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EAN : 9782021434873
288 pages
Seuil (07/01/2021)
3.99/5   79 notes
Résumé :

« Quiconque cherche l’origine de quelque chose est aussi à la recherche de sa propre origine. »

C’est l’une des créatures les plus énigmatiques du règne animal. Omniprésente depuis la nuit des temps (dans toutes les mers du globe, dans la mythologie, la Bible, l’Égypte ancienne, la littérature et d’innombrables cultures de par le monde, du Japon à la Scandinavie en passant par le pays basque), l’anguille ne cesse pourtant de se dérober à notre... >Voir plus
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Ecrire un livre consacré aux anguilles et qui plus est, un évangile, peut paraître un défi étonnant. Patrick Svensson a relevé ce challenge haut la main en mêlant l'étude scientifique et le récit intime. Il a reçu, à cet effet, le prix August, l'équivalent de notre Goncourt en Suède pour cet ouvrage.

Originaire de Scanie, depuis son plus jeune âge, l'auteur a toujours accompagné son père dans ses parties de pêche. Il écrit de très belles pages consacrées à cette relation dont une particulièrement émouvante, celle où il trace le portrait de celui-ci, ouvrier asphalteur, « ces forçats sans chaîne » pour reprendre son expression si éloquente. Métier éprouvant, pénible, qui finira par avoir sa peau à cinquante-six ans. J'y vois dans cette fascination pour l'anguille, un lien symbolique qui relie l'auteur à son père, ce père qui lui a enseigné les rudiments de la pêche à l'anguille comme une forme de compréhension de ce poisson, ce père tant admiré avec lequel, il a beaucoup partagé. Mais l'absence, le deuil, engendre toujours plus ou moins des regrets, comme ceux de l'auteur, du temps où il étudiait à l'université. Absorbé par les études et les copains, il s'était quelque peu éloigné. La conscience aidée du chagrin vient ternir quelque peu les souvenirs.

Patrick Svensson alterne un chapitre dédié aux parties de pêche et un chapitre dédié à la science, à l'histoire, à la biologie, à l'écologie, aux traditions, à la mythologie et à la théologie jusqu'aux travaux sur l'E.M.I. (expérience mort imminente). L'auteur balaie énormément de domaines avec comme sujet central, l'anguille. le récit démarre avec Aristote, puis les anguilles de Trieste du jeune médecin Freud. L'anguille est un poisson mystérieux dont on ne connait pas encore tous les secrets. Il y a un très beau portrait de Rachel Carson, docteur en biologie marine, qui a passé sa vie à vouloir comprendre comment l'anguille pouvait s'adapter aux énormes changements qui marquaient le cours de sa vie. Sans compter aussi, toutes les expéditions telle que celle de Johannes Schmidt qui a publié, en 1923, ses vingt ans de travaux dans la revue scientifique Philosophical Transactions of the Royal Society of London et qui a reçu la prestigieuse médaille Darwin. C'est grâce à ses travaux que nous avons la quasi certitude du lieu où l'anguille se reproduit : la mer des Sargasses.

Le monde du silence fascine. Il reste encore tant de questions à élucider. Ce que j'ai beaucoup aimé c'est ce parallèle philosophique entre l'humain et ce monde marin. Nous faisons partie d'un grand tout mais il nous reste encore des blancs dans la genèse de la grande Histoire et c'est passionnant de se poser tant de questions qui n'ont toujours pas encore de réponse et c'est tant mieux !

Il y a un passage qui m'a beaucoup interpelée : la différence subtile qui existe entre le saumon et l'anguille. En un mot, je schématise mais le chapitre est très intéressant ; le saumon suit à la trace ses ancêtres, il sait précisément à quel endroit il doit retourner, il rejoint tôt ou tard son groupe prédestiné. L'anguille, elle, retourne à la vaste mer des Sargasses mais fraie sans aucune considération pour la provenance de ses partenaires. Et l'anguille est aussi vieille que la dérive des continents et depuis des millions d'années, elle n'aurait pas changé.
Mais l'anguille tant à se raréfier, plus l'anguille est exposé aux humains, plus elle meurt sans vraiment comprendre pourquoi « Tant qu'une partie de son cycle de vie nous échappe, nous ne pouvons pas savoir avec certitude pourquoi elle meurt. Tant que nous ignorons, par exemple, de quelle façon elle s'oriente dans l'océan, nous ne pouvons pas savoir ce qui l'empêche de le faire. Pour la sauver, nous devons la comprendre. C'est ce que souligne la plupart des rapports sur la situation de l'anguille aujourd'hui : pour l'aider, nous devons en savoir plus ».

