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Critiques filtrées sur 4 étoiles  
Il n'y a pas si longtemps, pour mettre fin à la Crise, le PACT a été voté. Cette « Loi sur la sauvegarde de la culture et des traditions américaines » a pris des proportions extrêmes et régit aujourd'hui tout le pays. S'exprimer ou agir contre les principes de cette loi font de vous des « éléments subversifs séditieux », des « traîtres », des « sympathisants pro-Chinois » (oui parce que les responsables de la Crise et du déclin des États-Unis sont la Chine principalement, et tout ce qui est "jaune" et a les yeux bridés plus généralement), des « tumeurs de la société américaine ». Et pour éviter que cette gangrène ne se propage, mieux vaut sortir les enfants de ces familles traîtres à la société... Genre de chantage en fait... Tu ne fais pas ou ne dis pas ce qu'il faudrait ? Attention à toi, on va t'enlever ton enfant...

Et c'est dans ce climat de peur constante, de racisme omniprésent, de répression, de surveillance et de délation que l'on va suivre le jeune Noah (ou Bird), âgé de 12 ans, vivant seul avec son père depuis trois ans, depuis la disparition de sa mère et dont il a hérité d'elle ses yeux bridés. Tout débute au moment où il reçoit un dessin de cette dernière et qu'il y trouve le message caché, lui indiquant comment la rejoindre, elle, la traître à sa patrie, activement recherchée par les autorités, et dont son poème « Nos coeurs disparus » est devenu l'emblème anti-PACT.

S'en suit pour Bird une quête vers celle qui lui manque et ne comprend plus, vers celle qui l'a abandonné et que l'on a obligé à oublier, vers celle dont la simple évocation de son nom est devenue tabou...

Quand on me parle d'un livre comme étant une dystopie, il ne me faut en général pas d'autres arguments pour qu'il finisse dans ma MAL [Montagne à Lire : terme ayant récemment remplacé celui de Pile à Lire, ou PAL pour les adeptes]. Ces livres de pure fiction mais à la consonnance (trop) réaliste font froid dans le dos, mais je ne peux sans cesse m'empêcher d'y revenir...

Froid dans le dos, c'est le cas de le dire ici. Puisque l'autrice n'a quasiment rien inventé, s'étant basée sur des faits qui ont réellement eu lieu et qu'elle n'a fait qu'extrapoler. Puisque ce sont les enfants qui sont menacés, intrinsèquement. Et c'est dans la peau de l'un d'eux que nous découvrons cette société américaine "fururiste" où se faire tabasser dans la rue, aux yeux de tous, et sans que personne ne lève le petit doigt, soit quelque chose de normalisé, pour peu que vous ayiez les yeux un peu trop en amande et la peau pas tout à fait blanche...

J'ai eu la chair de poule et les poils hérissés durant une grande partie de ma lecture. J'ai beaucoup aimé les protagonistes, petits et grands, pour qui j'ai ressenti toute la peur qu'ils vivent au quotidien. J'ai aimé leur courage, ressentir toute la colère, les doutes et l'incompréhension qui les animent. Je me suis accrochée à eux et n'ai relâché la pression qu'à la toute fin, alors même que rien ne se termine comme je l'aurais souhaité pour eux...

Tout est subtilement bien écrit, de manière plutôt doucereuse d'ailleurs, allant à contresens de ce qui nous est raconté. Sans violence aucune, tout est dans la tension, l'oppression et la peur. le climat est suffocant, pesant, angoissant peut-on dire, et constamment palpable.

J'ai beaucoup aimé endurer toutes ces sensations, sans doute parce que l'humain n'est pas oublié pour autant. On s'accroche aux relations entre les protagonistes, de celles qui ne permettent pas d'oublier qui on est, de quoi on est fait, de quoi on est capable. La relation entre le père et le fils, entre la mère et le fils, entre les deux amies qui ont mené leurs premiers combats ensemble, entre les deux ados qui se retrouvent l'un dans l'autre, tout ça met du baume au coeur et nous aide à supporter ce système de contrôle sociétal par la peur et le chantage sous-jacent.

