À une vingtaine de kilomètres de Carcassonne se trouve un château fort où habitent les Testasecca. le père Leon appelé le Minotaure, la mère Diane et leurs deux enfants, Clémence et Pierre.
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Là-bas les enfants ne vont pas à l'école, les parents ne travaillent pas. Ce petit monde ressemblerait à un conte de fée si la propriété n'était pas mise en périls. le château est dans un piteux état et si les Testasecca ne trouvent pas les fonds pour le remettre en état, ils risquent l'expulsion.
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S'engage alors un combat de tous les dieux au sein de cette famille pour sauver ce patrimoine. À côté de cette vaillance et amour des leurs, on assiste au soulèvement de la nature qui semble elle aussi crier sa rage et sa peine.
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Il y a dans ce roman une ferveur romanesque époustouflante. L'écriture est pleine, ronde, sophistiquée et envolée à la fois. L'ambiance monte crescendo pour nous servir des scènes et images à couper le souffle.
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Je sais que ce roman séduira moult lecteurs car ce roman est brillant et maîtrisé à la perfection. J'ai déploré néanmoins, surtout début du livre un vocabulaire un peu trop complexe pour moi. Les termes techniques et moyenâgeus autour du château fort (mâchicoulis, fleurine, encorbellement, arbalétriers, faîtage,…) fourmillent et ont rendu ma lecture souvent ardue. L'auteur nous offre une fiction où l'art architectural imprègne chaque page. Ce château se vit tant il est décrit avec précision.
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Ce bémol est tout à fait subjectif et personnel et je ne doute pas du succès de ce livre qui je le répète détient une puissance romanesque qui vaut le détour.
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J'ai laissé décanté cette lecture avant de poser ma chronique. Constat sept jours plus tard : ce roman me hante encore…
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— Léon n’est pas rentré ? demande-t-elle.
Elle ne partira pas à sa recherche. Elle lui a trop couru après dans les bistros, les cliniques, les fossés ; cette fois, elle préfère attendre qu’il revienne à Montrafet par ses propres moyens, avec comme d’habitude un œil poché, de l’eau gazeuse, la conscience en charpie, du mercurochrome, l’œsophage brûlé à l’armagnac et, partout, des Tricosteril.
— J’ai essayé de l’appeler, mais son téléphone est éteint, dit Diane en déposant ses papiers sur une console du vestibule, à côté d’une paire de lance-fusées Second Empire et d’une dizaine de cartes à jouer : les atouts d’un jeu de tarot, illustrés à la manière de Jérôme Bosch.
Sur le trois, un paon à visage humain enferme une nonne dans un four à pizza. Qui a posé ces cartes là en désordre ? Quel esprit malin est venu jouer pendant la nuit ?
— On a essayé aussi, dit Clémence. On a laissé un message.
— Il ne l’écoutera pas.
— On devrait aller le chercher, dit Pierre.
Diane balaie l’air avec sa main, puis replace ses cheveux sous la barrette en bois qu’elle peine à refermer.
— C’est inutile. Il a dû profiter de son rendez-vous à la chambre pour voir des amis, ou faire un esclandre, comme la dernière fois, parce que le vin n’était pas servi à température. On sait, hein, de quoi il est capable.
— Mais maman, insiste Pierre, il lui est peut-être arrivé quelque chose…
— Ne t’inquiète pas.
— Si tu me prêtais la voiture, suggère Clémence, je pourrais…
— C’est hors de question. Tu n’as pas ton permis ; tu l’auras comme tout le monde à dix-huit ans. D’ici là, je t’interdis de conduire. Je sais que tu l’as prise l’autre jour, lorsque j’étais chez les Jonquères avec la camionnette, j’ai vu la jauge, et quand je suis rentrée le capot était tiède.
Dimanche dernier, Clémence a passé la journée à Port-la-Nouvelle avec Sophie, Rachtouille et deux copains de Lézignan : Lionel et Alexandre. Comme aucun d’entre eux n’avait de voiture, elle a proposé d’emprunter celle de sa mère en douce. Pierre n’a pas voulu les accompagner ; les gars de Lézignan se moquent de lui quand ils le voient. D’ailleurs, dimanche dernier, lorsque Lionel a prétendu qu’il était « à côté de la plaque », Clémence lui a fourré sa glace à l’italienne dans l’œil, et lui a pincé le nerf de la cuisse, en le prévenant que, s’il parlait encore une fois de son frère de cette façon, elle lui ferait avaler tout le sable de la plage ; elle sentait le nerf rétrécir sous ses doigts, le pauvre Lionel hurlait de douleur.
