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Hélène Collon (Traducteur)
EAN : 9782070422364
721 pages
Gallimard (14/02/2002)
4.1/5   25 notes
Résumé :
Philip K. Dick (1928-1982) reste un trésor enfoui dans le domaine de la littérature américaine parce que la grande majorité de ses œuvres a vu le jour dans le cadre d'un genre - la science-fiction - qui ne retient pratiquement jamais l'intérêt des gens sérieux. Car on ne saurait être sérieux en racontant des histoires de vaisseaux spatiaux, n'est-ce pas ? Une baleine blanche, voilà qui peut faire office de grande figure littéraire; mais comment en dire autant d'un f... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (6) Voir plus Ajouter une critique
Cette biographie est unique ; une petite merveille d'exigence, de concision, de patience, de clarté, de compréhension fine et de non-jugements, assortie d'un kaléidoscope (soigneusement ordonné) de "confessions" écrites de l'écrivain, correspondances diverses, témoignages chaleureux ou effrayés d'amis, relations de travail et ex-conjoints. Il est rare de s'approcher d'aussi près des failles personnelles d'un être : celles qui expliqueraient (sans doute) la part la plus "maladive" de son originalité, son inventivité et son "génie"...

Il faudrait remonter pour cela aux magnifiques ouvrages biographiques de David Sweetman, "Une vie de Vincent van Gogh" (biographie), éd. Presses de la Renaissance, 1990 (réédité dans la coll. LGF /"Le Livre de Poche") ou aux superbes "Simenon" (éd. Julliard, 1992) et "Hergé" (éd. Plon, 1996) du journaliste Pierre Assouline ; il est d'autant plus rageant de constater que cet ouvrage paru aux USA en 1989 soit si peu célébré (et même connu) en notre pays... autrement qu'indirectement puisque bientôt fort aimablement et habilement recyclé/popularisé par un "célèbre écrivain français" (qu'on supposera familier de la langue anglaise) qui le régurgita en 1993 [*] sous forme d'une "biographie romancée" (?) au titre-citation-choc...

Heureusement, rien de tel ici...

Son titre et son sous-titre : "DIVINE INVASIONS. A life of Philip K. Dick" / "Invasions divines. Philip K. Dick, une vie" de Lawrence SUTIN... se révèlent à la fois "psychiatriquement exacts" et non-spectaculaires (pointant honnêtement un processus d'envahissement psychotique à thématique religieuse), respectueux, précis et objectif.

Tout est ici bâti harmonieusement (sans trace de sensationnalisme criard) au moyen de ces cent-mille petits détails du quotidien, ces "petits faits soigneusement vérifiés et recoupés" dans un ensemble impressionnant respectant scrupuleusement la chronologie d'une existence courageuse, humainement et artistiquement exigeante et accomplie, promise à d'inoubliables univers accouchés et à de terribles souffrances...

Enfant solitaire à la panoplie de cow-boy...

Adolescent timide grand lecteur de "Pulps", amateur de ces périodiques de "S.F." stéréotypée à deux sous, puis homme séduisant, "serial seducer" qui eut très vite très peur de se retrouver seul, ne fut-ce qu'un instant...

Pour Philip K., une écriture "directe" jaillissant sans fioritures de son sac-à-fantaisies si personnel (... quoi de plus spontané que cette matière-là ? Colette avait bien dit au jeune Simenon : "Surtout pas de littérature, mon petit Sim !"), une vitesse d'exécution torrentielle, un imaginaire sans limites, un humour ravageur : voici Dick, de ses "débuts" fauchés à sa "fin"... Finitude qui correspondit pour le romancier/nouvelliste au périlleux "Passage de la Ligne" (franchissement familier aux personnages "suicidaires" de Simenon) : atteindre un jour ses propres limites physiologiques...

Cet homme qui, un jour, surprit une déité aveugle et maléfique dans le ciel (yeux fendus, mâchoire métallique et bras articulé) : pour le neutraliser, rien de tel qu'en faire la force montante d'une de ses fictions : il fera de son hallucination "Le dieu venu du Centaure" en 1964.

