Cela faisait un moment que je me promettais de lire
Colin Niel, notamment sa série policière guyanaise... J'ai été bien déstabilisée pendant une bonne partie de ma lecture de "
Seules les bêtes", que je pensais être un de ses opus. Je n'ai pas lu le résumé au dos, et admettez que la couverture évoque davantage une ambiance tropicale que celle d'un village reculé du Massif central. C'est pourtant bien là que je me suis retrouvée, sur un causse parcimonieusement peuplé d'éleveurs taiseux, subissant hivers impitoyables, isolement et endettement...
Ça commence comme un roman policier, avec la disparition de la riche épouse d'un enfant du pays, revenu s'y installer après avoir fait fortune à Paris. Faute de cadavre et d'indices laissant soupçonner le contraire, les enquêteurs concluent à une imprudence de randonneuse : elle ne serait pas la première victime du brutal et invincible vent d'hiver qu'on nomme ici "la tourmente".
Cet événement n'est qu'un prétexte à l'auteur pour nous livrer, au fil d'une narration polyphonique portée par cinq personnages, la chronique d'existences plombées par la solitude, et des drames vers lesquels les entraînent leurs tentatives parfois désespérées pour y échapper.
Nous suivons ainsi Alice, assistante sociale en milieu rural, qui visite "ses" agriculteurs, gère leur paperasse, s'enquiert de la santé du bétail ou des tracas domestiques, qui surtout représente souvent la seule visiteuse régulière de ces hommes livrés à eux-mêmes, devenus oublieux des codes sociaux.
L'un d'entre eux, Joseph, prend ensuite la parole, dit la solitude subie plus que choisie, avec la désertification paysanne, les années qui défilent, trop investies dans l'exploitation pour qu'il ait eu le temps ou l'opportunité de rencontrer quelqu'un avec qui partager sa vie...
Puis c'est au tour de Maribé, d'Armand, de Michel enfin, le mari d'Alice, qui tisse le dernier fil de la trame des événements improbables à l'origine de la disparition d'Evelyne Ducat.
Mais comme évoqué ci-dessus, peu importe la résolution de l'énigme, la grande force de "
Seules les bêtes", outre sa construction parfaitement maîtrisée et l'énergie de son écriture, résidant dans la singularité dont
Colin Niel dote les portraits de ses personnages, leur attribuant un ton particulier et une personnalité complexe, propres à nous attacher à chacun d'entre eux, malgré leurs travers ou leurs lâchetés. Car c'est avant tout avec beaucoup d'humanité qu'il se penche sur les blessures secrètes de ces êtres en quête d'amour.
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