— Ce n’est pas ce que tu crois, maman, en fait, j’ai…
— Je ne veux pas savoir. Il n’y a aucune raison valable. Je ne veux plus que tu prennes ma voiture, est-ce que c’est clair ?
Clémence fronce les sourcils. Autrefois, sa mère leur passait tout ou presque. Chaque enfant du village rêvait d’en avoir une qui fût aussi libérale. Mais depuis quelques mois, Diane est plus dure, ne veut plus jouer, et ne veut plus s’asseoir près de la cheminée, après le repas, pour « débriefer » ; elle n’éclate plus de rire, ou à peine, lorsque Léon se lance dans un de ses récits rabelaisiens.
— Est-ce que c’est clair ? répète-t-elle.
— Très clair.
Pierre jurerait avoir vu une carte du jeu de tarot, le quatre, s’animer : un moulin, une dame en amazone sur une jument palomino, une ombrelle et des feuilles mortes.
Acte I
Pierre passe sous l’aine, et enfonce le couteau au renflement du croupion dont il tient écartés les bords caoutchouteux. Il y a encore quelques heures, ce perdreau volait dans la campagne à la recherche d’une femelle avec qui partager son nid de paille et de boue beurrée. La chair cède. Les vaisseaux s’entortillent autour de la lame. Les entrailles apparaissent : le foie couleur guimauve, le cœur dans un liquide délié, la graisse cireuse, l’intestin, la vessie aux reflets grenadine. Pierre extirpe ensuite les poumons qui ont l’air chacun d’être le cœur d’un animal plus grand et, surtout, moins mort.
Il scrute l’horizon, au-delà de la ligne en pointillé des remparts et des casemates d’où il guettait dans l’enfance le passage des bêtes rousses. Des guirlandes de nuages retiennent le soleil. La terre, crayeuse, émet des radiations compactes. Les moustiques tigres frétillent sous les chardons. Ils organisent des guets-apens autour de la meule sur laquelle chaque matin, Diane, la mère de Pierre, installe une carafe de jus de citron et une soupière de café. Plus bas, c’est le froufrou des chênes verts et des câpriers. La symphonie en ré mineur des crapauds. Prudentes, les rainettes se tiennent à un mètre de leurs cousins, prêtes à s’enfuir au cas où il prendrait à l’un d’entre eux l’envie d’un hors-d’œuvre plus consistant qu’un ventricule de moustique ; elles pataugent dans la vase pâle.
Pierre ouvre la lucarne du long couloir. En levant les yeux, il aperçoit, sur le plâtre et les pierres rebondies de la tour carrée, les lacérations du point du jour. Loghauss, la démone, est réveillée…
Clémence, sa grande sœur, entre, accompagnée du chien Bendicò. Elle porte une veste bleu marine, col en velours, intérieur écossais, ouverte sur une chemise d’officier, et avec ça une culotte de cheval et des bottines terre de Sienne. Sa peau est rougie par endroits. On dirait une ancienne femme des forêts sous une frange Grand Siècle. Sourire imperméable, en demi-parenthèse… Elle cherche un objet sur les étagères. Trois rondelles métalliques tombent dans un bruit de machine à sous. Elle ne les ramasse pas. Enfin, elle déniche le tournevis cruciforme, au manche coudé, qu’elle cherchait.
S’il devait décrire sa sœur à quelqu’un qui ne la connaît pas, Pierre évoquerait un voilier en suspension à un ou deux mètres au-dessus de la mer, une mer trouble, noire, brutale – le voilier se déplacerait au milieu des oiseaux, des bulles d’écume, des blocs de glace, des épaves et des poissons volants.
Clémence ramasse les rondelles et les met dans sa poche, puis lui adresse un clin d’œil.
Après avoir plumé le perdreau, Pierre le passe au chalumeau. Il le disposera dans le congélateur avec des dizaines d’autres. Il referme la lucarne et essuie ses mains moites.
— La chasse a été bonne ? demande Clémence.
— Un perdreau, trois bécasses.
— Comment les as-tu prises ?
— À la croule, avoue-t-il en évitant le regard de sa sœur, qui n’est pas sans savoir que la chasse à la croule consiste à guetter le chant d’amour du roi des gibiers, et qu’elle est injuste pour l’oiseau qui volette en appelant de ses vœux la saillie reproductrice, mais rencontre, à la place, une volée de numéro sept.
