Ce roman s'est adressé avant tout à mon côté nostalgique. Moi même adepte de la course à pieds par le passé, j'ai modestement terminé le douzième semi-marathon de Paris en 1h54' et j'ai réalisé mon meilleur chrono sur 10 km lors de la Voie Royale 2003 ( 46'28'' ) dont le parcours nous emmenait au sein même du stade de France, sous les ovations d'une foule en délire d'au moins quinze personnes.
Et puis ce sont surtout des souvenirs de lectures qui me sont revenus, ce roman d'épouvante écrit en 1979 et élu "spécial suspense" 1980 par les éditions Albin Michel clamant haut et fort son affiliation et son hommage au Rosemary's baby d'
Ira Levin.
"Elle se fit les ongles puis s'allongea sur le lit avec le dernier suspense d'
Ira Levin"
"Ou si nous étions encore en vie, ce serait à l'état gâteux dans une maison de retraite, en train de regarder à la télévision un remake de
Rose-Marie."
Et effectivement, nous avons ici affaire à un roman où le constat de départ est un parfait bonheur, que de petites anomalies vont venir enrayer doucement. Ce qui m'a également rappelé l'excellent "L'avocat du diable" d'
Andrew Neiderman ou dans une moindre mesure certains titres de
John Saul.
En plus des trois parties et des cinquante quatre chapitres, le récit gagne en intensité au rythme de l'écoulement du temps puisqu'il se déroule de mars à décembre.
Pete et Jackie sont les deux principaux personnages. le premier travaille dans l'édition ( il y a d'ailleurs tout un débat entre le livre de poche et le broché ), la seconde dans la mode. Ils forment un couple heureux, amoureux, qui a envie d'un enfant, et auquel il ne manque qu'un logement à proximité de Central Park pour toucher la perfection. Après de vaines recherches, un concours de circonstances bienvenu les mettra sur le chemin de couples plus âgés vivant dans le même immeuble, dans lequel un appartement au loyer raisonnable est encore disponible.
"En tout cas, on dirait qu'ils louent toujours plusieurs appartements. A des personnes jeunes, m'ont-ils dit, parce qu'ils aiment être entourés de jeunesse."
La vie merveilleuse du couple se poursuit donc en compagnie de leurs charmants nouveaux voisins, tous adeptes du
jogging et de la natation. Dans l'immeuble une piscine et un sauna sont d'ailleurs accessibles pour les résidents.
Pete accompagnera volontiers lors des entraînements ses nouveaux amis d'une petite soixantaine d'années, à l'image paternelle. Pour Jackie, c'est un peu plus compliqué mais elle finira par suivre le mouvement, notamment par jalousie.
Le premier accroc a la forme d'une cigarette. Les résidents demandent à Jackie de ne pas fumer dans les parties communes. Mais bon, ça paraît tout à fait légitime.
Même chose pour l'alcool. Une soirée arrosée ne permet pas d'être aussi performant le lendemain matin quand on foule le bitume de Central Park. Et nos deux héros se sentent comme des enfants pris en faute lorsqu'ils s'autorisent quelques excès et que ces derniers sont découverts par leurs (trop) attentionnés voisins.
"Nous n'avons donc même plus l'ombre d'une vie privée ? Ou l'avons nous échangée contre une piscine ?"
Le
jogging est un moyen pour l'auteur de parler du culte de soi, de l'apparence, du bien être et de la forme physique. Il ne s'agit pas que de courir. Il faut surveiller son alimentation, prendre des compléments, s'entraîner, se chronométrer, trouver des chaussures adaptées, s'étirer avant et après chaque effort, obtenir un certificat médical ou encore avoir un rythme de vie adéquat, souvent pour pouvoir atteindre son pic de forme le jour J de la compétition.
La secrétion d'endorphines a-t-elle l'effet d'une fontaine de jouvence ? C'est en tout cas l'un des thèmes du roman où la jeunesse d'une moitié des locataires est sans cesse mise en parallèle avec la relative vieillesse des fanatiques de la course à pieds qui essaient de transmettre leur passion à la jeune génération.
Quitte à s'immiscer toujours davantage dans leur vie privée.
"Vous avez votre jeunesse. Quelle chance pour vous. C'est le plus sublime des dons de dieu."
Le seul point qui m'a gêné dans ce livre où la tension et l'angoisse prennent doucement de l'ampleur ( ce qui n'empêche pas à l'humour de jalonner régulièrement les pages ), c'est le trop grand nombre de personnages : Six couples de locataires sans compter les anciens et les nouveaux, les gardiens de l'imeuble, les amis extérieurs, les collègues... Plus d'une fois je ne savais plus de qui il était question exactement. Je préconiserais d'ailleurs de tenir une liste des protagonistes afin d'éviter les retours en arrière et de faciliter la compréhension progressive des évènements.
Parce que mis à part cette légère gêne, l'histoire est prenante et parvient à distiller l'inquiétude d'abord à doses homéopathiques avant de nous plonger progressivement en plein cauchemar, le tout sur un sujet en apparence innocent.
"Une semaine sans
jogging ne va pas vous tuer, non ?"