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°°° Rentrée littéraire 2023 # 10 °°°

Bird, douze ans, vit seul avec son père depuis que sa mère a disparu, du jour au lendemain, sans laisser d'explication. Après avoir reçu un message sibyllin, il part en quête de sa mère, une poétesse classée POA ( personne d'origine asiatique ), éprise de liberté, considérée par les autorités américaines comme séditieuse.

Dans une très belle première partie, Celeste Ng présente le duo père-fils et pose le décor d'une Amérique vivant sous les lois draconiennes liberticides d'un régime autoritaire qui a pris le pouvoir après la Crise, une crise économique désastreuse qui a essoré une population désormais prête à accepter le PACT. La Preserving American Culture and Traditions Act ( = Loi sur la sauvegarde de la culture et des traditions américaines ) punit très sévèrement tous ceux ayant des valeurs ou comportements jugés antiaméricains, plus particulièrement les habitants d'origine asiatique, boucs émissaires depuis que la Chine étant considérée comme responsable de la Crise.

Le roman tourne autour du genre dystopie sans toutefois en être réellement une. de nombreux événements racontés se sont déjà produits ou sont à peine déguisés. Comme une parabole de l'histoire américaine, on retrouve des références à l'esclavage, à la Grande Dépression, à l'assimilation forcé d'enfants autochtones, au racisme et discriminations antiasiatiques durant la Deuxième guerre mondiale, à la pandémie COVID ou encore au maccarthysme, à la généralisation de la paranoïa et de la délation pendant la guerre froide.

Tout dans le cadre politico-social s'enracine consciencieusement dans les crises d'hier et d'aujourd'hui. La présentation du contexte est très habile, jamais lourdement didactique mais distillée en plusieurs temps, permettant au lecteur d'en comprendre puis mesurer les enjeux.

Au final, l'Amérique dystopique de Celeste Ng est bien plus douce que celle de la Servante écarlate, de Fahrenheit 451 ou 1984. Ce récit, très proche de la réalité, n'en devient que plus crédible, inconfortable et poignant, d'autant que la narration de l'autrice est étonnamment calme et posée. Lorsque les ( quelques ) scènes de violence font irruption dans ce monde inquiétant, elles terrifient le lecteur qui n'a d'yeux que pour Bird et son voyage initiatique entre épreuves, erreurs, exploits qui le conduiront vers la perte de l'innocence lorsque les yeux se dessillent.

En fait, plus qu'une classique dystopie, ce magnifique roman est avant tout une méditation sur le pouvoir des livres et des mots dans un monde où règne la censure et où les livres, retirés des rayons, ne sont pas brûlés en autodafé mais réduit en pâte pour faire du papier toilette. La résistance s'organise autour des livres, avec la poésie en étendard. Celeste Ng rend ainsi un très bel hommage à la poétesse russe Anna Akhmatova ( plusieurs fois citée ), dont l'oeuvre fut interdite au début de l'URSS. Elle écrivait la nuit, ne disait ses vers qu'à quelques amis qui les apprenaient par coeur pour qu'elle puisse ensuite détruire toute trace compromettante.

J'ai été profondément touchée par la beauté des images évoquant cette résistance livresque et le pouvoir rédempteur des mots. Nos coeurs disparus n'est pas un pamphlet politique mais un roman bouleversant. La dernière partie est vibrante, lumineuse malgré les tonalités sombres qui l'assaillent. Oui la poésie peut changer les coeurs, les esprits, l'histoire, surtout lorsqu'elle se meut par la seule force de l'amour maternel et se mue en héritage pour permettre à un enfant de décider qui il est et qui il sera.

« Je te promets que je reviendrai, lui a-t-elle dit, même s'il se rend compte à présent qu'elle n'a pas précisé quand. Seulement qu'elle reviendrait. Et il continue à y croire. Elle reviendra. Un jour, d'une façon ou d'une autre. Sous une forme ou une autre. Il la trouvera, s'il cherche suffisamment. Des choses étranges peuvent se produire. Elle peut très bien être là, quelque part, sous une forme différente, comme dans les contes : déguisés en oiseau, en fleur, en arbre. S'ils cherchent vraiment bien, ils la trouveront. Et tout en pensant ça, il a justement l'impression de la voir ; dans le bouleau dont les feuilles pleuvent doucement sur eux, dans le faucon qui tournoie dans le ciel en lançant son cri strident et mélancolique. Dans le soleil qui commence juste à percer à travers les arbres, colorant tout d'une pâle lueur dorée. »