La seule chose à regretter, c'est l'absence de typographie censée marquer les dialogues – encore une fois ! C'est un effet de mode qui m'agace au plus haut point. Mais bon, au moins, ici, on va à la ligne à chaque fois, c'est déjà ça... On repère donc les dialogues plus facilement que quand ils sont tous mélangés dans un même paragraphe avec le reste de la narration... Mais ça n'empêche que ça me gave...

Ça n'en est pas moins un roman poignant et prenant, dystopique sans trop l'être, à la fois oppressant et tout de grâce, sur « l'art guérilla », la révolte sans violence, sur le pouvoir des mots, des livres et de la poésie.
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J'ai découvert ce livre avec les critiques dithyrambiques de Christèle (hordeducontrevent) et Marie-Laure (Kirzy). Je mes suis empressée de l'ajouter sur la liste de nouveautés désirées que j'envoie à ma bibliothécaire.

Quelques jours plus tard, douche pas froide mais quand même tiède avec celle de Michel (Michel69004) puis celle de Bichette (PetiteBichette). Et là, la bibliothèque me prévient: livre disponible. Eh oui, non seulement la responsable des achats achète une bonne partie de mes desirata, mais en plus quand ils arrivent, elle les met directement en réservation sur mon compte. Je ne pouvais donc plus ne pas le lire.

L'histoire en deux mots : Suite à une crise économique dont la Chine a été jugée responsable, les Etats-Unis ont adopté le PACT, loi liberticide et anti-asiatique. Cette loi autorise entre autres à retirer les enfants des environnements "non conformes", anti-américains. La mère de Bird, d'origine chinoise, poète, disparait du jour au lendemain, pour éviter que leur fils leur soit retiré. Quelques années plus tard, Bird va se lancer à la recherche de sa mère suite à la réception d'un message de celle-ci.

Il y a beaucoup de choses que j'ai aimées dans ce livre, surtout sur le fond. La description d'une société pas si éloignée de la notre, la recherche d'un bouc émissaire contre lequel rassembler lorsque tout va mal, la facilité avec laquelle on peut se voiler la face, se convaincre qu'on ne sait pas.
J'ai beaucoup aimé la première partie, le personnage du père qui fait profil bas, mais qui n'hésite pas à frapper pour défendre son fils. Sa marge de manoeuvre est faible et il m'a émue. J'ai aimé aussi Bird, qui essaye de grandir dans cet univers qui l'a privé d'un de ses parents, qui prend conscience que les choses ne sont pas forcément aussi simples qu'on veut lui faire croire, Qu'il y a peut-etre quelque chose à faire et qui va partir seul essayer de retrouver sa mère.

J'ai moins accroché à la deuxième partie, j'ai trouvé que cela manquait un peu de souffle, Je me suis même un peu ennuyée par moments.
Je n'ai pas bien compris comment fonctionnait ce réseau des bibliothécaires, ces bouts de papier perdus dans les livres. Et J'aurai aimé une fin plus grandiose.

Je ne saurais expliquer plus pourquoi mon intérêt s'est dilué. Pourquoi la mère de Bird n'a pas réussi à me toucher comme l'avait fait son père, alors qu'elle est beaucoup plus impliquée dans la lutte contre le système.

Un rendez-vous moins réussi que je ne l'espérais, mais un livre utile qui met en garde contre certains dangers qui ne sont pas si dystopiques.
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Un grand merci à Babelio et aux éditions Sonatine...