Et pour cela, je vous laisse vous plonger dans cet évangile de l'anguille !
Je remercie vivement les Editions du Seuil ainsi que la masse critique privilégiée de Babelio qui m'ont permis ainsi de découvrir l'écriture très agréable de Patrick Svensson.

« Ce qui est caché chez l'anguille, est aussi ce qui est caché chez l'être humain. Et chercher solitairement sa place dans le monde, c'est sans doute en fin de compte la plus universelle des expériences humaines ».
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L'anguille est un animal étrange et fascinant, difficile à saisir, au propre comme au figuré. Je m'attendais à un roman dans le style de David Vann, mais c'est plutôt un nature writing que nous propose Patrik Svensson avec cet ouvrage passionnant dédié aux anguilles. Et on se laisse prendre, comme tous ceux qui se sont intéressé au destin hors norme de ce poisson qui vient naitre et mourir dans la mer des Sargasses après avoir parcouru des milliers de kilomètres et vécu de longues années dans nos lacs et rivières. Animal farouchement sauvage, que malheureusement l'évolution de nos sociétés menace de disparition…

Longtemps les hommes se sont posé des questions sur elle, sa reproduction, Freud lui-même s'est penché en vain sur le sexe des anguilles…Grande voyageuse, elle se métamorphose au fil de ses périples, vivant alternativement en eau douce et salée, prenant des apparences différentes selon sa maturité, et ne développant que tardivement des organes sexuels. Pêchée mais impossible à élever, l'auteur raconte avec tendresse cette pêche qui l'a rapproché de son père et ouvert à l'étude de ce poisson énigmatique, qui ne livrera jamais tous ses secrets. Scientifiques, écrivains, explorateurs, cuisiniers, l'ont croisée et adoptée sans jamais la dompter. Mais aujourd'hui le constat est amer : doit-elle comme de nombreuses espèces avant elle, le dodo, la vache de mer disparaitre de notre horizon ?

Une chose est sûre : Patrik Svensson nous convertit à la cause des anguilles et nous fait découvrir leur existence presque philosophique marquée par ce retour aux origines et ces vocations qu'elle a déclenché pour la comprendre et sonder les profondeurs dont elle est issue. Un très beau livre qui mérite l'attrait qu'il a suscité. Merci aux éditions du Seuil et à Babelio pour cette magnifique découverte.
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Encore une couverture particulièrement réussie avec ce canot perdu sur les flots. Plastifiée et mate, le toucher est agréable, pas loin du toucher lisse de cet étrange animal dont on découvre, dans le détail, l'incroyable existence.

Patrick Svensson fait le récit des connaissances de cet animal mystérieux appelé anguille et, en alternance, il écrit ses souvenirs de pêche qui ont rythmé toute son enfance, constituant une relation très riche et sensible avec son père.

J'ai appris là des choses étonnantes sur cet animal qui capte notre attention dès le premier chapitre. L'anguille est la reine du transformisme : elle vit dans les rivières et les étangs, va se reproduire en automne dans les Sargasses qu'elle peut atteindre au mieux au printemps suivant, puis meurt – on le suppose, jamais la moindre anguille n'ayant été observée lors du frai et jamais trouvée dans les Sargasses ! Les minuscules larves, en forme de feuille de saule, vont refaire le voyage inverse en dérivant grâce au courant du Gulf Stream, à travers tout l'océan Atlantique. Ce voyage dure 3 ans ! Elles sont devenues civelles, fines tiges translucides, quand elles remontent le courant des rivières pour s'installer.

L'auteur se fait lyrique dans les pages racontant son enfance, la vie et l'origine de sa famille, la complicité avec son père lorsqu'ils vont pêcher. Roman de souvenirs, traité scientifique, voyage maritime, psychanalyse, religion, philosophie... Il y a tout cela dans ce livre de 230 pages d'une densité exceptionnelle. Les sources sont citées en fin d'ouvrage. Il faut quand même un total de 7 pages pour les citer toutes. Vraiment impressionnant ! Comment l'auteur a-t-il pu tirer un livre aussi cohérent de cette masse de texte ?