Un livre plein de grâce malgré ses tonalités sombres, qui une fois refermée voyage longtemps dans la tête.
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C'est ce genre de livre qui vient longtemps vous hanter.
Qui met en valeur une réalité à venir si nous ne prenons garde, les prémisses étant déjà là.
Mais qui exprime aussi une sorte d'espoir par la poésie, un message fondamental, profondément humaniste, que nous ressentons au plus profond de nous mais sur lequel nous n'arrivons pas à mettre le doigt, à exprimer le ressenti, et que les mots de Céleste Ng cristallisent ici l'espace d'un instant, juste au moment où nous les lisons.
Ce genre de livre qui fait réfléchir aussi à toutes ces personnes dans le monde dont la défense d'une noble cause au service de l'Humanité, pour rendre la société meilleure, les contraint à devoir sacrifier leur propre vie, tant professionnelle que familiale. A s'oublier, à fuir, à errer, à y croire envers et contre tout. Surtout lorsque cette cause se sert de moyens pacifiques qui semblent à première vue dérisoires et si fragiles face aux dents acérées et impitoyables de l'énorme machine qu'est le système en place.

Oui, c'est ce genre de livre. Dystopique certes, mais pas seulement noir pour être noir. Un noir porteur de lumière pour peu qu'on prenne du recul. Un soulage-ment.

Ce livre est une dystopie que l'on pourrait qualifier de réaliste. le monde imaginé par Céleste Ng n'est pas exactement le nôtre, n'est pas exactement celui des actuels États-Unis où se déroule le récit mais ce n'est pas totalement un autre non plus. L'auteure a juste poussé subtilement le curseur un peu plus loin. A peine plus loin. Elle a imaginé un futur proche en amplifiant certains faits qui existent déjà, tout en s'inspirant de faits passés, l'histoire nous offrant hélas de multiples exemples de ce qui peut nous attendre dans le futur si nous ne prenons garde et ne regardons pas derrière nous. Oui, certains pans de l'Histoire sont dystopiques et constituent des alarmes, devenant trop souvent invisibles, enfouies, méconnues.
L'auteure cite Margaret Atwood dans La Servante écarlate : « je voulais créer un jardin imaginaire, mais que les crapauds y soient bien réels ». Il y a ainsi de vrais crapauds dans cette dystopie mais également, fort heureusement, des signes d'espoir qui font vibrer tout amoureux de littérature et de poésie.

Céleste Ng imagine une grave crise économique, plus grave que celle de 1929 ou encore de 2008, la Crise avec une majuscule qui en dit long sur les dégâts provoqués en termes d'emplois et de misère. Durant cette épisode économique dévastateur, une histoire d'amour éclot entre Ethan, chercheur en linguistique et Margaret (j'imagine que Céleste Ng s'est inspirée de Margaret Atwood pour prénommer son héroïne Margaret), jeune femme d'origine chinoise. Ils vont tous deux réinventer un monde, un cocon protecteur dans lequel Margaret va trouver un exutoire en écrivant des poèmes, qui seront réunis dans un recueil au beau titre de « Nos coeurs disparus ». Ce recueil sera vendu en tout petit nombre vers la fin de la Crise, à titre confidentiel. Pendant que le monde cherche les raisons à la crise économique, de cet amour poétique va naitre le petit Bird. Fruit d'un amour passionné sur cet arbre sociétal en totale déliquescence. A propos de causes, très vite les américains vont trouver leur bouc-émissaire : La Chine et les chinois, le fameux péril jaune. S'en suivront la fermeture des frontières et la traque des chinois à l'intérieur du pays.

Et si les américains ont trouvé la cause de tous leurs malheurs, ils vont très vite trouver une solution adaptée pour contrer l'ennemi : le PACT, La Loi sur la sauvegarde de la culture et des traditions américaines. Un organe qui va orchestrer le bâillonnement de la liberté d'expression et la rationalisation de la discrimination notamment envers les chinois, sous prétexte de protection et de sécurité. Une loi liberticide qui suspecte toute culture étrangère comme dangereuse pour la société. Libertés individuelles réduites à peau de chagrin, surveillance, milices de quartier, dénonciation, destruction des livres considérés comme réfractaires au régime, telles sont les méthodes radicales du PACT. Des rumeurs courent même sur des enlèvements d'enfants au sein de famille qualifiée d'ennemis à la nation, enfant enlevés et placés dans de bonnes familles d'accueil américaines. Des enlèvements comme outil de contrôle politique. Si cela semble surréaliste, l'auteure s'inspire en réalité de faits réels d'enlèvement d'enfants comme ceux vécus par les familles d'esclaves autrefois, par les familles de migrants qui ont toujours cours à la frontière sud des Etats-Unis…

« Des bruits avaient commencé à courir. On parlait de coups à la porte au milieu de la nuit, d'enfants qui disparaissaient, emportés par des voitures noires. Une clause enfouie dans les replis de la nouvelle loi, autorisant les agences fédérales à retirer les enfants des foyers jugés antiaméricains ».