Lawrence Sutin est professeur à l'Université de Minneapolis ; sa langue est claire, concise, il aime le factuel... Il sait s'effacer entièrement derrière son "sujet d'études", ne s'y montre guère fasciné par la souffrance psychique d'autrui et n'a guère le goût de nous bâtir des "romans" à propos du parcours "christique" d'un romancier-nouvelliste/"écrivain de S.F." ayant souffert à la fin de sa vie de lésions vasculaires multiples, de complications pancréatiques dévastatrices et d'une décourageante pharmacopsychose liée à ce fichu usage quotidien de molécules amphétaminiques ( ... et ce, dès la publication de ses premières nouvelles : le but de cet insouciant usage ayant été de pallier au fait que la SF rapporte si peu à ses auteurs. On accélère ainsi aisément son "rythme productif" et l'argent-qui-manque-et-manque rentre plus vite... ) : tous processus morbides réunis qui concourront à son "Golgotha" personnel — proche de celui de Paul Gauguin en cela ; Philip Kindred Dick disparaîtra, déprimé et épuisé, à l'âge de cinquante-trois années...

Douze chapitres biographiques avec leurs sous-titres à rallonge "à l'Ancienne" (nous rappelant certains sous-titres souriants des chapitres des romans de Jules VERNE) avec large usage de l'humour froid "à la Philip K. Dick"...

Nous naissons avec Dick (un 16 décembre 1928).
Nous vivrons avec Dick.
Nous écrirons (à toute berzingue) avec Dick.
Nous deviendrons "barjes" avec Dick virant "parano"...
Nous prendrons les tornioles aux côtés de la quatrième Mrs Dick...
Nous tomberons gravement malades avec Dick.
Nous mourrons avec Dick (ce 2 mars 1982).
Nous lirons et relirons avec délice (et plutôt sans "D-Liss"), toute notre vie, l'ensemble de l'oeuvre fictionnelle de Dick...

Infini respect au magnifique travail rédactionnel — fruit de minutieuses enquêtes, entretiens, recherche et décryptage d'archives — de Lawrence SUTIN ...

Sa traduction en français a été réalisée avec beaucoup de rigueur par Hélène Collon pour le compte des éditions Denoël en 1995 : travail fort heureusement réédité par les éditions Gallimard en 2002, pour leur très belle collection populaire "folio SF", à la présentation si agréable...

La quatrième de couverture nous informe de ceci : "Unanimement saluée par la critique, cette biographie a obtenu en 1995 le Grand Prix de l'Imaginaire, catégorie essais. "

Et nous, de notre côté, constaterons : seules TROIS critiques ont, à ce jour, été publiées sur "Babelio" à propos d'un ouvrage aussi important et "référentiel", paru en 1989 (sept ans après la disparition du grand Californien)... Alors, comprenne qui pourra ! Ne vivrions-nous pas, sans le savoir ni le vouloir, au pays de Lecteurs-androïdes ou plutôt "moutons" (ceux-là, pas même électriques...) ???

L'ouvrage reste heureusement immédiatement accessible en France à son prix de vente (ruineux) de 10,30 €, fort de ses 722 pages et muni de ses exigeantes annexes bibliographiques...

"Cet essai se lit comme un roman", comme nous le rappelle si judicieusement notre amie Foxfire...

[*] Contrairement à ce qui sa passa pour le travail si sérieux et pointilliste de SUTIN, succès immédiat pour cette sorte de "digest" français au titre suffisamment accrocheur, avec bandeau éditorial à la seule gloire de "notre-grand-écrivain-philosophe" (ouvrage cependant orné d'un cliché du jeune Philip K. Dick tenant l'un de ses chats, comme signe garant d'une intimité supposée)... Philip K. Dick aurait serré les dents puis ri froidement de cette récupération de la destinée d'un écrivain disparu, devenu à son tour simple "motif-à-demi-fictions" pour autrui...

