Jacques Lambert, notaire et donc notable à Rouen pousse comme chaque vendredi à midi pile
la porte de la brasserie du Grand Veneur pour y déguster des Utah Beach, son dernier repas, car l'un de ces facétieux mollusques bivalves marins empreinte une mauvaise route et l'étouffe. La veuve se réjouit du décès de son époux, tandis que ses enfants attendent avec impatience l'ouverture du testament pour savoir lequel d'entre eux héritera de l'office notarial paternel et florissant, puisque chez les Lambert, on naît tabellion de père en fils et fille. A la grande loterie de la succession, c'est Claire qui rafle le jackpot au mépris d'un droit d'aînesse légalement aboli mais encore bien vivace dans les familles traditionnalistes. le choix de Jacques Lambert esquinte aussi et ô combien, l'image virile de la profession. Rien ne pouvait mieux semer la zizanie au sein de la fratrie en faisant remonter en surface les secrets, haines et autres lâchetés !
Un titre qui pourrait être celui d'un film de
Claude Chabrol, une intrigue qui pourrait être le thème de l'un des romans « durs » et provinciaux de
Georges Simenon, voilà qui m'a mis d'emblée l'eau à la bouche. Si j'ajoute que je follow le Monde des Séries, blog de
Pierre Sérisier, tous les ingrédients étaient réunis pour que je passe un bon moment de lecture.
L'intraitable chagrin de la bourgeoisie est un roman tonique et caustique, cruel parfois, servi par la plume leste et acide de l'auteur qui, avec talent et humour, file la métaphore comme on enfile des perles. Tout le monde en prend pour son grade, les rezosocio, la presse en général et les journaleux idolâtres en particulier, la bourgeoisie et la middle-class, la télé de caniveau, les jeux videos et les fonctionnaires... Les références cinématographiques, sériephiles, musicales, informatiques sont nombreuses. Au détriment des personnages, trop nombreuses peut-être - tout en restant cependant perspicaces et amusantes - au point de diluer l'intrigue dans d'innombrables considérations subsidiaires et de parfois lasser ou noyer le lecteur.
L'intraitable chagrin de la bourgeoisie n'en reste pas moins un bon roman qui propose une critique sociétale affûtée.