Margaret ne s'inquiète pas plus que cela de ce climat délétère n'ayant pas un comportement anti-patriotique. le Pact concerne les dissidents pense-t-elle. Toute occupée par son bonheur familial, par son enfant qui grandit, cet organe ne l'émeut pas plus que ça, exception faite au sort réservé à ses parents chinois qui commence à fissurer sa confiance. Pourtant, à son tour, vous verrez si vous avez la bonne idée de lire ce livre bouleversant, comment elle sera à son tour injustement pourchassée, traquée… Commencera pour elle la fuite, puis l'action. Et quelle action que je ne souhaite en aucun cas dévoiler.

« Il y a des choses que l'on doit faire en personne. Témoigner. Accompagner les mourants. Se souvenir des disparus. Il y a certaines choses qu'il faut voir de ses propres yeux ».

Bird, duquel provient le récit, qui a une petite dizaine d'années, est élevé désormais pas son seul père qui est surveillé par les autorités, qui doit faire profil bas et nier tout lien avec la mère du petit. C'est une vie terne qui rythme leur quotidien, une vie étriquée, faite de repas sans saveur, de dégringolade dans l'échelle sociale - le père chercheur est relégué désormais au rangement des livres de la bibliothèque universitaire-, de moqueries à l'école le petit Bird ne pouvant cacher ses origines chinoises inscrites sur son visage. Soumission et obéissance sont les deux maitres mots pour se faire oublier. Un jour pourtant il décide de partir à l'aventure pour retrouver sa mère…

J'ai été émue par cette histoire tant par sa dimension politique que par sa dimension intime, tant maternelle que paternelle, amicale aussi car l'amitié tient une place primordiale dans ce roman. J'ai été très intéressée par l'évocation des manifestations pacifiques sous ses différentes formes, notamment artistiques, mi-protestation mi-art, perturbant les gens sans violence pendant des jours, des semaines, peut-être des mois, des « éclats qui ponctuaient le bruit blanc monocorde de ces journées interminables ».
J'ai aimé l'absence de pathos de l'histoire d'amour entre Bird et ses parents. Quelques gestes suffisent pour rendre compte de cet amour incommensurable.

« Sa mère lui caresse le dos, égrène les petits bosses de sa colonne vertébrale sous sa peau comme un chapelet de perles. Tout doucement, elle presse leurs mains l'une contre l'autre, doigts contre doigts, paume contre paume. Il a la main presque aussi grande que la sienne, les pieds peut-être encore plus grands. Comme un petit chiot, tout en pattes, le reste encore enfantin mais galopant joyeusement derrière ».


Celeste Ng a puisé indéniablement dans son histoire personnelle, elle dont les parents sont originaires de Hong Kong et ont débarqué sur le continent américain dans les années 60. Cela rend le récit d'autant plus touchant, d'autant plus engagé, d'autant plus personnel et intime.

Un livre profond, dénoué de manichéisme, subtil et très touchant et dont la toute fin est sublime et m'a émue aux larmes. Oui touchée en plein coeur par « cette toile d'araignée perlée de rosée dont les maigres filaments s'entrelacent pour former une magnifique structure cristalline ».


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Il n'y a pas si longtemps, pour mettre fin à la Crise, le PACT a été voté. Cette « Loi sur la sauvegarde de la culture et des traditions américaines » a pris des proportions extrêmes et régit aujourd'hui tout le pays. S'exprimer ou agir contre les principes de cette loi font de vous des « éléments subversifs séditieux », des « traîtres », des « sympathisants pro-Chinois » (oui parce que les responsables de la Crise et du déclin des États-Unis sont la Chine principalement, et tout ce qui est "jaune" et a les yeux bridés plus généralement), des « tumeurs de la société américaine ». Et pour éviter que cette gangrène ne se propage, mieux vaut sortir les enfants de ces familles traîtres à la société... Genre de chantage en fait... Tu ne fais pas ou ne dis pas ce qu'il faudrait ? Attention à toi, on va t'enlever ton enfant...

Et c'est dans ce climat de peur constante, de racisme omniprésent, de répression, de surveillance et de délation que l'on va suivre le jeune Noah (ou Bird), âgé de 12 ans, vivant seul avec son père depuis trois ans, depuis la disparition de sa mère et dont il a hérité d'elle ses yeux bridés. Tout débute au moment où il reçoit un dessin de cette dernière et qu'il y trouve le message caché, lui indiquant comment la rejoindre, elle, la traître à sa patrie, activement recherchée par les autorités, et dont son poème « Nos coeurs disparus » est devenu l'emblème anti-PACT.