De "demi-fictions" en "semi-vies", au fond... :-)

Lien : http://fleuvlitterature.cana..
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Du lourd, du très lourd même !! Mr Sutin nous envoie sur la "Dick planet" avec une maestria digne des meilleurs auteurs. On est très loin des "Mr dupont naquit le...à.....ses parents étaient...." Non, là on part en voyage halluciné dans la tête de P.K.D, dans sa vie (1928-1982) qui défile comme un roman à suspense, dans laquelle on trouvera un homme hors norme, marqué profondément par la mort de sa soeur jumelle Jane, peu après sa naissance, les drogues, les "révélations", les hallucinations, les phobies, la paranoïa, et une prodigieuse capacité à produire des textes comme d autres respirent. Aujourd'hui connu et reconnu, les livres et nouvelles de P.K.Dick ont pourtant eu bcp de difficultés à paraître (la SF n était pas considérée et publiée sur du mauvais papier et des couvertures flash et ringardes, les fameux "Pulp"). côté vie privé c est le tourbillon également,des rapports avec sa mère à ses 5 mariages, ses deux enfants, et puis les amis, ecrivains, camés, squatters....un monde à lui tout seul. cette magnifique biographie est documentée, annotée, entrecoupée de réactions des principales personnes qui ont vécu et/ou côtoyé le maître. l'oeuvre de Dick est intimement liée à sa vie intérieure. intelligent, très cultivé, altruiste, passant d un état à un autre, les événements (!) de février 1974 auront une forte répercussion sur le reste de son oeuvre. la recherche de Dieu est également omniprésente, aux antipodes du croyant classique, il raconte et retranscrit sa Téophanie (rencontre et discussion avec Dieu). de plus, c est une bio qui fait réfléchir et se poser qq questions pour le moins intéressantes, à mon avis.
c est dingue, triste, surprenant, magique, incroyable, hallucinant (dans tous les sens du terme). je pense qu un non lecteur des romans de Dick, après cette superbe biographie (prix de l imaginaire. essais) plongera illico dans la formidable et incroyable moisson de nouvelles et romans de ce torturé de la vie qu était le grand P.K.Dick. (pour les moins aguerris, "Blade runner", c est lui). un réel plaisir de lecture.
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Récemment, je me suis (r)acheté les romans de K Dick parus chez Nouveaux millénaires. Dans sa préface Gérard Klein citait la biographie de Lawrence Sutin comme indispensable à tout bon Dickien. Je me suis donc mis en quette de cette dernière et je n'ai pas été déçu. Jusque là je n'avais lu que la biographie d'Emmanuel Carrere "Je suis vivant et vous êtes morts" qui se lit plutôt comme un roman. Qu'on soit bien d'accord, il n'y a aucun mal à ça, la vie de Dick est presque aussi passionnante que ses romans. Mais le travail de Sutin est d'une toute autre nature. Il s'agit d'un essai qui fut d'ailleurs primé dans cette catégorie au Grand prix de l'Imaginaire en 1995. Lawrence Sutin ne se contente pas seulement de raconter la vie de Dick, il met constamment en parallèle l'homme et son oeuvre, émaillant son livre de longs passages décortiqués des diverses productions de K Dick.

On y retrouve donc, outre ses romans, beaucoup de lettres envoyées à ses amis, ses relations de travail ou bien sa mère avec qui ses relations étaient pour le moins compliquées. On peut aussi lire des fragments de l'Exégèse qui reste inédite à ce jour et à laquelle Sutin à eu accès. Pour compléter le portrait, on peut lire énormément de témoignages des gens qui ont connu Dick, et en particulier des femmes qui ont marqué son existence (Kléo Mini, Anne Dick ou encore Tessa)

Peu à peu se dresse le portrait d'un homme hanté par le fantôme de sa soeur jumelle Jane, paranoïaque, drogué aux amphétamines et autres médicaments. D'un homme qui pouvait être à la fois le plus adorable des compagnons et le plus exécrable des maris. D'un auteur qui à essayé toute sa vie de sortir du ghetto de la science fiction sans être vraiment conscient qu'il allait marquer la littérature à tout jamais.
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Cette biographie est une lecture indispensable pour ceux qui aiment Philip K. Dick et ont envie de mieux comprendre son oeuvre.
Les écrits de Dick sont emplis de correspondances avec des éléments de sa vie (que ce soit sa vie sentimentale, ses névroses, ou ses réflexions philosophiques) et Lawrence Sutin expose parfaitement ses correspondances. L'analyse des oeuvres de Dick et également de son cheminement philosophique et spirituel est très pertinente et permet de mieux appréhender la richesse des écrits de Dick. Et tout ceci sans jamais être ennuyeux. On lit cet essai comme un roman.
Et le guide de lecture chronologique à la fin est excellent. Il permet de bien s'y retrouver dans la bibliographie très fournie de Dick et donne beaucoup d'envie de lectures Dickiennes (ma "pile à lire" va prendre de l'ampleur).
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"il était ses propres romans faits homme" Joan Simpson, avril 1977 (p. 390)