Dans un futur pas si lointain... La Crise a mise à mal la société américaine, autant du point de vue économique que social ou sociétal. Pour protéger les valeurs américaines et se préserver de l'invasion asiatique, le gouvernement a instauré le PACT (Preserving American Culture and Traditions Act ou Loi sur la sauvegarde de la culture et des traditions américaines), installant un certain climat de méfiance notamment envers ceux qui critiquent cette loi, réduisant les libertés individuelles et allant même jusqu'à retirer les enfants dont les parents sont suspectés de manquer à leur devoir. Noah, à 12 ans, n'a jamais connu la Crise et n'a aucune idée du monde tel qu'il était avant, excepté ce qu'il a pu en lire dans les livres, le gouvernement ayant bien pris soin de détruire tous les ouvrages inutiles, inadaptés ou périmés. Aujourd'hui, le garçon vit seul avec son père, sa mère, d'origine asiatique (une Kung-POA comme les appelaient certains enfants) a quitté, du jour au lendemain, le domicile conjugal, il y a 3 ans de cela. Soi-disant à cause des émeutes qu'elle aurait provoquées. Il n'en sait pas vraiment plus, son père lui ayant interdit de parler d'elle. Mais, un jour, alors que, depuis quelques mois, de drôles de canulars dirigés contre le PACT ont lieu ici ou là, il reçoit une lettre. Une lettre adressée à Bird, comme sa mère l'appelait, avec juste un page recouverte sur les bords de croquis de chats. Certain que cette dernière veut renouer avec lui, il va tout faire pour tenter de la retrouver...