Particulièrement ambitieux, le grand tout de la vie est abordé ici – d'où le titre ! C'est un peu la panthère des neiges de Sylvain Tesson, la poésie et les grandes envolées en moins, la sciences et la rigueur ajoutées. Vous aimez peut-être les livres du baroudeur écrivain, je prends le pari que vous pourriez adorer le livre de Patrick Svensson !
En fait, dans le cas de Sylvain Tesson, c'est l'auteur qui fait les voyages, et raconte son expérience avec la devise : « partir, c'est vivre ». Pour Patrick Svensson la démarche est inversée : il nous propose le récit du voyage de l'anguille, en tant que miroir du voyage de l'homme sur la terre – dont le sien qu'il conte –, à la fois dans sa vie et cela depuis les origines.
L'auteur tisse un nombre considérable de fils pour nous donner en un seul volume, la somme des connaissances – croyances, recettes, techniques de pêche... –, et des mystères de l'anguille. Rien ne semble arrêter cet auteur cherchant à extraire scientifiquement et en même temps symboliquement la nature de l'anguille, la nature de la vie, sa force et sa fragilité aussi !
Dans les deux cas, pour ces deux auteurs, il y a une introspection nous amenant à réfléchir à la place de l'homme dans le monde, mais avec Svensson on a une entreprise folle et parfaitement argumentée de penser le rapport à son père – l'anguille faisant lien entre eux – et le destin de la vie sur des millions d'années.

Pour moi, le pari est superbement réussi. Il y a là un terreau collectif de l'imagination lié au milieu aquatique, où la vie s'est formée, d'où nous venons. Ce livre met en pratique un riche imaginaire d'images, de représentations sociales, de grands récits traversant les temps. Il contient des propos scientifiques avec ce complément d'âme, qui enrichit la lecture. Je pense à Gaston Bachelard ou au philosophe Jean-Jacques Wunenburger ayant théorisé cette perception mêlée de l'observation et de la sensation. On passe du microscope aux grands récits des explorateurs, des scientifiques ayant apporté leur contribution à l'étude de l'animal mythique : Aristote, Freud, Linné, Rachel Carson et bien d'autres.
Le titre est intriguant ? L'évangile des anguilles... Il fallait oser. Et si c'était vrai, si à partir du livre on refondait le monde en partant de la nature cette fois-ci et non de l'homme seulement ? Il y a urgence à agir, l'anguille se raréfie et pourrait bien disparaître rapidement, alors qu'elle est présente depuis des millions d'années.

Patrick Svensson, né en 1972, a grandi en Scanie, dans le sud de la Suède. Passionné dès son enfance par le monde naturel et animal, il a fait des études de littérature puis est devenu journaliste, spécialisé dans les arts et la culture mais aussi la recherche scientifique. Ce livre, publié en Suède en 2019, a déjà été traduit dans plus de 30 pays et est lauréat du prix August, le « Goncourt » suédois, L'évangile des anguilles est son premier livre.

J'ai eu, également dans l'enfance, ce contact avec l'anguille. Je connais les chemins creux qui mènent à la rivière ; la pêche ; la pose des cordées (appelées ici cordeaux) ; le braconnage par jeu... à l'occasion... Et vous avez-vous un contact avec l'anguille et le monde fabuleux des cours d'eau ?
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Visitez le blog Bibliofeel afin de compléter cette lecture par une composition personnelle à partir de la très belle couverture et une photo prise dans le marais poitevin. Vous pourrez voir également des exemples de couvertures de ce livre dans différents pays.

Lien : https://clesbibliofeel.blog
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Enfin un livre dans l'air du temps, adapté au confinement ; un anti covide piquant, drôle, écrit en prime pour vous préparer à vos propre rêves oniriques et stimulants.

L'auteur un homme inspiré par les philosophes et par les évangélistes est un suédois Patrik Svensson.
La pêche est-elle une question de croyance, de chance ou reste t-elle un mystère. En étant inspiré par les civelles puis par les anguilles on ne pouvait que se heurter au surnaturel, ou à la faculté abyssale des animaux sous marins de se dissimuler.

La preuve ? Quand Freud ,spécialiste de biologie marine, débarque à Triestre, c'est pour relever le défi posé par l'énigmatique Anguille dont le comportement échappait depuis Aristote à tous les scientifiques.
Il était sûr de trouver, mais TROUVER QUOI ?