"Les gens me disent que ce qui me constitue, toutes les facettes de ma vie, ma personnalité, mon vécu, mes rêves et mes peurs, que tout cela, donc, est apparent dans mon oeuvre; qu'à partir de l'ensemble de mes textes, on peut me reconstituer de manière précise et absolue. C'est tout à fait exact." Philip K. Dick, introduction à the golden man, 1980 (p. 455)



Le 18 février 1982, il y a donc quarante ans, les voisins de Philip Dick le trouvent inconscient chez lui, victime d'un AVC. Transporté à l'hôpital, d'autres accidents cardiaques suivent jusqu'à sa mort le 2 mars. A l'occasion de ce quarantième anniversaire les deux principaux éditeurs de l'auteur republient massivement son oeuvre : la plupart des romans par J'ai Lu, avec notamment une nouvelle traduction d'Ubik, la trilogie divine et la biographie de Lawrence Sutin par le groupe Gallimard (Folio SF et Denoël).

On connaît en France deux biographies de Dick : Invasions Divines et Je suis vivant et vous êtes morts, d'Emmanuel Carrère. Oublions tout de suite le livre de Carrère : ce n'est pas à proprement parler une biographie, mais plutôt une création littéraire mêlant éléments fictionnels et biographiques. Lawrence Sutin, au contraire, suit les canons du genre : un grand nombre d'entretiens avec les personnes ayant côtoyé l'auteur (on dénombre plus d'une centaine de noms dans les remerciements !) et un récit chronologique de la naissance à la mort de l'auteur.

Bien que l'ayant écrit peu de temps après la mort de l'écrivain et visiblement très fan de Dick, Lawrence Sutin ne tombe pas pour autant dans l'hagiographie : le personnage qu'il décrit est aussi fascinant que détestable. Fascinant par son intelligence, son érudition ou sa capacité de travail phénoménale, Dick est détestable principalement par sa relation avec les femmes tout au long de sa vie, d'abord avec sa mère puis avec ses cinq épouses et ses autres relations, allant d'un comportement toxique jusqu'à la violence physique. Ajoutons à cela de multiples phobies, une dépendance aux médicaments et aux amphétamines et le portrait pourrait paraître totalement noir; mais malgré tout ce personnage qui semble ne pas maîtriser grand chose de sa vie, en détresse quasi-permanente, songeant régulièrement au suicide, à la limite de la pauvreté et du dénuement (seules les dernières années de sa vie ont vu une amélioration de sa situation financière) inspire une certaine sympathie. Mais c'est certainement sur les rapports entre la vie de Dick et son oeuvre qu'Invasions divines est le plus intéressant. Soulignant les liens, montrant quel personnage réel est devenu tel caractère dans un roman, on en arrive à comprendre que les écrits de l'écrivain sont une transposition science-fictive de sa vie.

Invasions divines, publié aux États-Unis en 1989, édité par Denoël en 1995 puis par Folio en février 2002, n'était plus disponible depuis quelques années. C'est pourtant un complément majeur de la bibliographie dickienne, un outil presque indispensable pour comprendre comment cette oeuvre s'est construite. On regrettera juste que cette nouvelle édition n'ait pas été révisée : quelques coquilles y sont encore visibles et surtout, depuis la première édition en 1995, de nombreux textes de Dick cités en VO dans la biographie ont été publié en France, rendant obsolète la bibliographie fournie en annexe.
Lien : https://www.noosfere.org/liv..
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Citations et extraits (11) Voir plus Ajouter une citation
LITTERATURE DE BAS ETAGE

« La science-fiction est complètement enfermée dans sa réputation de littérature de bas étage. Je me rappelle avoir essayé de faire lire Philip K. Dick chez Doubleday, et m'être entendu opposer : « Je ne lis pas de science-fiction. »

J'ai toujours pensé que les livres de Phil continueraient à se vendre dans quarante ans, ce qui n'est probablement pas le cas de la plupart de ses contemporains. J'ai bien tenté de le tirer du ghetto de la science-fiction mais il n'y a pas eu moyen. On ne prenait pas ce genre au sérieux, on n'y pensait qu'en termes de ventes aux bibliothèques. Il n'avait aucune réalité commerciale. »

Citation des propos de Lawrence Asmead, directeur de la collection S.-F. pour le compte de l'éditeur Doubleday (New York) : celui-ci découvrit et publia dès 1964 "The Three Stigmata of Palmer Eldritch" ("Le Dieu venu du Centaure") et sept autres romans de P.K.D. par la suite...