Suite à la Crise qui a mise à mal son économie jusqu'ici florissante, les États-Unis ont instauré des lois liberticides et prôné un certain américanisme, condamnant tout réfractaire à ce système. Noah, alias Bird, n'a connu que ce monde aseptisé et peine à comprendre les raisons qui ont poussé sa mère, la poétesse, Margaret Miu, à disparaître du jour au lendemain. Sa famille déchirée, sa meilleure amie, Sadie, enfuie de sa famille d'accueil, il espère pouvoir retrouver la trace de sa mère, sans savoir qu'il va découvrir une toute autre facette de son pays. Si l'intrigue de départ est de plus captivantes, les promesses ne sont, malheureusement, pas tenues. Si Celeste Ng nous plonge dans un futur pour le moins plausible, elle n'en décrit que les contours sans réussir à nous immerger totalement. Si elle aborde, habilement, le racisme anti-chinois, les enlèvements d'enfants, les réseaux clandestins, la poésie comme moyen de rébellion ou encore le pouvoir des mots, elle n'y met pas assez de fougue, d'audace, de rage. La galerie de personnages, bien que touchante, s'avère trop lisse.
Une légère déception au vu du sujet prometteur...
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Mon petit coeur a palpité à la lecture des superbes billets de Kirzy et HordeduContrevent, alors forcément il en a profité devant l'étalage de la rentrée littéraire de la médiathèque, il a trépigné avec rage : celui-là tu le prends !
Devant une volonté si écrasante, j'ai emporté le livre avec hâte pour le dévorer. J'avais l'envie de m'y pelotonner, cette douce couverture bleue, ce carnet qui semblait contenir de belles promesses comme la douce fourrure d'un chaton.
J'ai trouvé dans ces pages la douceur aimante de Margaret pour son fils unique Bird, son petit bonhomme frêle et chétif en route pour le voyage vers l'adolescence. J'ai aussi croisé celui d'Ethan, papa parfois maladroit, qui malgré son métier de professeur d'étymologie peine parfois à trouver les mots justes pour exprimer l'amour qu'il porte à Bird.
A bien regarder le carnet, on constate que sa couverture a été lacérée de nombreux coups de canif, car sous l'apparente normalité se cachent une colère dévastatrice et une rage nauséabonde.
Je ne parlerai pas réellement de dystopie à propos de ce roman, tant ce qui est exprimé ressemble à notre monde d'aujourd'hui, de demain ou après-demain. Les États-Unis viennent de mettre en place la loi PACT, une loi anti-asiatique, qui permet de suspecter de trahison toute personne émettant des avis défavorables sur ces lois ou des sympathies pour les personnes asiatique ou d'origine asiatique.
Les conséquences peuvent être terribles, l'enfant est retiré à ses parents pour être placé sans que ceux-ci ne sachent où ni auprès de qui, et perdent tout contact avec lui. Les lanceurs d'alerte disparaissent sans laisser de traces…
Ces histoires d'enlèvement d'enfants sont maintenant malheureusement connues pour avoir été maintes fois des réalités historiques dans de nombreux pays du globe, à commence par les États-Unis. C'est donc avec un frisson d'effroi que l'on parcourt ce roman qui décrit si bien le mécanisme de terreur qui musèle habilement la population, entre ceux qui ne se sentent pas concernés, ceux qui préfèrent regarder ailleurs par crainte d'être le prochain sur la liste (ou leurs enfants).
Ces sujets sont habilement amenés par l'autrice, et elle décrit avec justesse le fantasme du péril jaune, d'une horde d'asiatiques prête à envahir le monde, nous inonder de produits bas de gamme ou de voitures électriques, avec leurs esprits retors.
Cette lecture a fait écho à celle faite récemment des Mangeurs de nuit qui narrait l'enfermement dans des camps au Canada de la population d'origine japonaise pendant la seconde guerre mondiale, avec le but d'isoler les potentiels et bien imaginaires fauteurs de trouble pour les faire taire.
Il m'a cependant manqué un véritablement attachement aux personnages, certes sympathiques, mais un peu ternes, un peu trop lisses (à part Domi) pour être totalement séduite par ce roman. de même, j'ai été déçue par la fin sans surprise et des facilités ou incohérences : le rôle salvateur caricatural des gentils bibliothécaires qui forment tous un super réseau de contre-pouvoir, le choix de Margaret d'abandonner son fils et son mari, alors qu'elle aurait pu plus simplement quitter les États-Unis avec sa famille (d'autant qu'aucune attache familiale ne la retient dans le pays).
S'il y a de beaux passages sur la place de la poésie et du pouvoir des mots, des longueurs et des répétitions, en particulier lorsque Celeste Ng décrit à plusieurs reprises le PACT et ses conséquences, rendent la lecture un peu moins fluide.
Le carnet refermé, j'ai un petit pincement au coeur, cette lecture n'aura pas tenu pour moi toutes ses promesses.
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Dans cette uchronie dystopique, Céleste Ng imagine des États-Unis qui, à la suite d'une crise économique, vivraient sous le joug d'un pacte répressif présenté comme un rempart face aux menaces qui minent le pays de l'intérieur – des menaces attribuées avant tout aux citoyens d'origine asiatique. Tous les moyens sont bons pour garantir l'ordre public et la sécurité des braves gens. le régime va jusqu'à arracher leurs enfants aux personnes jugées subversives pour les placer dans des foyers mieux à même d'en faire de bons citoyens. Mais dans la famille de Bird, c'est la mère qui a disparu du jour au lendemain, le laissant seul avec son père linguiste à l'université. Que lui est-il arrivé ? Que fait-elle, depuis toutes ces années ? La réception d'une lettre mystérieuse va déclencher la quête de Bird, avec pour indice principal, les histoires que lui racontait sa mère…

J'ai eu du mal à entrer dans ce roman. Toute la première partie décrit le désarroi de la famille Gardner, l'absence de la mère, la manière dont le père a été rétrogradé de la faculté de Harvard vers la gestion de la bibliothèque universitaire, le quotidien morose qu'il partage avec Bird dans un quartier-dortoir du campus. Leur vie sans saveur m'a pesé. Les ingrédients sont ceux des dystopies depuis celles d'Aldous Huxley et de George Orwell : censure et interdictions, propagande patriotique et chasse aux sorcières, surveillance généralisée et culture de la délation. L'intrigue m'a embarquée à partir du moment où la quête de Bird le met sur la voie, nous permettant de cerner l'enchevêtrement des drames qui ont déchiré le pays et sa famille, puis de nous infiltrer dans certains milieux dissidents.

