C'est parce que j'avais lu et apprécié en 2021
LES GENS DANS L'ENVELOPPE d'
Isabelle MONNIN (roman, enquête et chansons) créé à partir d'une enveloppe de photos de famille trouvée en brocante par l'auteure que je n'ai pas hésité un instant quand j'ai découvert
l'ALBUM DE FAMILLE (publié en 1994) de
Suzanne PROU (auteure, dois-je l'avouer, que je ne connaissais pas) qui utilise le même prétexte : la découverte d'un album de photos de famille sur une brocante pour inventer une vie à des personnes inconnues immortalisées par l'objectif !
Un prétexte d'écriture qui paraît facile à première vue mais qui est loin de l'être ! Il fallait donc toute l'imagination et tout le talent narratif et stylistique de
Suzanne PROU (décédée en 1995 à 75 ans) pour parvenir, en si peu de pages (136), à nous embarquer, nous lecteurs, dans l'histoire improbable de cette famille bourgeoise plongée dans un contexte historique sensible de l'avant-guerre de 1914-1918.
Par les descriptions précises des lieux représentés, des costumes portés par les protagonistes et des moeurs de l'époque (notamment les relations hommes/femmes ; les bals où les jeunes filles de bonnes familles allaient à la quête d'un mari ; le rapport au pouvoir et à l'argent ; les liens intergénérationnels, etc.), les lecteurs que nous sommes sont plongés dans un espace-temps suranné mais qui conserve tout son charme, mais aussi ses lumières et ses ombres.
Certes, il s'agit-là de l'histoire inventée d'une famille aisée, vivant à Aix-en-Provence (là où est née l'auteure). C'est sans doute plus facile d'imaginer et d'extrapoler tant ce milieu bourgeois est sans doute connu de l'auteure, mais aussi a été à la source de nombreux écrits et documentations. Trouver un album photos d'une famille d'ouvriers du XXe siècle, dans le nord de la France n'aurait sans doute pas permis d'imprégner au récit le même vernis ni le même glamour de nature à transporter.
Pour moi, créer une fiction à la fois biographique et romanesque, à partir de photos dont on ne sait rien est un vrai exercice de style, surtout lorsque l'objectif est atteint : on y croit vraiment ! On s'attache vraiment à ces personnages de papier glacé confrontés, malgré leur position socialement favorable, aux aléas de la vie !
Dans un style concis mais en même temps percutant,
Suzanne PROU parvient à donner vies à ces personnes, figées dans l'éternité, dont elle ne sait rien tout en nous replaçant dans une époque dont les jeunes générations ne savent plus grand chose.
Moi, je dis : "chapeau l'artiste !".
Et puis, en refermant le livre, on ne peut s'empêcher de se rapprocher de nos propres albums photos familiaux et de se dire, dans cent ans, deux cents ans, quel regard porteraient des personnes inconnues sur mes photos ? D'où la nécessité de laisser des traces explicites tant pour sa descendance que pour la postérité collective.