Citations sur Dans la maison de mon père (13)
La cité la plus majestueuse d'Europe porte un masque.
Si je survivais à la guerre, ai-je résolu, j’emprunterais de nouvelles voies. Je retournerais à l’université achever les études que j’avais abandonnées vers vingt ans. Je me mettrais fin à ce que j’appelais ma dépendance aux barbituriques. J’écrirais autrement. Je serais moi-même.
J'ai parfois lu que le mouvement national-socialiste était une fraternité. En réalité, c'était une meute haineuse menée par des psychopathes et autres mauvaises gens, montrant autant de loyauté que ces grenouilles venimeuses qui se nourrissent de leurs propres fratries après avoir dévoré tout le reste. Le plus glaçant, c'est le nombre de personnes qui se sont laissé entraîner dans cette voie de leur plein grès. « Se sont laissé entraîner », en réalité, n'est pas une expression suffisamment active. Ont accepté avec un certain enthousiasme de suivre cette voie.
Quant à moi, à l'époque, je considérais que tous les systèmes politiques étaient à peu près équivalents, différentes formes de folie, du babillage de singe destiné à maintenir les primates moins évolués au rang inférieur qui était le leur. Honteuse stupidité de ma part. J'en suis venu à considérer que la neutralité est le pire des extrémismes; sans elle, nulle tyrannie ne peut s'épanouir.
La bêtise a ses ruses, sinon elle aurait depuis longtemps disparu. La connerie est un requin : elle survit à tout.
Pour moi, Rome est une palette de peintre, un clair-obscur de roses lustrés, de cuivre vieilli, de brou de noix, de miel, d'ivoire, de moka. C'est aussi une musique, un sonate pour piano. Je ne peux écouter Clementi sans voir ma cité d'adoption bien-aimée et être transpercé par la lance du désir.
Je ne l'avais jamais entendu crier [Le pape Pie XII]. J'étais sous le choc. Il ne s'était pas contenté d'élever la voix, il avait rugi, presque un hurlement, et tous les objets en verre ont vibré. Le recteur a baissé la tête, le jeune sœur était terrifiée. Le Saint-Père s'est essuyé la bouche avec un mouchoir.
« Avez-vous l'intention de tout gâcher ? Répondez quand nous nous adressons à vous.
- Très Saint-Père...
- Souhaitez-vous que notre Vatican, où reposent les ossements de notre plus grand pontife, un saint qui connu Jésus en personne un homme qui assista à la Transfiguration, soit dévasté par le feu et les gaz empoisonnés ? Que les bottes des soldats piétinent les tombeaux des martyrs ? Que deux mille ans de règne du Christ soient détruits en une seule nuit dans des tempêtes de flammes ?
Il souffle la bougie.
Au lit.
Mais il a du mal à dormir cette nuit. Difficile de savoir pourquoi.
Ce n’est pas vraiment de l’anxiété. Pas non plus de l’insomnie. Ce n’est pas la cloche solitaire de l’église qui sonne les heures dans la nuit, ni le silence qui s’ensuit, l’attente. Une sorte de malaise qu’il ne peut nommer a pénétré en lui telle une écharde.
Obscurité.
Glapissement de renard.
Trois heures du matin à Rome.
Un homme dans un confessionnal dit : « Vous ne me faites pas peur, Hauptmann. »
Silence après la cloche.
Le désespoir paré de ses diamants de glace et de chagrin, de ses robes de brume scintillante. Dans ses yeux, l’étrange lumière qui attire les navires vers les brisants ; dans son deuil, dix mille chœurs.
Souvent, quand nous nous retrouvions parmi les fantômes et les statues mortes, la Méfiance prenait place à nos côtés à cette longue table de chêne. Une visiteuse difficile à mettre dehors. Elle réussit à vous convaincre qu'elle est votre amie.