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EAN : 9782070368686
220 pages
Gallimard (18/02/2000)
3.73/5   534 notes
Résumé :
« Qu'est-ce que tu m'as fait ? Tu colles à moi comme mes dents à mes gencives. Je te vois partout, je vois ton ventre, ton sale ventre de chienne, je sens ta chaleur dans mes mains, j'ai ton odeur dans les narines. J'ai couru jusqu'ici, je ne savais pas si c'était pour te tuer ou pour te prendre de force. Maintenant, je sais. (Il la lâche brusquement.) Je ne peux pourtant pas me damner pour une putain.»
Que lire après La P... respectueuse - (suivi de) Morts sans sépultureVoir plus
Critiques, Analyses et Avis (19) Voir plus Ajouter une critique
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Combien de gens ne sont courageux qu'en l'absence de danger, ou généreux seulement quand personne n'est disponible pour recevoir leur don ? C'est bien beau de brandir des valeurs à tout bout de champ lors de conversations, mais c'est seulement dans les actes qu'on découvre vraiment ce que vaut la personne.

Sartre explore ce thème dans deux pièces de théâtre : dans « La putain respectueuse », un groupe d'hommes blancs agressent deux noirs dans le train pour le plaisir du lynchage. L'un deux parvient toutefois à s'enfuir, mais est poursuivi sous le prétexte qu'ils ont tenté de violer une femme dans un wagon. Ceci dit, la dite femme, une prostituée, contredit cette version des faits et est prête à témoigner devant un juge. L'agresseur, un fils de sénateur issu d'une grande famille de la ville, ne semble pas devoir craindre grand-chose à première vue : quand on vend son corps toute la journée, on ne doit pas faire beaucoup de difficulté pour vendre ses valeurs morales. La partie sera cependant plus serrée que prévu…

Dans « Morts sans sépulture » un groupe de résistant est capturé par les allemands. Chaque membre est torturé par des collabos pour lui faire avouer le nom de son chef de cellule. Ironie du sort, le chef en question est présent dans la même prison qu'eux, simplement arrêté pour vagabondage, et probablement libre sous peu. Devant lui, chacun s'interroge sur son propre courage, l'importance ou l'insignifiance du sacrifice qu'il est en train de faire, et quel sens lui donner.

Deux pièces qui forcent à l'introspection, avec une conclusion douloureuse : on ne connaît pas vraiment le poids de nos valeurs tant qu'elles n'auront pas été mises à l'épreuve. Beaucoup de gens mourront sans avoir à subir ce test, et c'est tant mieux pour eux. Pour les autres, leur existence se résumera sans doute à ces quelques minutes de vie qui font toute la différence entre un héros et un salaud.
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Pièces de Jean-Paul Sartre.

La P... respectueuse - Lizzie Mac Cay est une prostituée qui a subi des violences de la part du neveu d'un sénateur et de ses amis. Un Nègre en cavale lui demande sa protection. Il est poursuivi pour le crime qu'a subi Lizzie et il lui demande de rétablir la vérité quand la police et la famille du sénateur Clarke l'interrogeront. Mais ces derniers tentent d'arracher à Lizzie une fausse déposition. Pour eux, une prostituée voire une femme vaut à peine mieux qu'un noir et la seule façon qu'elle a de gagner un peu d'estime est de vendre un être plus pitoyable qu'elle. La brusquerie et la vulgarité dont tous font preuve à l'égard de Lizzie et du Nègre finissent par avoir raison des résolutions de la prostituée, qui finit par accepter que soient achetés son mensonge et son silence. Fred, le neveu du sénateur, ne peut se défaire de l'attirance qu'il éprouve pour elle même s'il la déteste de l'avoir ainsi attaché : "Qu'est-ce que tu m'as fait ? Tu colles à moi comme mes dents à mes gencives. Je te vois partout, je vois ton ventre, ton sale ventre de chienne, je sens ta chaleur dans mes mains, j'ai ton odeur dans les narines. J'ai couru jusqu'ici, je ne savais pas si c'était pour te tuer ou pour te prendre de force. Maintenant, je sais. (Il la lâche brusquement.) Je ne peux pourtant pas me damner pour une putain."

Jean-Paul Sartre a écrit cette pièce très peu de temps après la Seconde Guerre Mondiale. La haine raciale est alors une composante affligeante de la société américaine. La puissance du langage et les annotations scéniques font de cette pièce un concentré de haine et de violence, mais aussi d'émotion et de révolte. le dégoût qu'éprouve Fred au sujet des Noirs et de la prostitution s'exprime par un dégoût des odeurs: ça pue le nègre et ça pue le vice.

