Quand un espace se mêle au pouvoir, il devient un territoire.
Quand un garçon se piquait de parler de littérature à une fille, la coucherie n’était pas loin.
Demander à une personne âgée comment elle se porte, c’était le tunnel assuré.
Le syndrome de Stendhal, c’est le trouble physique et psychologique que peut provoquer une œuvre d’art, Henry.
Parfois ne pas dire la vérité suffit. […] Parfois plusieurs vérités coexistent.
Il y a celui que nous sommes et celui que nous nous rêvons être, et les deux coïncident si peu que le second empêche toujours le premier de jouir de qui il est.
(p.161-162)
Il ne s'était pas remarié après la mort de Lotte et, pendant toutes ces années, il avait tiré une certaine fierté de son statut de veuf inconsolable. Mais il n'était pas de bois. Il avait soupiré et s'était rangé à la vie d'Henry. Le docteur avait dit de ne plus porter de choses lourdes ; une fille illégitime cachée lui aurait trop pesé.
(p.110)
Pourtant, à dix-neuf ans, les épreuves sont à l'amour ce que le vent est au feu, elles éteignent le petit et allument le grand.
Martha versa le chocolat, brun, épais, brûlant. Puis elle montra comment il fallait prendre un peu de crème fouettée avec la cuillère en argent et la tremper dans le chocolat.
Isidore porta ce délice à ses lèvres, ses yeux brillaient de plaisir. La chaleur l'emporta sur les premières sensations, le goût métallique de la cuillère lui sembla irréel, puis vint l'onctuosité de la crème qui fondait son palais, et la douceur se mêlant à l'amertume. S'il avait osé, il aurait ri de gourmandise mais I'instant était solennel, et il avait peur d'en renverser et de faire une tache sur son ruban bleu. L'air au-dessus de sa tasse lui sembla plus léger. La cuillère récolta à nouveau un petit nuage alvéolé plus délicat qu'une plume avant de plonger dans le lac brillant et sombre qui l'attendait. C'était une boue merveilleuse et sucrée qui lui coulait dans la gorge et une impression générale de temps suspendu se grava en lui, le tintement des verres et des tasses alentour, le bruissement indistinct des clients attablés et le regard empli de douceur de sa mère qui contrastait tant avec celui des jours ordinaires où elle lui apparaissait comme une femme fatiguée. Martha observait son fils de toute son âme, elle voulait inscrire cet instant de délectation pure dans I'immense édifice de ses souvenirs, comme on l'aurait fait d'un baiser, un baiser de chocolat et une envie de se lécher les doigts.
Il y a celui que nous sommes et celui que nous nous rêvons d'être, et les deux coïncident si peu que le second empêche toujours le premier de jouir de qui il est.