Sigmund Freud tenta de relever à 19 ans le défi de comprendre la sexualité des anguilles. Ce fût peut être un moment capital de sa vocation de psychanalyste !
Freud n'a pas réussi à découvrir le sexe des Anguilles, ni à tenir principalement dans sa main leurs testicules.
l'auteur nous le précise en page 57, Freud examina en plus de 400 anguilles, dont aucune n'a pu être identifiée comme étant de sexe Mâle.

Il a sans doute reporté sa frustration sur l'Homme. Une première intuition, émergeait pour lui page 57 ; à quelle profondeur certaines vérités se maquillent le mieux pour l'homme comme pour l'anguille ?
La quête du sexe des individus mâles devint sa marque de fabrique, comme par hasard, cette intuition l'a conduit vers un nombre important de théories autour des rapports avoués ou sublimés dans les couples.

Je me disperse un peu, pardon, revenons à nos chers petits bébés les civelles.

Dans les années 1896 Giovanni Battista Grassi et Son élève Salvatore Calandrandruccio décrivent la toute première transformation d'une larve en une civelle.
Mais où ces larves semblables à des feuilles de saule sont elles apparues ? Et bien sûr que s'est- il passé dans la mer des Sargasses. Quel sorte d'accouplement ?

Beaucoup de biologistes ont passé des années à tenter une compréhension rationnelle des anguilles. Je relève vers l'an 2000, le sort malchanceux de l'équipe qui a lancé 707 anguilles dotées de capteurs pour être suivies sur un écran d'ordinateur. Ainsi les 707 spécimens ont été lâchées de différents endroits, de France, d'Allemagne, de Suède....
Aucune anguille n'a pu être suivie assez longtemps pour connaître sa destination finale. 87 anguilles étaient arrivées assez loin pour donner un aperçu de leur voyage avant de perdre leur émetteur.

Au printemps 2022, s'il vous cherchez un os à ronger, ou à communiquer avec Odin, le plus irrationnel serait peut être de suivre des anguilles à la trace...
La complexité de la vie de cet animal des mers (hautement culinaire par ses civelles) devrait vous subjuguer comme pour moi à la lecture de cet étrange évangile.

Ma mémoire garde intacte l'image d'une centaine d'anguilles cherchant à remonter des marais salants vers des retenues moins saumâtres, spectacle insolite et totalement invraisemblable ( Presqu'île de Rhuys).
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L'auteur et narrateur, Patrick Svensson, a découvert l'anguille, et la pêche à l'anguille, auprès de son père en Scanie, au sud de la Suède.
Il y trouve le fil conducteur pour un retour vers le passé, et plus particulièrement vers les liens qui l'unissaient à son père.
Il en profite également pour mieux nous faire connaître cette animal étrange qu'est l'anguille, vrai poisson et donc faux reptile, mais aux moeurs particulières. Nées en plein océan Atlantique, en mer des Sargasses, les larves sont portées par les courants marins jusqu'aux côtes européennes, qu'elles atteignent après un périple de plusieurs années. Elles deviennent alors des civelles (ou pibales au sud de la France), alevins de quelques centimètres de long qui s'engagent dans la remontée des fleuves et rivières. Devenues anguilles, elles séjourneront de longues années en eau douce, avant que la maturité sexuelle ne les ramène en mer des Sargasses où elles finiront leur vie.

Ce texte est à la fois un récit et un essai : le récit des relations d'un fils avec son père ; un essai sur les recherches qui ont permis, d'Aristote jusqu'au vingtième-et-unième siècle, de mieux comprendre la vie de l'Anguille jusqu'à son risque de disparition.
L'ensemble n'est pas inintéressant, mais la dimension essai, très documentée, l'emporte trop sur le récit, de sorte que l'on se sent frustré du peu de l'on apprend sur les liens entre le père et le fils.
Sur la forme, c'est bien écrit, et traduit, sans pédanterie scientifique exagérée. La lecture est fluide. L'ouvrage se laisse donc lire aisément. Dommage que le déséquilibre entre histoire scientifique et histoire personnelle génère une petite déception.