[Lawrence SUTIN, "Invasions divines. Philip K. Dick, une vie" / " Divine Invasions. A life of Philip K. Dick", Harmony Books ed. , New-York, 1989 — traduit de l'américain par Hélène Collon en 1995 pour les éditions Denoël, coll. "Présence du futur" — réédité par éd. Gallimard (Paris) coll. "folio SF", 2002, CHAPITRE NEUF, page 450]
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[CHAPITRE SIX : "Où la vie conjugale de Philip K. Dick imite la "réalité" en craquant de toutes parts ; où une vision dans le ciel inspire la plus brillante histoire d'invasion de la Terre jamais écrite ; où, abandonnant le statut de gentleman farmer, Dick s'installe à Oakland (ciel !), se comporte de plus en plus bizarrement et, pour finir, se trouve une nouvelle épouse (1963-1965)."]

" Et j'écrivais à une vitesse incroyable ; douze romans en deux ans ! ça doit être un record. Je n'ai jamais pu retrouver ce rythme — physiquement, c'était très éprouvant ; mais mon prix Hugo [pour "The Man in The High Castle" en 1962] était là pour me le confirmer : ce que je voulais écrire coïncidait avec ce que bon nombre de lecteurs désiraient lire. Aussi stupéfiant que ça puisse paraître ! "
[P.K.D., "Autoportrait" (1968)]

" A une certaine époque, je faisais vivre quatre enfants et une épouse aux goûts de luxe. Elle s'est même payé une Jaguar, entre autres. Il fallait que j'écrive, un point c'est tout, et c'était la seule manière d'y arriver. Vous savez, j'aurais bien aimé, moi, me passer des amphétamines, mais sans elles, je n'aurais pas pu produire autant. "
[P.K.D. , "Entretien avec Uwe Anton (1977)]

[Lawrence SUTIN, "Invasions divines. Philip K. Dick, une vie" / " Divine Invasions. A life of Philip K. Dick", Harmony Books ed. , New-York, 1989 — traduit de l'américain par Hélène Collon en 1995 pour les éditions Denoël, coll. "Présence du futur" — réédité par éd. Gallimard (Paris) coll. "folio SF", 2002, pages 274-275]
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STIGMATES DE PAUVRETE

Mais pour Dick, la pauvreté était beaucoup plus difficile à vivre, encore qu'il n'eût pas des goûts de luxe, loin de là. Mais c'était une humiliation, la preuve flagrante qu'il était incapable de se conformer au rôle traditionnel de l'homme pourvoyeur de salaire, et de plus, peu disposé à le jouer. Il ne doutait pas de sa vocation d'écrivain, mais se rendait bien compte que cette occupation lui permettait de fuir le monde extérieur. Voilà comment il explique à sa fille Laura, en mai 1978, pourquoi il ne pourra assister à la cérémonie de remise du diplôme qui va couronner la fin de ses études secondaires :

« Je ne sais pas très bien m'habiller, et je me sens mal à l'aise dans les moments solennels. Sans doute est-ce, à la base, parce que j'ai toujours été pauvre et que j'en ai honte. A une époque, ma femme [Kleo] [...] et moi avons dû manger de la viande pour animaux. Je ne suis pas allé à l'université ; je travaillais dans un magasin de radio et télévision. Je possède des connaissances appréciables dans certains domaines tels que la littérature, la théologie et la musique classique, mais par ailleurs, je suis un ignorant. [...] Le pouvoir et l'argent me mettent mal à l'aide et je suis bien dans ce que j'appelle "la rue". [...] Mon unique ambition, écrire, est satisfaite, et j'en suis très fier. J'ai réussi selon mes propres critères, mais en dehors de ma carrière d'écrivain, ma vie est un échec. »

