique biographe romanesque de Michelangelo Vitaliani et nul besoin de nom tant ce personnage tant son histoire et sa vie sous la magnifique plume de l'auteur se passe de surenchère. Nul besoin d'épitaphe. Une fois le livre refermé la vie de Michelangelo Vitaliani créé dans le lecteur une rémanence inconsciente comme peu de personnages romanesques sont capable d'en provoquer ;



- Page 291 "Son directeur de thèse, autrefois, avait eu cette phrase surprenante, en lui remettant son doctorat cum laude : Vous avez étudié de longues années pour rien, Williams. Rien de ce qui fait l'art, le vrai, n'est explicable ici, puisque l'artiste lui-même ne sait pas ce qu 'il fait. / Je ne sais si Jean Baptiste Andrea savait ce qu' il faisait en écrivant cet ouvrage. Une chose est certaine, et subjective, c'est du grand art que ce livre. Un de ces ouvrages qui instille en vous, pour y déposer une marque indélébile, comme une parenthèse, une persistence qui s'installe et qui fait que le simple fait de poser un regard sur cette couverture fait remonter des sensations de lecture à nulles autres pareilles. La première étant de vouloir le relire....



- Page 307 "partout où j'ai vécu l'exception du monastère où je m'éteins, et de Pietra d'Alba bien sûr —, j'ai éprouvé le besoin de repousser l'aube." / J'ai éprouvé chaque jour de lecture, chaque jour les pages défilaient, chaque jour je savais qu'il faudrait en arriver au terme du livre, chaque jour je sentait que ce mot, terrible, fin approchait. Et bien j'ai éprouvé le besoin de repousser le temps, de prendre mon temps, de perdre mon temps dans cette lecture....



Alors a ceux qui l'ont lu je dirais que tramontane, sirocco, libeccio, ponant et mistral,  l'on emporté sur toutes mes résistances...

Et pour ceux qui ne l'ont pas encore lu laissez-vous emporter par la tramontane, le sirocco, le libeccio, le ponant et le mistral et vous comprendrez...



Deux remarques pour terminer

Comme je l'avais écrit pour le Parlement des Instincts, ce livre qui mérite non pas 5 ou 6 étoiles, mais bien plus que cela...

Je rejoins l'avis le l'auteur ou de Mimo concernant l’une des plus belles statues de tous les temps – la plus belle, diront certains – sourit à tous ses visiteurs, sans exception. [...] Difficile d’imaginer qu’elle fut, un jour, une simple montagne. La montagne devint carrière à Polvaccio. On en tira un bloc de marbre, qu’on livra à un homme au visage fruste, marqué par une bagarre avec un confrère jaloux. L’homme, fidèle à sa philosophie, attaqua la pierre pour libérer la forme qui s’y trouvait déjà. Et la femme parut, d’une beauté insensée, penchée sur son fils abandonné dans un sommeil de mort sur ses genoux. Un homme, un burin, un marteau, de la pierre ponce. Si peu de choses pour donner naissance au plus grand chef-d’œuvre de la Renaissance italienne. La plus belle statue de tous les temps, et elle s’était simplement cachée au fond d’une pierre. Michelangelo Buonarroti eut beau chercher, hurler, il n’en découvrit plus de pareille dans le moindre bloc de marbre.



Jean Baptiste Andrea démontre, à l'instar du sculpteur, qu'un homme, un burin semblable à une plume, un stylo, un simple crayon à papier. Si peu de choses peuvent donner naissance à un livre remarquable... Et pour ces heures de bonheurs de lecture soyez-en remercié
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Cent millions d'années et un jour

J’ai adoré. ´Il n’y a pas mille façons de le dire, il n’y en a d’ailleurs qu’une’ p236. J’ai a-do-ré.

Une belle narration à la première personne. Une expédition, une quête, un glacier, de l’impossible, le tout sans remonter à la surface, sans lever les yeux des pages. L’ambiance de huis clos, et de solitude mortelle me mettent sous tension continue. Et m' attendrissent aussi un peu. Des fois.