J'ai toujours été interloquée par le titre et les points qui remplacent le mot complet. Censure de la part de l'éditeur peut-être, mais il me semble que c'est aussi une façon de montrer que la personne au-delà du mot qui la désigne est innommable. La juxtaposition du mot "putain", lourd d'opprobe et de sous-entendus négatifs, avec le qualitatif "respectueuse" est un des plus bels oxymores de la littérature. Inutile d'en dire davantage, le titre se vend tout seul et les trois points en disent beaucoup.

Morts sans sépulture - Lucie, Henri, François, Sorbier, Canoris ont été arrêtés par la milice en raison de leurs activités au sein de la Résistance. Ils attendent qu'on vienne les chercher, terrifiés par les séances de torture à venir, les séances où on leur demandera où est leur chef, Jean. Mais Jean est pris à son tour. Ils sont alors six à se regarder dans ce grenier, à se dire des vérités. Pire que les souffrances infligées par leurs geoliers, la présence des autres devient insupportable pour chacun.

Terrible confrontation! Les bourreaux ne sont pas les miliciens qui ne sont que de falots personnages. Ce sont les alliés qui se détruisent les uns les autres. Déchirés par le poids de leur secret, ils tentent de défendre leurs idéaux jusqu'au bout, jusqu'à l'agonie. Chacun résiste différemment à la torture :du plus vieux qui ne crie pas au plus jeune qui sait qu'il craquera en passant par la femme qui ressort souillée, les victimes deviennent coupables et assassines.

Loin des images héroïques des résistants, Jean-Paul Sartre sert des personnages torturés au plus profond de leur être, des êtres faibles et faillibles, des hommes en somme, des hommes à qui l'impossible ne peut pas être demandé, des hommes qui, très humainement, tentent de sauver la vie encore un peu avant de renoncer.

Je n'aime Sartre qu'en dramaturge, ses romans ne me touchent pas. Mais ses pièces! Je n'ai jamais eu la chance de voir ces pièces sur scène, mais je ne doute pas que les représentations doivent être à la limite du soutenable.
Lien : http://lililectrice.canalblo..
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La p... respectueuse ou pour les grossiers (comme moi eheh normalement chutttt)
La pute respectueuse ou la putain respectueuse

Un bijou a ne pas passer devant de Sartre !
C'est certe un sujet tabou entre un nègre (la manière pour Sartre bien évidemment de dire les noirs) et une prostituée dans les années 70 !
Je l'avais commencer à le lire avec mon professeur de français mais on prenait trop de temps à le lire que je lui ai demandé si je pouvais pas lui emprunter ahah ! Car il sait que j'adore lire et qu'il peut me faire confiance :)
Quelle histoire incroyable j'ai vraiment cru que...
Lisy allait tirer sur Fred à la fin ! Tellement que c'est fort en émotion et de suspecs...
J'en dis pas plus !
Vive Sartre finalement ! :)

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La P....respectueuse , la pièce théatrale de Jean-Paul Sarte ( Poulou pour Simone
Beauvoir ) est une lecture qui ne m ' a pas ni marqué ni attiré Les pièces de théatre
dans un livre, généralement, ne m 'interessent pas tellement .Je suis réfractaire à ce
genre de littérature .Une pièce de théatre se joue dans une salle de théatre .Car on
voit les acteurs évoluer devant nous .Dans la pièce : on voit et écoute les acteurs, on tient compte du jeu des comédiens, l 'importance des costumes, du décor, ,
l 'éclairage, les accessoires etc....Donc , je ne peux donner un avis sur cette pièce .
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Quelle force d'écriture dans cette courte piéce de Jean-Paul Sartre, écrite en 1947, et composée d'un seul acte divisé en deux tableaux.

Tout tourne autour de Lizzie, prostituée, qui ne veut pas avoir à faire à la police, et qui ne veut dénoner personne, même pas un noir.

Même pas un noir, car nous sommes dans le sud des Etats-Unis, où les blancs ont tous les droits, et les noirs aucun.

Le rideau s'ouvre. Lizzie est avec un client avec qui elle a passé la nuit. Il entreprend de la manipuler pour obtenir d'elle une fausse déclaration à remettre au juge, afin de protéger un Blanc de la Haute société, qui a tué un noir dans un train, la veille au soir. Un train dans lequel elle était. Elle comprend alors pourquoi Fred a choisi de passer la nuit avec elle.
Fred, d'autres hommes, puis le sénateur entreprennent à tour de rôle de la manipuler. Mais, même si on peut acheter son corps, Lizzie ne veut pas vendre sa conscience. Doù le titre de la pièce, composé d'un oxymore. Où on peut être une putain et être respectueuse.