Merci aux Éditions du Seuil et à Babelio de m'avoir proposé de lire ce livre.
Lien : http://michelgiraud.fr/2021/..
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Citations et extraits (68) Voir plus Ajouter une citation
La recherche montre que la plupart des animaux, y compris les poissons, ressentent la douleur. Beaucoup d'éléments indiquent aussi qu'ils connaissent la peur d'une manière qui s'apparente à l'expérience humaine, de même qu'ils peuvent éprouver de la tristesse, des sentiments maternels, de la honte, du remords, de la gratitude et quelque chose que nous pourrions nommer amour. En outre, on rencontre des animaux, par exemple chez les primates et les corvidés, qui sont capables d'exécuter des opérations mentales complexes qui peuvent apprendre à communiquer et à interagir aussi bien avec leurs congénères qu'avec d'autres espèces, qui ont une perception de l'avenir, dans le sens où ils peuvent renoncer à une récompense en échange de la promesse d'une plus forte récompense future. Tous les critères que nous avons établis au cours de l'histoire pour distinguer l'humain de l'animal - conscience, personnalité, utilisation d'outils, notion de l'avenir, pensée abstraite, solution de problèmes, langage, jeu, culture, capacité à éprouver la tristesse ou le manque, la peur ou l'amour -, tous ces critères se sont montrés au moins discutables, souvent insuffisants, parfois totalement erronés. La frontière est dans une certaine mesure réellement devenue poreuse. Une corneille placée devant un miroir sait que c'est elle-même qu'elle voit, ce qui signifie qu'elle est consciente de son existence. Elle sait qu'elle est, même si on ignore si elle sait ce qu'elle est.

Pages 164/165
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En Irlande du Nord, il existe un lac où l'on pêche depuis au moins deux mille ans des anguilles qui ont la réputation d'être les meilleures d'Europe. Le Lough Neagh est le plus grand lac des îles britanniques.


Le produit de la pêche est traditionnellement expédié à Londres.


Mais si les anguilles du Lough Neagh se retrouvaient à Londres, ce n'était pas pour le seul plaisir des Londoniens. Il y avait également des raisons politiques. En colonisant la plus grande partie de l'Irlande au XVIème siècle et au XVIIème siècle, la Couronne britannique avait confisqué non seulement les meilleures terres mais aussi toutes les ressources naturelles de quelque importance. En 1605, les habitants de la région du Lough Neagh furent contraints de céder leur droit de pêche sur le lac ; durant les trois siècles et demi qui suivirent, les riches propriétaires protestants décidèrent seuls du volume de la pêche, de sa destination et de la rétribution des pêcheurs. Ces derniers étaient souvent des paysans catholiques chassés de leurs terres, réduits à la pauvreté et à l'impuissance. L'anguille était pour eux une solution de fortune, un moyen de survie.


Pages 105/106
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Les anguilles, elles sont à part, disait mon père. Et il avait toujours l'air un peu content en disant ça. Comme s'il avait besoin de cette énigme. Comme si elle comblait un espace vide en lui. Et je me suis laissé persuader, moi aussi. J'ai fait mon choix. Je pense qu'on découvre ce qu'on veut croire au moment où on en a besoin. Nous avions besoin de l'anguille, mon père et moi. Ensemble, tous les deux, nous n'aurions pas été les mêmes sans elle.
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Pline l'ancien et Sénèque le jeune racontent tous deux que Vedius Pollion, ami de l’empereur Auguste, avait pour habitude de châtier ses esclaves en les jetant dans un bassin rempli de murènes. Ces poissons carnassiers repus de chair d’esclaves étaient ensuite servis aux convives comme un mets particulièrement raffiné.
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J'ai compris d'assez bonne heure que cette vie que nos parents nous avaient construite n'allait pas de soi. Eux-mêmes étaient nés dans un autre monde et, s'ils en étaient arrivés là, c'était parce que les gens comme eux avaient été embarqués dans un mouvement historique qui, en l'espace de trois décennies, avait à peu près tout changé. Ce n'était pas un ascenseur social individuel. C'était la classe ouvrière tout entière qui avait fait le voyage. Trente ans de réformes sociales avaient tiré les journaliers agricoles et les ouvriers de l'industrie des baraques insalubres et des taudis surpeuplés qu'ils occupaient jusque-là pour les faire emménager dans des maisons individuelles comme la nôtre, avec garage, voiture, serre et arbres fruitiers. C'était un mouvement extraordinairement puissant, comme un courant marin.
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"L'évangile des anguilles", Patrik Svensson - éditions du Seuil
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