Ce que j’aime par dessus tout c’est peut être quand je ne comprends pas bien le sens, les méandres me portent, jusqu’à ce que les derniers mots relient le tout. Et tout s’éclaire. C’est encore plus beau que ce que j’avais commencé à imaginer. JB Andrea sait faire ça. Et je ne m’en lasse pas. Son écriture est visuelle et généreuse, les mots grossissent et prennent tout leur volume, il met plein de choses dedans. Jusqu'à ce que ça nous imprègne suffisamment.

Le 5e personnage est juste formidablement à sa place, et dans le groupe et dans le récit pur. Les enchaînements des dernières pages sont si denses que j’ai eu l’impression de lire un pavé. Ça faisait déjà comme une éternité que j’étais plongée avec Stané.



JB Andréa parle à voix d’enfant comme nul autre. Déjà dans Reine. Encore dans Des diables et des saints. Et ici il mêle la quête du dragon, à des ressauts de son enfance, si bien, qu’on ne sait plus dire s’il y a de l’auto fiction dans de nombreux passages. S’il y a des règlements de compte sur l’enfant et l’enfance qu’il a eu. S’il s’est vraiment frotté à la douleur des glaciers ou si il nous a tout inventé.

C’est vraiment une belle histoire. Belle et cruelle. La nature rend l’homme si insignifiant. Et pourtant. L’homme continue de raconter son histoire jusqu’au bout.

J’ai adoré. ´Il n’y a pas mille façons de le dire, il n’y en a d’ailleurs qu’une’ p236. J’ai a-do-ré.
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Des diables et des saints

Qui est ce pianiste exceptionnel qui enchante les oreilles des voyageurs dans les gares et aéroports à travers le monde par son interprétation inoubliable de Beethoven ? Qu'attend-il ? Voilà une belle entrée en matière, accrocheuse dans le bon sens du terme, qui m'a tout de suite embarquée et donné envie que Joe m'explique à moi aussi.



A la vielle de son seizième anniversaire, alors qu'il étudie le piano avec un professeur exceptionnel, M. Rothenberg, qui désespère de lui faire comprendre la musique, Joseph écope d'une punition l'empêchant de partir à Rome avec ses parents et sa soeur pour qu'il travaille son jeu. Ce contretemps le sauvera en même temps qu'il fera de lui un orphelin, sa famille ayant péri sous ses yeux dans un embrasement de l'avion survenu à l'atterrissage.





C'est avec ce roman que j'ai découvert Jean-Baptiste Andrea. Sa plume tour à tour poétique, imagée, émouvante, acerbe, drôle mais toujours virtuose m'a conquise. C'est que j'aime lire pour la justesse et la complexité des personnages, la richesse des intrigues mais surtout pour la beauté des phrases et des mots.



Alors que Neil Armstrong va être le premier être humain à poser un pied sur la lune, Joseph atterrit aux Confins, un orphelinat religieux installé dans les tréfonds des Pyrénées et dirigé par l'Abbé Senac qui cautionne violence et maltraitance avec l'appui d'une brute de surveillant surnommé Grenouille.



C'est avec beaucoup de sensibilité que nous sont décrits les amitiés qu se créent entre ces pensionnaires meurtris et la solidarité qui les unit. Ce quotidien pourtant si sombre est éclairé par leur envie de liberté et la musique toujours présente dans le livre.



Un roman magnifique que l'on savoure phrase après phrase, tout en ne réussissant pas à le lâcher.
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Des diables et des saints

Cent millions d'années et un jour m'avait transporté par sa magie, sa poésie, à la recherche du temps perdu et des rêves de notre enfance.

Ma reine m'avait emporté par sa tendresse, l'imaginaire et toujours sa poésie.

Des diables et des saints m'a emmené dans les mêmes contrées mais surtout dans celles du temps perdu, de l'enfance et de nos rêves .

De nos jours un homme joue du piano dans les lieux publics.

Il ne joue que du Beethoven.

Il ne joue que dans les gares et les aéroports.

Depuis 50 ans il attend quelqu'un qui descendra d'un train, d'un avion. Il ne sait quand.