— À la croule, fin avril ?
— Que veux-tu, nos bécasses sont romantiques.
Pierre en a suspendu une au-dessus du plan de travail. Clémence observe l’animal à l’œil rond de sorcier. Elle a toujours ressenti du respect mêlé de crainte, et d’un autre sentiment, une espèce de mélancolie, devant ce gibier au goût de prune confite dans la saumure. Elle les imagine, quelques secondes avant de mourir, anges bruns zigzaguant dans le crépuscule à la recherche de l’amour fou…
— Je devrais te dénoncer au garde-chasse, même si je crois que ce brave Arnoult est pire que toi.
— Attends un peu d’en manger une, tu verras.
Bendicò remue la queue, rendu impatient par le fumet du sang mélangé sur l’établi à la sciure de bois et aux plumes grillées. Pierre lui donne à lécher la lame du couteau.
Dans l’enfance, Clémence et lui avaient l’habitude de se réfugier dans ce couloir quand il pleuvait. C’était leur zone insubmersible. L’eau ruisselait sur les demi-lunes du rempart ouest et jouait sur la tôle des volets comme d’un xylophone détraqué. Pour l’accompagner, ils frappaient avec des louches de cuivre sur des faitouts bosselés. Parfois un autre bruit venait, un sac de grains renversé, une rafale ou un oiseau de nuit – une pipistrelle coincée dans un contrevent –, alors ils instruisaient des enquêtes féeriques. Un jour, ils conçurent un circuit d’un bout à l’autre du couloir : une bille d’agate devait rouler dans des demi-bambous et des tubas, puis basculer une javelle de trois cents dominos, dont le dernier actionnait un bilboquet et une boule de pétanque, emportée à son tour par un toboggan en toile de jute jusqu’à un manche à balai, qui tombait dans des spirales de corde, et renversait un fil à plomb sur l’interrupteur d’une lampe de chevet. Un autre jour, ils tracèrent des lignes au sol pour jouer à la pelote basque. Et une autre fois, Clémence inventa un parcours du combattant pour Bendicò. C’est dans ce couloir qu’elle démontra à Pierre que le fer a une mémoire : en chauffant un ressort qu’on a déplié, même après plusieurs années, il se remet en place. Pierre lui demanda si cela pouvait fonctionner en chauffant un tombeau – les souvenirs du mort remonteraient à la surface, on entendrait des voix, des rires au loin ; mais elle répondit que cela n’avait rien à voir, et il fut tellement vexé que Mamita leur grand-mère, en le trouvant deux heures plus tard près du grand escalier, déclara qu’il était « plus susceptible qu’une princesse illégitime ».
— Tu te souviens, demande Clémence, quand maman nous a installé une tyrolienne ?
— On atterrissait sur un champ de laine, la tête dans un polochon crevé.
— Même papa a essayé. Il riait tellement que j’ai cru qu’il s’étouffait.
Un linceul nuageux passe à cet instant devant le soleil, et arrache du fond de l’horizon de longues entraves roses et grises. Les ombres chinoises projetées par les créneaux sur les ravelins du rempart sud y laissent une fois disparues comme des traces de doigt.
— Papa est rentré ? demande Pierre.
— Non. J’ai essayé de l’appeler, mais son téléphone est sur répondeur. Il ne devrait plus tarder.
— Tu crois qu’ils lui ont dit non, à la chambre d’agriculture ?
— Bien sûr qu’ils lui ont dit non. Pourquoi voudrais-tu qu’ils acceptent de lui prêter de l’argent ?
— Et après, tu crois qu’il s’est bagarré ?
— Sans doute.
— Comment on va faire, Clém ?
— Il faudra trouver de l’argent ailleurs. On va se débrouiller. Maman a sûrement des idées.
Elle hausse les épaules, mais Pierre ne comprend pas ce que cela signifie.
— On devrait aller le chercher, tu crois pas ?
— Je vais voir ça avec maman, répond Clémence.
— Où est-elle ?
— La dernière fois que je l’ai vue, elle s’apprêtait à partir au Chaudron pour constater les dégâts. Figure-toi que les chevreuils ont défoncé les serres.
— Et les fraises ?
— Ils ont tout mangé, neuf kilos à peu près. Maman devait les vendre demain à Cazilhac. Le pire, c’est qu’elle a déjà payé sa place au marché. Ils ne la rembourseront pas.