S'en suit pour Bird une quête vers celle qui lui manque et ne comprend plus, vers celle qui l'a abandonné et que l'on a obligé à oublier, vers celle dont la simple évocation de son nom est devenue tabou...

Quand on me parle d'un livre comme étant une dystopie, il ne me faut en général pas d'autres arguments pour qu'il finisse dans ma MAL [Montagne à Lire : terme ayant récemment remplacé celui de Pile à Lire, ou PAL pour les adeptes]. Ces livres de pure fiction mais à la consonnance (trop) réaliste font froid dans le dos, mais je ne peux sans cesse m'empêcher d'y revenir...

Froid dans le dos, c'est le cas de le dire ici. Puisque l'autrice n'a quasiment rien inventé, s'étant basée sur des faits qui ont réellement eu lieu et qu'elle n'a fait qu'extrapoler. Puisque ce sont les enfants qui sont menacés, intrinsèquement. Et c'est dans la peau de l'un d'eux que nous découvrons cette société américaine "fururiste" où se faire tabasser dans la rue, aux yeux de tous, et sans que personne ne lève le petit doigt, soit quelque chose de normalisé, pour peu que vous ayiez les yeux un peu trop en amande et la peau pas tout à fait blanche...

J'ai eu la chair de poule et les poils hérissés durant une grande partie de ma lecture. J'ai beaucoup aimé les protagonistes, petits et grands, pour qui j'ai ressenti toute la peur qu'ils vivent au quotidien. J'ai aimé leur courage, ressentir toute la colère, les doutes et l'incompréhension qui les animent. Je me suis accrochée à eux et n'ai relâché la pression qu'à la toute fin, alors même que rien ne se termine comme je l'aurais souhaité pour eux...

Tout est subtilement bien écrit, de manière plutôt doucereuse d'ailleurs, allant à contresens de ce qui nous est raconté. Sans violence aucune, tout est dans la tension, l'oppression et la peur. le climat est suffocant, pesant, angoissant peut-on dire, et constamment palpable.

J'ai beaucoup aimé endurer toutes ces sensations, sans doute parce que l'humain n'est pas oublié pour autant. On s'accroche aux relations entre les protagonistes, de celles qui ne permettent pas d'oublier qui on est, de quoi on est fait, de quoi on est capable. La relation entre le père et le fils, entre la mère et le fils, entre les deux amies qui ont mené leurs premiers combats ensemble, entre les deux ados qui se retrouvent l'un dans l'autre, tout ça met du baume au coeur et nous aide à supporter ce système de contrôle sociétal par la peur et le chantage sous-jacent.

La seule chose à regretter, c'est l'absence de typographie censée marquer les dialogues – encore une fois ! C'est un effet de mode qui m'agace au plus haut point. Mais bon, au moins, ici, on va à la ligne à chaque fois, c'est déjà ça... On repère donc les dialogues plus facilement que quand ils sont tous mélangés dans un même paragraphe avec le reste de la narration... Mais ça n'empêche que ça me gave...

Ça n'en est pas moins un roman poignant et prenant, dystopique sans trop l'être, à la fois oppressant et tout de grâce, sur « l'art guérilla », la révolte sans violence, sur le pouvoir des mots, des livres et de la poésie.
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J'ai découvert ce livre avec les critiques dithyrambiques de Christèle (hordeducontrevent) et Marie-Laure (Kirzy). Je mes suis empressée de l'ajouter sur la liste de nouveautés désirées que j'envoie à ma bibliothécaire.

Quelques jours plus tard, douche pas froide mais quand même tiède avec celle de Michel (Michel69004) puis celle de Bichette (PetiteBichette). Et là, la bibliothèque me prévient: livre disponible. Eh oui, non seulement la responsable des achats achète une bonne partie de mes desirata, mais en plus quand ils arrivent, elle les met directement en réservation sur mon compte. Je ne pouvais donc plus ne pas le lire.

L'histoire en deux mots : Suite à une crise économique dont la Chine a été jugée responsable, les Etats-Unis ont adopté le PACT, loi liberticide et anti-asiatique. Cette loi autorise entre autres à retirer les enfants des environnements "non conformes", anti-américains. La mère de Bird, d'origine chinoise, poète, disparait du jour au lendemain, pour éviter que leur fils leur soit retiré. Quelques années plus tard, Bird va se lancer à la recherche de sa mère suite à la réception d'un message de celle-ci.