Il s'appelle Joe et sa vie a basculé le 2 Mai 1969.

C'est une longue histoire qui a commencé il y a 50 ans dans un orphelinat austère au fond d'une vallée des Pyrénées : Les Confins.

Confins :Partie d'un territoire situées à son extrême limite et à la frontière d'un autre.

Le confins n'est pas seulement géographique. Il est aussi celui du bien et du mal, des diables et des saints et de l'enfance.

L'enfance, fondation de notre vie. L'enfance dans un orphelinat pensionnat catholique au service de Dieu. Tous sauf un paradis. Un enfer.

L'enfance avec la découverte de l'autre, les amitiés, la confrontation avec les adultes, la découverte du sexe opposé.

C'est au fond de cette vallée, aux Confins, que le destin de Joe va s'inscrire.

Le sujet n'est pas nouveau. Il a était souvent traité.

Mais Jean Baptiste Andrea le traite magnifiquement avec pudeur, émotion et justesse.

Des moments suspendus pouvant être durs mais aussi lumineux comme la naissance d'une amitié , d'une société secrète La Vigie. Et que dire des moments suspendus auprès des premiers émois amoureux, ou le long d'un clavier tempéré jouant la sonate N°24 de Beethoven.

L'insouciance de l'enfance, l'enfance maltraitée, la recherche du temps perdu, la recherche d'un amour, tout est initiatique et Jean Baptiste Andrea nous entraîne sur ce chemin aux confins de notre vie .

Quelle limite et quelle frontière à été notre enfance ?

Quelle fidélité gardons nous a nos années initiatiques ?

En Mars 2021, est sorti le nouvel album de Feu Chatterton. Dans celui--ci une chanson intitulée " Aux Confins "

Elle répond en écho au roman de Jean Baptiste Andrea.



Aux confins des contraires

À la frontière où tout est lié

Dans le pré où soucis et pensées cohabitent

Aux confins des contraires

Quand la matière se met à trembler

Dans le pré où soupirs et pensées ressuscitent

La peine, la joie, la douleur et l'ennui

On s'est fardés au milieu de la nuit

T'en souviens-tu?

T'en souviens-tu?

On s'est grimés ensemble

Tu m'as dit

Adieu, je m'en vais

Je pars, je défais la laisse

Que mon âme soit lavée ce soir

Qu'au matin je renaisse

Aux confins des contraires

Dans la clairière où tout est criblé

Retrouvons la pièce esseulée du puzzle

Aux confins des contraires

À la lisière où l'on s'est plié

Dans le pré où soupirs et pensées coagulent

La peine, la joie, la douleur et l'ennui

On s'est fardés au milieu de la nuit

T'en souviens-tu?

T'en souviens-tu?

Adieu, je m'en vais

Je pars, je défais la laisse

Que mon âme soit lavée ce soir

Qu'au matin je renaisse

Adieu, je m'en vais

Je pars, je défais la laisse

Que mon âme soit lavée ce soir

Qu'au matin je renaisse.



J’avais 14 ans en 1969 et comme Joe j’ai vécu pendant trois ans dans un pensionnat. Pas pour les mêmes raisons et pas dans les mêmes conditions

Mon père professeur est devenu directeur académique d’un pensionnat catholique, tenu par des religieux. Il y avait besoin d’une personne ayant à minima une maîtrise afin de représenter le pensionnat auprès du rectorat. C’était mon père.

Il a été confronté aux mêmes dérives qu’à l’orphelinat des Confins.

Le directeur religieux faisait régner la terreur. Lors des récréations il circulait dans la cour du pensionnat avec 2 bergers Allemands. Un mur de chaque classe était fait d’une vitre sans tain afin d’espionner professeur et élèves.

Il y avait un professeur vietnamien obsédé par ce qu’il avait vu de la guerre dans son pays.

Le soir il venait chez nous et supplié mon père afin de dormir sous un lit pour se protéger des bombes.

