Le mystère se levait autour d'eux, surgissait lentement dans les ombres de la nuit développées par les arbres géants. On était bien loin des villes, des basiliques et des palais. A quoi pouvait donc leur être utile leur foi déjà presque morte, étouffée par la superstition, toutes les anciennes croyances aux dieux de la Gaule ? Les eulogies, la charité chrétienne suffisaient-elles à nourrir les pauvres, alors que des guerres perpétuelles ensanglantaient les cités et les champs ? [L]es princes francs ne songeaient qu'à leurs querelles et ils avaient assez de s'occuper de leurs propres défense. A quoi leur servirait, maintenant qu'ils se connaissaient quatre rois, leurs prières pleurardes sur les parvis des églises, dans les cours des monastères ? Deviendraient-ils rois ou dieux à leur tour ? Non, rien ne leur arrivait de bon ! Alors que des miracles s'accomplissaient pour les grands de la terre, jamais ils n'obtenaient la guérison de la moindre plaie ? Et quand les riches abbayes se fermaient à l'heure du repos on les chassait parce qu'ils ne se retenaient point de voler des fruits au verger, un agneau à l'étable. Mendiants ou malfaiteurs, cela devenait tout un durant ces temps de famine, et on parlait de certains faux moines qui logeaient à l'ombre des tombeaux des martyrs pour en soustraire les ornements sous prétexte de baiser pieusement les reliques. Ils seraient toujours confondus avec les criminels tôt ou tard. Mieux valait se recommander à tous les dieux qu'à un seul saint.
Elle était bien là, en squelette vivant, debout entre les joies de la terre, les basses joies que l'on sait définir et cette lumière d'or, trop infinie, trop impondérable pour arriver à les toucher dans leur chair, émouvoir leurs sens grossiers. Elle se montrait, ombre hurlante de ce qui fut une femme heureuse, revenante des extases célestes, fantôme développant son linceul afin de les effrayer, de les avertir, de leur crier de sa bouche édentée, de ses yeux brillants, de tout son cœur pourri suintant sur sa peau huileuse de reptile des cloîtres : Regardez-moi ! j'étais une femme d'église et je survis à mes croyances qui m'ont rongé le sein !...
- La guerre... c'est l'amour, Harog ! Je voudrais voir couler du sang le long des murs, des ruisseaux de sang. Et tous les deux nous serions sur de beaux chevaux blancs dont les poitrails et les croupes se couvriraient de grandes lunes rouges. Du sang... des flammes, de belles flammes avec des enfants au milieu qui se tordent en appelant leur mère. (Elle sourit, plus doucement moqueuse.) L'amour c'est la guerre, petit berger ! J'ai rêvé de toi une nuit de printemps toute pareille, Harog. Tu m'enveloppais de la peau du loup féroce que tu as égorgé le jour de Noël, et tout mon corps blanc devenait écarlate. J'ai rêvé de toi...
La fille s'y cachait dans le seul vêtement de ses cheveux roux, une chevelure embrouillée, souillée, allongée de fétus et de feuilles pourries qu'elle devait avoir laissé traîner dans tous les fumiers des écuries extérieures. Elle paraissait morte, tellement son corps se tendait immobile sous le mince manteau. On ne lui voyait ni face ni main ; rien que deux pieds dépassant cette queue de vache furieuse, étalée comme un défi.
Ce n'était ni [un] chant guerrier franc, d'allure dansante, ni [un] cantique latin évoquant à la fois les douleurs de la vie et les peines éternelles, mais bien un fragment d'un ancien bardit gaulois, l'un des premiers hymnes druidiques constatant joyeusement l'immuable fatalité. On naissait, on mangeait, on buvait et on mourait. Fils de la terre on rentrait dans le sein maternel, lui rapportant fidèlement tout ce qu'on en avait reçu.
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