Mais les belles paroles et la manipulation vont prendre le dessus, et on assiste aux réflexion de Lizzie sur l'unité des Blancs contre les noirs.

Cette pièce dresse un tableau sombre de la société raciste et inégalitaire du sud des Etats-Unis, qui explique le combat mené par les défenseurs de la cause noire, pour obtenir l'égalité des droits.
Une belle pièce de Sartre, très forte, qui utilise tous les registres de langage pour montrer la force de la parole, qui se met en spectacle. Une pièce qui dénonce, qui provoque, qui révèle. A lire et à faire lire.
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Citations et extraits (32) Voir plus Ajouter une citation
# Morts sans sépulture

HENRI, doucement.

Lucie ! Est-ce que nous parlions beaucoup de nos morts? Nous n’avions pas le temps de les enterrer, même dans nos cœurs. (Un temps.) Non. Je ne manque nulle part, je ne laisse pas de vide. Les métros sont bondés, les restaurants combles, les têtes bourrées à craquer de petits soucis. J'ai glissé hors du monde et il est resté plein. Comme un œuf. Il faut croire que je n’étais pas indispensable. (Un temps.) J'aurais voulu être indispensable. À quelque chose ou à quelqu’un. (Un temps.) À propos, Lucie, je t'aimais. Je te le dis à présent parce que ça n'a plus d'importance.

LUCIE

Non. Ça n'a plus d'importance.
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# La P… respectueuse

LIZZIE, d’une voix étranglée.

Sénateur !

LE SÉNATEUR

Mon enfant ?

LIZZIE

Je regrette.

LE SÉNATEUR

Qu’y a-t-il à regretter, puisque vous avez dit la vérité ?

LIZZIE

Je regrette que ce soit… cette vérité-là.
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LE SENATEUR
- Lizzie, ce nègre que tu protèges, à quoi sert-il ? Il est né au hasard, Dieu sait où. Je l'ai nourri et lui, que fait-il pour moi en retour ? Rien du tout, il traîne, il chaparde, il chante, il s'achète des complets rose et vert. C'est mon fils et je l'aime à l'égal de mes autres fils. Mais je te le demande : est-ce qu'il mène une vie d'homme ? Je ne m'apercevrai même pas de sa mort.
LIZZIE
- Ce que vous parlez bien.
LE SENATEUR
- L'autre au contraire, ce Thomas, il a tué un noir, c'est très mal. Mais j'ai besoin de lui. C'est un Américain cent pour cent, le descendant d'une de nos plus vieilles familles, il a fait ses études à Harvard, il est officier - il me faut des officiers - il emploie deux mille ouvriers dans son usine - deux mille chômeurs s'il venait à mourir - c'est un chef, un solide rempart contre le communisme, le syndicalisme et les Juifs. Il a le devoir de vivre et toi tu as le devoir de lui conserver la vie. C'est tout. A présent, choisis. (p. 55)
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Henri, doucement.
Lucie ! Est-ce que nous parlions beaucoup de nos morts ? Nous n'avions pas le temps de les enterrer, même dans nos coeurs. (Un temps.) Non, je ne manque nulle part, je ne laisse pas de vide. Les métros sont bondés, les restaurants combles, les têtes bourrées à craquer de petits soucis. J'ai glissé hors du monde et il est resté plein. Comme un oeuf. Il faut croire que je n'étais pas indispensable. (Un temps.) J'aurais voulu être indispensable. A quelque chose ou à quelqu'un. (Un temps.) A propos, Lucie, je t'aimais. Je te le dis à présent parce que ça n'a plus d'importance.

Lucie
Non. Ca n'a plus d'importance.
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JEAN, avec violence
Ne riez pas. (Ils cessent de rire et regardent Jean.) Je sais : vous pouvez rire, vous. Vous avez le droit de rire. Et puis, je n'ai plus d'ordres à vous donner. (Un temps.) Si vous m'aviez dit qu'un jour vous m'intimideriez... (Un temps.) Mais comment pouvez-vous être gais ?

HENRI
On s'arrange

JEAN
Bien sûr. Et vous souffres pour votre compte. C'est ça qui donne une bonne conscience. J'ai été marié ; je ne vous l'ai pas dit. Ma femme est morte en couches. Je me promenais dans le vestibule de la clinique et je savais qu'elle allait mourir. C'est pareil, tout est pareil ! J'aurais voulu l'aider, je ne pouvais pas. Je marchais, je tendais l'oreille pour entendre ses cris. Elle ne criait pas. Elle avait le beau rôle. Vous aussi.
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