« Au fil des années, alors que diminuaient sensiblement les distances à parcourir, un certain malaise a gagné les cabines. La traçabilité de leur présence et de leur parcours, par la géolocalisation de leurs camions hyper-connectés, étouffe de plus en plus les
routiers, déjà privés de leurs escapades internationales. Ils se croyaient libres ; ils ne le sont plus vraiment. Ils se sentent traqués, fliqués, comme avec un bracelet électronique. En liberté surveillée. Patrons et clients les pistent, suivent leur progression, notent sur-le-champ le moindre écart inexplicable ou imprévu, exigeant une explication immédiate, solide et convaincante. Une multitude de sociétés et d'applications se disputent d'ailleurs ce marché de la traçabilité. »
J'ai eu envie d'en savoir plus sur l'évolution du monde du transport routier. Je me doutais bien que beaucoup de changements étaient intervenus depuis les années 1970, décennie pendant laquelle officiait sur les ondes de RTL un certain
Max Meynier avec son émission mythique « Les
routiers sont sympas ». Son audience dépassait de beaucoup le public visé en priorité et était devenue une sorte de phénomène de société.
J'ai été plutôt horrifié par ce que j'ai lu dans cet essai… Soumis à une concurrence totalement déloyale, les transporteurs opérant en France, avec des règles de droit françaises, ne parviennent que difficilement à se maintenir… Et de toute façon les grandes contraintes qu'ils subissent ont amené une grande crise du recrutement dans ce secteur. Être routier ne fait plus rêver. A noter aussi le faible taux de féminisation de ce métier, alors que les techniques d'aujourd'hui ne nécessitent plus l'usage d'une force physique importante.
Jean-Claude Raspiengeas, un journaliste dont j'apprécie le ton mesuré et la force de conviction, notamment pendant ses participations à l'émission de France-Inter « le masque et la plume », ne noircit pas le tableau, il est vrai déjà bien sombre. Son état des lieux décrit un monde impitoyable où le simple respect humain est devenu une denrée bien rare. Comme dans tant d'autres secteurs de notre société, serais-je tenté d'ajouter.
Il dresse quatre portraits de conducteurs et conductrices, deux hommes et deux femmes, des personnes attachantes qu'il suit pendant quelques jours. Il aborde aussi tous les aspects du « folklore »
routier, son histoire. Et pour l'avenir, les pistes sont ouvertes.
Il est certain que le transport routier, en forte croissance tant les besoins sont devenus immenses (e-commerce, commerce à flux tendu), ne sera pas détrôné par le ferroutage en revanche en grande perte de vitesse. Les constructeurs travaillent beaucoup sur des transports autonomes ou semi-autonomes, à l'image de ce convoi dont seul le camion de tête est occupé par un chauffeur, qui pilote aussi les autres véhicules qui le suivent de près.
Si vous vous intéressez au sujet, même seulement un peu comme moi, ce livre passionnant et sans concessions est à connaître.