« De gros traits d’eau tombent tout à coup, et entrent dans la tour carrée par la fenêtre. On entend un coup de tonnerre, puis quelques secondes après un arc électrique tranche le ciel ruisselant.
Le château est une carène craquante. Pierre sent la tour balancer de gauche à droite. Il voit les autres osciller. Les mâchicoulis roulent-boulent dans les vignes et les rosiers morts. Les éclairs pétaradent à qui mieux mieux. Le ciel sera bientôt entièrement à vif. Pierre voit les premières coulées de boue. L’atmosphère est psychotique. Le château va couler. Il va flamber. S’ouvrir. La boue se jette sur les remparts. La terre veut enterrer Léon : elle l’appelle. Les éclairs s’abattent sans discontinuer. Ce n’est plus de la pluie, mais des vagues sur les flancs. Tout craque, même si pour l’instant tout tient. Les gendarmes sont encore là, dans la nuée et l’ombre. Ils vont donner l’assaut d’une minute à l’autre !
Pierre lève les yeux et aperçoit en haut de Montahut, sur les pinacles de roche blanche, des flammes. Des flammes ! Les cyprès et les chênes verts brûlent ! Un éclair est tombé sur l’humus sec. Les langues de feu grandissent dans les arbres.
L’orage et l’incendie s’affrontent. La pluie est phénoménale. Des cascades reviennent dans les éclairs. Des torrents de boue dévalent les chemins. Au fond du temple des nuages, Pierre voit briller des arbres de lumière. Les couronnes d’orties brûlent. La pierre fond sous les crocs du chien d’ombre. En l’air, ce sont des odeurs de poivre, d’argile fraîche, de résine, de caramel, de métal, d’oisillon mort, de coquillage cramé. Pierre a reconnu l’incendie de son enfance. Les souvenirs volent autour de lui en pommes de pin enflammées.
Les gendarmes ne voient-ils pas que l’enfer descend de la colline, vers Montrafet ? N’entendent-ils pas ce grondement souterrain ? Croient-ils vraiment que leurs camionnettes suffiront à les protéger ? »
Même quand il pleut, les ouvriers viennent. Ils travaillent lentement dans des maremmes de boue. Ils ne voient pas les cordons de lavande, les ronces rouges, les bouquets de menthe à la lisière de la colline, ni la luzerne sauvage aux écouvillons violets et aux fleurs à trois doigts ; ils ne voient pas non plus les gîtes des lièvres sous les cèdres. Ou bien ils les voient, mais ils ne peuvent pas faire autrement, car eux aussi ont des maisons, des enfants, des factures à payer et des emprunts à rembourser, des souvenirs…
Dans l’enfance, Clémence et Pierre croyaient leur père immortel. Ils le croyaient vraiment, parce que Léon le leur avait répété des centaines de fois, et parce qu’il le leur avait même prouvé à deux reprises, en restant trois minutes trente sous l’eau, dans la piscine des Bertrou, et en tenant une braise dans la paume de sa main. (…)
Puis Mamita est morte. S’il avait pu, Léon lui aurait donné son immortalité, mais elle l’aurait refusée, c’est en tout cas ce qu’elle avait dit à Pierre trois jours avant de le quitter : « Tous les parents refusent l’immortalité que voudraient leur léguer leurs enfants. » Alors une pensée lui avait traversé l’esprit, dont le souvenir aujourd’hui est plus tragique que jamais : si les grands-parents peuvent mourir, les parents ne seront pas éternels longtemps.
Pour la dernière de la saison, le Meilleur des mondes enfile son jean taille basse et branche son MP3 pour vous emmener faire un tour dans "l'adolescence du web", ces années 2000 qui éveillent chez beaucoup d'internautes une forme de nostalgie. En quoi Skyblog est-il symptomatique de ce web 2.0 ?
François Saltiel s'entretient avec :
Guillaume Sire, maître de conférences en science de l'information à l'université de Toulouse Capitole, romancier
Pauline Ferrari, journaliste indépendante
"Le Meilleur des mondes", c'est notre émission hebdo sur le numérique et sa place dans la société, à l'antenne tous les vendredis de 21h à 22h, et désormais en version augmentée sur Twitch ! On vous attend sur la chaîne de 20h30 à 23h pour poser vos questions, discuter avec l'équipe et partager vos idées en direct. Suivez-nous !
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