Il y a beaucoup de choses que j'ai aimées dans ce livre, surtout sur le fond. La description d'une société pas si éloignée de la notre, la recherche d'un bouc émissaire contre lequel rassembler lorsque tout va mal, la facilité avec laquelle on peut se voiler la face, se convaincre qu'on ne sait pas.
J'ai beaucoup aimé la première partie, le personnage du père qui fait profil bas, mais qui n'hésite pas à frapper pour défendre son fils. Sa marge de manoeuvre est faible et il m'a émue. J'ai aimé aussi Bird, qui essaye de grandir dans cet univers qui l'a privé d'un de ses parents, qui prend conscience que les choses ne sont pas forcément aussi simples qu'on veut lui faire croire, Qu'il y a peut-etre quelque chose à faire et qui va partir seul essayer de retrouver sa mère.

J'ai moins accroché à la deuxième partie, j'ai trouvé que cela manquait un peu de souffle, Je me suis même un peu ennuyée par moments.
Je n'ai pas bien compris comment fonctionnait ce réseau des bibliothécaires, ces bouts de papier perdus dans les livres. Et J'aurai aimé une fin plus grandiose.

Je ne saurais expliquer plus pourquoi mon intérêt s'est dilué. Pourquoi la mère de Bird n'a pas réussi à me toucher comme l'avait fait son père, alors qu'elle est beaucoup plus impliquée dans la lutte contre le système.

Un rendez-vous moins réussi que je ne l'espérais, mais un livre utile qui met en garde contre certains dangers qui ne sont pas si dystopiques.
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Un grand merci à Babelio et aux éditions Sonatine...

Dans un futur pas si lointain... La Crise a mise à mal la société américaine, autant du point de vue économique que social ou sociétal. Pour protéger les valeurs américaines et se préserver de l'invasion asiatique, le gouvernement a instauré le PACT (Preserving American Culture and Traditions Act ou Loi sur la sauvegarde de la culture et des traditions américaines), installant un certain climat de méfiance notamment envers ceux qui critiquent cette loi, réduisant les libertés individuelles et allant même jusqu'à retirer les enfants dont les parents sont suspectés de manquer à leur devoir. Noah, à 12 ans, n'a jamais connu la Crise et n'a aucune idée du monde tel qu'il était avant, excepté ce qu'il a pu en lire dans les livres, le gouvernement ayant bien pris soin de détruire tous les ouvrages inutiles, inadaptés ou périmés. Aujourd'hui, le garçon vit seul avec son père, sa mère, d'origine asiatique (une Kung-POA comme les appelaient certains enfants) a quitté, du jour au lendemain, le domicile conjugal, il y a 3 ans de cela. Soi-disant à cause des émeutes qu'elle aurait provoquées. Il n'en sait pas vraiment plus, son père lui ayant interdit de parler d'elle. Mais, un jour, alors que, depuis quelques mois, de drôles de canulars dirigés contre le PACT ont lieu ici ou là, il reçoit une lettre. Une lettre adressée à Bird, comme sa mère l'appelait, avec juste un page recouverte sur les bords de croquis de chats. Certain que cette dernière veut renouer avec lui, il va tout faire pour tenter de la retrouver...