[Lawrence SUTIN, "Invasions divines. Philip K. Dick, une vie" / " Divine Invasions. A life of Philip K. Dick", Harmony Books ed. , New-York, 1989 — traduit de l'américain par Hélène Collon en 1995 pour les éditions Denoël, coll. "Présence du futur" — réédité par éd. Gallimard (Paris) coll. "folio SF", 2002, CHAPITRE QUATRE, pages 185-186]
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{Avant-propos par Paul Williams}

Philip K. Dick nous a quittés le 2 mars 1982, et l'excellente biographie que vous avez entre les mains s'achève, comme il se doit, sur cette disparition. Toutefois, comme aimait à nous le rappeler Shakespeare, un des grands avantages du statut d'écrivain est qu'il permet à celui-ci de prolonger son empreinte au-delà de la mort ; l'écrivain continue ainsi à se faire valoir, à séduire, à se plaindre, se vanter, s'apitoyer, exiger et recevoir l'attention des autres, alors même que son coeur ne bat plus. En tant que rédacteur d'un curieux périodique intitulé "The Philip K. Dick Society Newsletter", je reçois toutes les semaines des lettres de lecteurs impliqués depuis peu dans un rapport intime et intense avec Dick ; souvent ils tiennent absolument à me dire (à moi qu'ils n'ont pourtant jamais vu) qu'il est devenu leur meilleur ami, voire le seul. Vous vous rendez compte !

[Lawrence SUTIN, "Invasions divines. Philip K. Dick, une vie" / " Divine Invasions. A life of Philip K. Dick", Harmony Books ed. , New-York, 1989 — traduit de l'américain par Hélène Collon en 1995 pour les éditions Denoël, coll. "Présence du futur" — réédité par éd. Gallimard (Paris) coll. "folio SF", 2002, page 19]
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INTRODUCTION

{Si Héraclite a raison de dire que "La nature a coutume de se dissimuler", où chercher le grand art sinon dans un genre mineur ?}

"Car il ne fait pas de doute qu'il existe une différence entre la science-fiction et les types voisins, souvent étroitement liés, de littérature populaire. La science-fiction est une catin, mais qui en a honte ; de plus, elle a un visage d'ange... Les meilleurs romans de science-fiction cherchent à s'insinuer clandestinement dans la Sphère Supérieure [de la littérature généraliste] — mais dans quatre-vingt-dix-neuf pour cent des cas, ils n'y réussissent pas. Les auteurs les plus doués se comportent en schizophrènes ; ils sont à la fois désireux et non désireux d'appartenir à la Sphère [Inférieure] de la science-fiction... C'est pour cela que la science-fiction constitue un phénomène aussi remarquable. Elle qui vient d'une maison close voudrait s'introduire dans le palais où sont entreposées les pensées les plus sublimes de toute l'histoire de l'humanité. "

(Stanislas LEM).

"... ce qu'il [l'auteur de science-fiction] cherche à saisir par l'écriture n'est pas ce que poursuivent les écrivains des autres domaines littéraires. Il n'y a pas, pour lui, de monde béni de l'enfance, jadis réel et désormais disparu, qui le ronge de l'intérieur ; il est au contraire libre et heureux de décrire une infinité d'autres mondes... "

(Philip K. DICK, 1980)

Philip K. Dick (1928-1982) reste un trésor enfoui dans le domaine de la littérature américaine parce la grande majorité de ses oeuvres a vu le jour dans le cadre d'un genre — la science-fiction — qui ne retient pratiquement jamais l'intérêt des gens sérieux. Car on ne saurait être être sérieux en racontant des histoires de vaisseaux spatiaux, n'est-ce pas ? Une baleine blanche, voilà qui peut faire office de grande figure littéraire ; mais comment en dire autant d'un fongus de Ganymède télépathe ?

[Lawrence SUTIN, "Invasions divines. Philip K. Dick, une vie" / " Divine Invasions. A life of Philip K. Dick", Harmony Books ed. , New-York, 1989 — traduit de l'américain par Hélène Collon en 1995 pour les éditions Denoël, coll. "Présence du futur" — réédité par éd. Gallimard (Paris) coll. "folio SF", 2002, INTRODUCTION, pages 27-28]
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