« Il s'appelle Vermont Washington. Si son patronyme est symbole de liberté pour l'Amérique, il ne l'est pas pour lui, jeune afro-africain. Il habite à Los Angeles, dans le quartier de Watts, célèbre pour les émeutes survenues, en août 1965, à la suite du 100è anniversaire de l'abolition de l'esclavage aux États-Unis.
Son quotidien, et celui de sa famille, n'est fait que d'injustices, de restrictions, de discriminations et d'humiliations. Ils sont victimes du racisme ordinaire, qui sévit encore en ces années soixante, où le Ku Klux Klan, vestige insupportable de l'esclavage, n'en finit pas de mourir. Une haine omniprésente perçue à travers le travail, l'éducation, les lieux publics… Même les forces de l'ordre soudoyées participent à cette discrimination générale. C'est donc avec le Black Panther Party, mouvement révolutionnaire afro-américain dont il est membre, que Vermont Washington entend lutter, entouré de ses amis (Noirs), pour leurs droits à l'égalité » (synopsis éditeur).
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J'ai eu l'impression d'entrer à pas feutrés dans cet album. On y est accueilli par un homme qui, de bon matin, se réveille et observe silencieusement sa fille qui dort au pied de son lit. Les illustrations de Guillaume Martinez détaillent minutieusement un intérieur que l'on sent modeste, on sent que le quotidien n'est pas simple, mais cet enfant endormi a des vertus apaisantes. Sur les planches réalisées à l'encre de Chine, la voix-off du héros raisonne dans cette ambiance calfeutrée. Il témoigne de sa propre histoire. D'une voix posée pour ne pas brusquer le lecteur ni réveiller sa fille, il raconte :
« Je m'appelle Vermont. Vermont Washington. Mon nom est le symbole de toute une nation : le Vermont est le premier état à avoir rejoint l'Union des 13 États fondateurs et Washington est le premier Président des États-Unis d'Amérique, celui qui participa à la rédaction de cette constitution « respectueuse » des Droits de l'Homme et du Citoyen ».
Des symboles, sa famille en connait de père en fils. Son nom, il le tient de son grand-père : Vermont Washington. Ce dernier a appelé son fils Jefferson, du nom d'un autre Président américain. le grand-père a été assassiné par le Ku Klux Klan. Ce drame a décidé la famille Washington à fuit vers le Nord ; elle s'est installée à Los Angeles jusqu'aux émeutes de 1965 puis a repris la route jusque Detroit. Vermont, personnage fictif, y a grandi dans un climat d'insécurité. Car là aussi, chez les Blancs d'Amérique du Nord, les mentalités ont du mal à évoluer. Les Noirs sont quotidiennement confrontés à l'intolérance et à la ségrégation raciale. A cette époque, l'ascenseur social ne leur est pas accessible. Travail à la petite semaine, fins de mois difficiles… alcoolisme, précarité, accès aux soins impossible… A juste titre, Benoit Cassel insiste – dans sa chronique en ligne sur Planete BD – sur la justesse du scénario de
Sylvain Ricard : « En habile scénariste, rompu aux causes sociales qu'il a pris l'habitude d'évoquer (les prisons, les violences faites aux femmes, l'euthanasie…), Ricard prend soin de ne pas stigmatiser son propos ». La colonne vertébrale du scénario de
Sylvain Ricard est le Ten Point Plan rédigé en 1966. En respectant fidèlement leur énumération, l'auteur aborde ainsi les questions de la liberté, de l'employabilité, de l'anticapitalisme, du droit au logement et de celui à l'éducation
Point par point,
Sylvain Ricard décortique son sujet sans misérabilisme et démontre que la lente évolution des mentalités fait barrage à ces principes fondamentaux et bafoue ces droits. Pourtant, si on ressent la volonté du scénariste de faire monter la tension à chaque chapitre, il me semble que la colère du personnage s'étouffe dans sa propre obstination à défendre la cause du Black Panther Party.
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