Suite à la Crise qui a mise à mal son économie jusqu'ici florissante, les États-Unis ont instauré des lois liberticides et prôné un certain américanisme, condamnant tout réfractaire à ce système. Noah, alias Bird, n'a connu que ce monde aseptisé et peine à comprendre les raisons qui ont poussé sa mère, la poétesse, Margaret Miu, à disparaître du jour au lendemain. Sa famille déchirée, sa meilleure amie, Sadie, enfuie de sa famille d'accueil, il espère pouvoir retrouver la trace de sa mère, sans savoir qu'il va découvrir une toute autre facette de son pays. Si l'intrigue de départ est de plus captivantes, les promesses ne sont, malheureusement, pas tenues. Si Celeste Ng nous plonge dans un futur pour le moins plausible, elle n'en décrit que les contours sans réussir à nous immerger totalement. Si elle aborde, habilement, le racisme anti-chinois, les enlèvements d'enfants, les réseaux clandestins, la poésie comme moyen de rébellion ou encore le pouvoir des mots, elle n'y met pas assez de fougue, d'audace, de rage. La galerie de personnages, bien que touchante, s'avère trop lisse.
Une légère déception au vu du sujet prometteur...
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Mon petit coeur a palpité à la lecture des superbes billets de Kirzy et HordeduContrevent, alors forcément il en a profité devant l'étalage de la rentrée littéraire de la médiathèque, il a trépigné avec rage : celui-là tu le prends !
Devant une volonté si écrasante, j'ai emporté le livre avec hâte pour le dévorer. J'avais l'envie de m'y pelotonner, cette douce couverture bleue, ce carnet qui semblait contenir de belles promesses comme la douce fourrure d'un chaton.
J'ai trouvé dans ces pages la douceur aimante de Margaret pour son fils unique Bird, son petit bonhomme frêle et chétif en route pour le voyage vers l'adolescence. J'ai aussi croisé celui d'Ethan, papa parfois maladroit, qui malgré son métier de professeur d'étymologie peine parfois à trouver les mots justes pour exprimer l'amour qu'il porte à Bird.
A bien regarder le carnet, on constate que sa couverture a été lacérée de nombreux coups de canif, car sous l'apparente normalité se cachent une colère dévastatrice et une rage nauséabonde.
Je ne parlerai pas réellement de dystopie à propos de ce roman, tant ce qui est exprimé ressemble à notre monde d'aujourd'hui, de demain ou après-demain. Les États-Unis viennent de mettre en place la loi PACT, une loi anti-asiatique, qui permet de suspecter de trahison toute personne émettant des avis défavorables sur ces lois ou des sympathies pour les personnes asiatique ou d'origine asiatique.
Les conséquences peuvent être terribles, l'enfant est retiré à ses parents pour être placé sans que ceux-ci ne sachent où ni auprès de qui, et perdent tout contact avec lui. Les lanceurs d'alerte disparaissent sans laisser de traces…
Ces histoires d'enlèvement d'enfants sont maintenant malheureusement connues pour avoir été maintes fois des réalités historiques dans de nombreux pays du globe, à commence par les États-Unis. C'est donc avec un frisson d'effroi que l'on parcourt ce roman qui décrit si bien le mécanisme de terreur qui musèle habilement la population, entre ceux qui ne se sentent pas concernés, ceux qui préfèrent regarder ailleurs par crainte d'être le prochain sur la liste (ou leurs enfants).
Ces sujets sont habilement amenés par l'autrice, et elle décrit avec justesse le fantasme du péril jaune, d'une horde d'asiatiques prête à envahir le monde, nous inonder de produits bas de gamme ou de voitures électriques, avec leurs esprits retors.
Cette lecture a fait écho à celle faite récemment des Mangeurs de nuit qui narrait l'enfermement dans des camps au Canada de la population d'origine japonaise pendant la seconde guerre mondiale, avec le but d'isoler les potentiels et bien imaginaires fauteurs de trouble pour les faire taire.
Il m'a cependant manqué un véritablement attachement aux personnages, certes sympathiques, mais un peu ternes, un peu trop lisses (à part Domi) pour être totalement séduite par ce roman. de même, j'ai été déçue par la fin sans surprise et des facilités ou incohérences : le rôle salvateur caricatural des gentils bibliothécaires qui forment tous un super réseau de contre-pouvoir, le choix de Margaret d'abandonner son fils et son mari, alors qu'elle aurait pu plus simplement quitter les États-Unis avec sa famille (d'autant qu'aucune attache familiale ne la retient dans le pays).
S'il y a de beaux passages sur la place de la poésie et du pouvoir des mots, des longueurs et des répétitions, en particulier lorsque Celeste Ng décrit à plusieurs reprises le PACT et ses conséquences, rendent la lecture un peu moins fluide.
Le carnet refermé, j'ai un petit pincement au coeur, cette lecture n'aura pas tenu pour moi toutes ses promesses.
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Dans une société américaine futuriste, mais pas très loin de la nôtre, une famille est déchirée.
Bird, jeune garçon, vite seul avec son père depuis que sa mère les a quittés.
C'est une poétesse d'origine chinoise, et, depuis les lois PACT qui restreignent les libertés des personnes d'origine asiatique et retirent les enfants des familles, elle est partie pour sauver son fils.
Celui-ci va se mettre à sa recherche suite à la réception d'un message de celle-ci.

Ce livre aborde beaucoup de sujets très actuels portés notamment par Trump et ses proches, et d'autres dirigeants dans d'autres pays.
La discrimination pour des personnes d'une autre communauté, le racisme, la recherche de boucs émissaires, le silence d'une grande partie de la société...
Tous ces sujets qui nous rappellent les heures noires du nazisme sont encore bien présents actuellement, et l'auteur, d'origine asiatique, les a certainement en partie vécus pour en parler aussi justement.
Les relations entre la mère et l'enfant sont empreints de poésie d'émotion, et le rythme de la narration est assez soutenue pour que l'on soit bien accroché par l'histoire.

