Gangrène, une histoire d'amour. le titre donne le ton de cette anti-romance. Un drame absurde mettant en scène, dans un décor parisien très bien retranscrit, une héroïne moderne, libre, intelligente, inconstante mais inspirée, qui va succomber au charme malsain d'un pervers narcissique... À moins que cela ne soit tout à fait autre chose ?
La plume de L.J Wagner est ciselée, affutée et acérée comme la lame d'un rasoir. L'écrivain manie le cynisme avec audace et brio, parant sa belle héroïne d'une langue bien pendue ! Chloé est une femme libertine qui l'assume et le revendique. Si ce côté volage, audacieux et désabusé me plaît beaucoup, il n'en reste pas moins un brin outrancier au début du roman : Chloé ne parle, ne pense et ne lit que des choses ayant trait au sexe ! Quand bien même aime-t-on « la baise » (pour parler aussi crûment que la Belle) ce ne peut être le seul sujet de conversation ou de pensée !
De prime abord, la sympathie est difficile à accorder à cette jeune femme monomaniaque, mais le charme opère malgré tout au bout de quelques pages. le lecteur avisé (qui aura lu le quatrième de couverture) ne pourra que se lamenter de voir l'indomptable Chloé contracter la plus terrible des maladies qui soit : une gangrène, amour toxique et abusif qui, au lieu de la transcender, la fera sombrer dans une spirale infernale, mêlant aliénation émotionnelle et perte de soi.
Alors que cette tragédie annoncée se déroule comme prévue, et que le lecteur arrive essoufflé, tenu en haleine par l'écriture impeccable de l'auteur, au paroxysme du drame, l'histoire opère un retournement de situation extrême et improbable. le drame devient burlesque, outrancier et théâtral. Littéralement théâtral.
Malheureusement, je n'ai pas été réceptive aux deux dernières parties, intitulées amputation et cicatrisation, qui concluent le roman dans un registre excessif et caricatural, hautement capillotracté. Bien que je reconnaisse et respecte le choix de l'auteur, ainsi que la maîtrise du procédé, je n'ai tout simplement pas adhéré à cette façon de conclure (ou d'expliquer) l'histoire de Chloé et de Colin.
Je reste donc sur ma faim, l'appétit grandement ouvert par les deux premiers tiers du roman. Si la conclusion n'est pas à mon goût, il n'en reste pas moins que ce livre est une très bonne découverte et que je l'ai dégustée avec gourmandise. C'est pourquoi je serai ravie de lire le prochain roman de L.J. Wagner.
Merci aux éditions Souffles littéraires et à Babelio pour l'envoi de ce livre durant l'opération Masse Critique (et pour le petit mot qui accompagnait le roman)