Au vu de ce qui se passait, les pensionnaires entamèrent une grève de la faim. Mon père l'a soutenu et en averti le diocèse afin de mettre à l’écart la direction religieuse. Cela fut effectif et pendant 3 ans ce pensionnat fut dirigé par mon père et des laïcs,

Il ferma ses portes trois ans après par manque d’élèves

J’y ai vécu trois années majuscules de mon adolescence, entre amitiés, sociétés secrètes, activités sportives.

Mes copains venaient de la France entière. Ils n’étaient pas orphelins, mais ils étaient pensionnaires pour l’année scolaire. Ils arrivaient en Septembre. Ils repartaient aux grandes vacances.

Il me reste la nostalgie de ce qui a construit ma vie.



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Des diables et des saints

Ce livre est d'une beauté stupéfiante.

Tous nos amis de Babelio l'ont abondamment résumé.

C'est d'abord et surtout un livre sur le Rythme. Pas celui qu'on connait ou même qu'on imagine.

Joe et le lecteur mettrons beaucoup de temps à comprendre de quoi il s'agit :

le Metsiout, la Réalité vraie, la lumière qui relie toutes choses. Mais aussi: le rire de Danny (orphelin héroïque et mélancolique), le coeur de Rose (que Joe cherchera toute sa vie). "Et puis le vent, et puis l'espace immense entre les notes.......la chose qui tenait tout, nos vies debout"

On pourrait penser ce livre autobiographique, il n'en est rien, et c'est bien là qu'on reconnait un grand écrivain.

Avec Des diables et des saints, Jean-Baptiste Andréa change de catégorie. Il rentre dans la cour des grands.

Son travail sur la lumière est époustouflant :

"Octobre approchait, le soleil allait quitter la vallée pendant de longs mois. Ou plutôt n'y ferait que brèves apparitions, par courtoisie, tant il avait de monde à éclairer et si peu d'heures pour le faire."

Ce livre est d'une beauté diaboliquement sainte mais immanente.



Il y est aussi question du pardon et la position de l'auteur est à ce sujet, me semble-t'il, proche de celle de Jankelevitch.



La devise du petit groupe d'orphelins de La Vigie (groupe auto-constitué) est "Chacun pour soi." Ce qui veut dire :

"Quand plus rien n'importait, Nous importions"



Et puis c'est passionnant. De bout en bout.



Sacré livre
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Cent millions d'années et un jour

C’est grâce aux critiques de Kirzy et de Kittiwake lues cet automne que j’ai retenu Cent millions d’années et un jour à la bibliothèque de mon village : je viens seulement de l’obtenir. Je l’ai lu très rapidement et j’ai très vite été prise par l’ambiance, l’attente qui s’installe, les événements qui n’en finissent pas de décanter, les espoirs et les déceptions. Et souvent, pas clairement avoués pendant l’« été », distillés avec parcimonie, les traumatismes et les douleurs de l’enfance qui continuent à hanter le narrateur à la première personne, Stan, paléontologue sans grande ambition, prof d’université, divorcé frustré, et aussi bourré de qualités malgré un tempérament assez soupe-au-lait... Toujours pendant ce même « été », le départ enfin, la poursuite d’un rêve ? d’une chimère ? Le ton du roman change alors, et les relations entre quatre hommes, contraints par l’espoir fou de l’un d’eux à vivre dans des conditions de plus en plus difficiles se désagrègent, jusqu’à l’« hiver », dont je ne parlerai pas.

***

J’ai beaucoup aimé ce roman dont l’intrigue se déplie lentement, mais où il se passe toujours quelque chose. J’ai été passionnée par les relations entre les personnages, relations de mentor à élève, de respect professionnel ou d’amitié. J’ai détesté le Commandant pour ce qu’il fait subir à son fils, à sa femme et à Pépin. L’écriture de Jean-Baptiste Andréa est puissamment évocatrice, parfois poétique, remplie de métaphores troublantes et originales, parfois simplement précise. La vie intérieure de Stan, son questionnement, ses recherches introspectives m’ont paru infiniment touchantes. Les descriptions de la montagne, l’hostilité du milieu dans les conditions où Stan se retrouve m’ont donné froid. Et pour finir, un printemps pas même désespérant…
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