Je ne connaissais pas cet auteur et j'ai été séduite par ce livre au sujet brûlant et au ton lyrique.
En lisant d'autres billets, je vois que des lecteurs le comparent à d'autres dystopies et pointent son manque d'originalité ; je lis rarement des romans dystopiques donc j'ai apprécié sans réserves ce récit inquiétant, poignant et avec toutefois une touche d'espoir.
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Dans cette uchronie dystopique, Céleste Ng imagine des États-Unis qui, à la suite d'une crise économique, vivraient sous le joug d'un pacte répressif présenté comme un rempart face aux menaces qui minent le pays de l'intérieur – des menaces attribuées avant tout aux citoyens d'origine asiatique. Tous les moyens sont bons pour garantir l'ordre public et la sécurité des braves gens. le régime va jusqu'à arracher leurs enfants aux personnes jugées subversives pour les placer dans des foyers mieux à même d'en faire de bons citoyens. Mais dans la famille de Bird, c'est la mère qui a disparu du jour au lendemain, le laissant seul avec son père linguiste à l'université. Que lui est-il arrivé ? Que fait-elle, depuis toutes ces années ? La réception d'une lettre mystérieuse va déclencher la quête de Bird, avec pour indice principal, les histoires que lui racontait sa mère…

J'ai eu du mal à entrer dans ce roman. Toute la première partie décrit le désarroi de la famille Gardner, l'absence de la mère, la manière dont le père a été rétrogradé de la faculté de Harvard vers la gestion de la bibliothèque universitaire, le quotidien morose qu'il partage avec Bird dans un quartier-dortoir du campus. Leur vie sans saveur m'a pesé. Les ingrédients sont ceux des dystopies depuis celles d'Aldous Huxley et de George Orwell : censure et interdictions, propagande patriotique et chasse aux sorcières, surveillance généralisée et culture de la délation. L'intrigue m'a embarquée à partir du moment où la quête de Bird le met sur la voie, nous permettant de cerner l'enchevêtrement des drames qui ont déchiré le pays et sa famille, puis de nous infiltrer dans certains milieux dissidents.

Personnage sensible et courageux, à la lisière entre enfance et adolescence, Bird porte l'intrigue. C'est son regard innocent qui nous révèle l'étendue des dégâts. Nous partageons aussi l'optimisme qu'il puise envers et contre tout dans la foi dans l'amour de sa mère. Forcément, les relations parents-enfants malmenées par le régime créent un registre particulièrement poignant. Dans la mémoire des personnages concernées, ces relations sont idéalisées, soulignant l'horreur des séparations. Je me suis demandé s'il était nécessaire d'imaginer un système aussi inhumain pour évoquer l'érosion démocratique, la montée insidieuse des haines, la lâcheté de la majorité silencieuse qui trouve plus confortable de fermer les yeux.

Mais voilà que dans la note adossée au roman, l'autrice explique la manière dont son texte puise dans toute une série de faits réels ancrés dans une longue histoire de représentations et pratiques racistes : montée des violences anti-asiatiques dans le contexte de la pandémie de Covid, crimes de haine commis contre des personnes appartenant à des minorités visibles, appels à la censure de livres au nom de la ‘protection' de la jeunesse, mais aussi les enlèvements d'enfants à leurs familles. Pensez par exemple aux maisons d'éducation où des enfants autochtones ont longtemps été envoyés de force en Amérique du Nord, ou à la séparation de familles qui immigraient aux États-Unis pendant la présidence de Trump.

En lisant cette note qui ne faisait que lister des événements dont j'avais déjà connaissance mais que je n'avais pas reliés, j'ai été sidérée de réaliser que Celeste Ng n'avait pas inventé grand-chose ni forcé le trait, mais plutôt extrapolé à partir de dérives à l'oeuvre dans nos sociétés. Son roman célèbre la résilience de ceux qui s'aiment, les pouvoirs subversifs de l'art et des mots. Il nous invite à défendre collectivement nos libertés, à prendre conscience des formes d'oppression et à laisser s'exprimer leurs victimes.

Un roman constamment à la lisière entre détresse et espoir, conte et thriller, qui captive et donne à réfléchir.
Lien : https://ileauxtresors.blog/2..
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Pourquoi Noah, dit Bird, fait-il sienne cette habitude de raser les murs, de ne pas faire de vague, d'éviter au maximum d'attirer l'attention sur lui ? Il suit les recommandations de son père, et celui-ci est également amené à faire profil bas. Cet ex-enseignant de linguistique à Harvard, doit se contenter d'un poste subalterne à la Bibliothèque de l'université, et a dû abandonner la maison familiale. Et la question ultime est bien ce qu'a pu devenir la mère de Bird, jamais évoquée, reniée même.

Pendant ce temps, la population semble se plier aux dictats du gouvernement, qui incite à une surveillance mutuelle et à des dénonciations patriotes au moindre soupçon d'anti-américanisme. Ce qui se traduit par des disparitions d'enfants, enlevés à leurs familles, suspectes d'inculquer une éducation contraire à l'intérêt du pays !

Pourtant les manifestations d'opposition à ce régime mortifère se multiplient. En voila assez pour inciter Bird à tenter d'en savoir plus.


Cette dystopie fait froid dans le dos. Il semble tellement plausible que l'évolution de nos sociétés ressemble à ce cauchemar !

Au delà du problème politique posé et bien analysé, c'est aussi la quête d'un fils pour comprendre ses origines et tenter de se faire une opinion avant de suivre sans réfléchir les injonctions d'une nation totalitaire et raciste.

Brillant roman, dont le thème politique est abordé avec une profondeur romanesque remarquable, Il se dévore comme une friandise, mais ne manque pas d'éveiller, comme chez le jeune héros, une foule de questions fondamentales !

A noter quelques problèmes de traduction (« la moins pire »!)

528 pages Sonatine 24 Août 2023

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La pandémie et la crise qui en a découlé, la politique initiée par Trump ayant abouti à une tentative de coup d'État, l'interdiction de l'avortement dans beaucoup d'États… autant d'exemples récents qui font trembler plus ou moins visiblement, et sérieusement, aux États-Unis l'équilibre fragile séparant la démocratie de l'autocratie. Certains de ces événements, et d'autres, ont inspiré à Celeste Ng « Nos coeurs disparus », une dystopie simple, crédible, et à ce titre, assez effrayante.

En effet, ici point de guerre, d'événement extraordinaire (comme cette mystérieuse catastrophe dans « La servante écarlate », roman qui est cité en référence par Celeste NG à la fin du roman) à l'origine du basculement de l'Amérique dans la dictature. Ce qui survient, c'est tout simplement une crise économique, prétendument causée par la Chine, qui entraîne avec elle, outre l'effondrement du pays, la banalisation d'un racisme d'Etat contre les POA (personnes d'origine asiatique) et qui conduit à la fermeture du pays, dans ses frontières comme dans sa liberté de penser et d'agir. Une loi, le PACT, pour « Preserving American Culture and Traditions Act », détermine ainsi ce qui relève de l'anti-américanisme – inutile de préciser qu'elle agit à large spectre –, et les sanctions associées : le placement automatique par le Gouvernement des enfants des familles dissidentes dans des familles qui les élèveront selon des valeurs patriotiques, la disparition des personnes qui s'élèvent contre ces injustices.

C'est dans ce cadre que Bird Gardner, un jeune garçon de treize ans, vit avec son père Ethan sur le campus universitaire de Harvard où celui-ci travaille désormais comme bibliothécaire, après avoir été destitué de son métier de professeur. Sa mère, Margaret Miu, a disparu depuis que ses poèmes, et notamment celui intitulé « Nos coeurs disparus », sont devenus le symbole de la protestation populaire contre les actes du Gouvernement, et le slogan de mystérieuses actions contestataires. Devenu patriote, Ethan refuse de parler à Bird de sa mère et de tout ce qui pourrait être lui relié, entretenant un silence dont le garçon souffre. le jour où il recevra une lettre mystérieuse de sa mère qu'il interprète comme une invitation à la rejoindre, et après que sa seule amie, Sadie, ait disparu alors qu'elle recherchait ses parents à qui elle a été arrachée des années plus tôt, Bird décide de retrouver Margaret.

Et c'est dans cette quête, presque initiatique, dans ce voyage vers la vérité dont on ne revient pas indemne, que réside pour moi l'intérêt de « Nos coeurs disparus ». En commençant à se poser des questions, grâce à un simple dessin posté par sa mère, sur sa manière de vivre, sur la restriction de ses libertés, qui lui paraissaient naturelles puisqu'il vit ainsi depuis sa petite enfance, il ouvre les yeux sur le monde qui l'entoure, sur la discrimination qui lui est opposée et les violences gratuites qui pèsent quotidiennement sur lui, en tant qu'enfant d'une célèbre opposante et tout simplement parce qu'il appartient à la catégorie des POA.

Cet intérêt réside aussi dans l'intrigue construite par Celeste NG : aucun des personnages n'est un héros qui rêve de faire chuter la dictature et s'organise pour le faire, ce sont juste des personnes opprimées par un Gouvernement dont elles n'attendent aucune issue positive, pour qui l'avenir reste sombre et sans issue ; mais qui sont animées par l'espoir que les personnes disparues restent vivantes grâce au pouvoir des mots. Des mots qui engagent une grande responsabilité, c'est d'ailleurs pour cette raison que le Gouvernement les a censurés et brûlés ; des mots qui sont le meilleur moyen de résister (rôle magnifique à cet égard des bibliothécaires dans ce roman). C'est cette célébration du livre, de la lecture et de son vecteur puissants, les mots, que j'ai particulièrement appréciée dans ce roman très réussi.
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