Personnage sensible et courageux, à la lisière entre enfance et adolescence, Bird porte l'intrigue. C'est son regard innocent qui nous révèle l'étendue des dégâts. Nous partageons aussi l'optimisme qu'il puise envers et contre tout dans la foi dans l'amour de sa mère. Forcément, les relations parents-enfants malmenées par le régime créent un registre particulièrement poignant. Dans la mémoire des personnages concernées, ces relations sont idéalisées, soulignant l'horreur des séparations. Je me suis demandé s'il était nécessaire d'imaginer un système aussi inhumain pour évoquer l'érosion démocratique, la montée insidieuse des haines, la lâcheté de la majorité silencieuse qui trouve plus confortable de fermer les yeux.

Mais voilà que dans la note adossée au roman, l'autrice explique la manière dont son texte puise dans toute une série de faits réels ancrés dans une longue histoire de représentations et pratiques racistes : montée des violences anti-asiatiques dans le contexte de la pandémie de Covid, crimes de haine commis contre des personnes appartenant à des minorités visibles, appels à la censure de livres au nom de la ‘protection' de la jeunesse, mais aussi les enlèvements d'enfants à leurs familles. Pensez par exemple aux maisons d'éducation où des enfants autochtones ont longtemps été envoyés de force en Amérique du Nord, ou à la séparation de familles qui immigraient aux États-Unis pendant la présidence de Trump.

En lisant cette note qui ne faisait que lister des événements dont j'avais déjà connaissance mais que je n'avais pas reliés, j'ai été sidérée de réaliser que Celeste Ng n'avait pas inventé grand-chose ni forcé le trait, mais plutôt extrapolé à partir de dérives à l'oeuvre dans nos sociétés. Son roman célèbre la résilience de ceux qui s'aiment, les pouvoirs subversifs de l'art et des mots. Il nous invite à défendre collectivement nos libertés, à prendre conscience des formes d'oppression et à laisser s'exprimer leurs victimes.

Un roman constamment à la lisière entre détresse et espoir, conte et thriller, qui captive et donne à réfléchir.
Lien : https://ileauxtresors.blog/2..
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La pandémie et la crise qui en a découlé, la politique initiée par Trump ayant abouti à une tentative de coup d'État, l'interdiction de l'avortement dans beaucoup d'États… autant d'exemples récents qui font trembler plus ou moins visiblement, et sérieusement, aux États-Unis l'équilibre fragile séparant la démocratie de l'autocratie. Certains de ces événements, et d'autres, ont inspiré à Celeste Ng « Nos coeurs disparus », une dystopie simple, crédible, et à ce titre, assez effrayante.

En effet, ici point de guerre, d'événement extraordinaire (comme cette mystérieuse catastrophe dans « La servante écarlate », roman qui est cité en référence par Celeste NG à la fin du roman) à l'origine du basculement de l'Amérique dans la dictature. Ce qui survient, c'est tout simplement une crise économique, prétendument causée par la Chine, qui entraîne avec elle, outre l'effondrement du pays, la banalisation d'un racisme d'Etat contre les POA (personnes d'origine asiatique) et qui conduit à la fermeture du pays, dans ses frontières comme dans sa liberté de penser et d'agir. Une loi, le PACT, pour « Preserving American Culture and Traditions Act », détermine ainsi ce qui relève de l'anti-américanisme – inutile de préciser qu'elle agit à large spectre –, et les sanctions associées : le placement automatique par le Gouvernement des enfants des familles dissidentes dans des familles qui les élèveront selon des valeurs patriotiques, la disparition des personnes qui s'élèvent contre ces injustices.

C'est dans ce cadre que Bird Gardner, un jeune garçon de treize ans, vit avec son père Ethan sur le campus universitaire de Harvard où celui-ci travaille désormais comme bibliothécaire, après avoir été destitué de son métier de professeur. Sa mère, Margaret Miu, a disparu depuis que ses poèmes, et notamment celui intitulé « Nos coeurs disparus », sont devenus le symbole de la protestation populaire contre les actes du Gouvernement, et le slogan de mystérieuses actions contestataires. Devenu patriote, Ethan refuse de parler à Bird de sa mère et de tout ce qui pourrait être lui relié, entretenant un silence dont le garçon souffre. le jour où il recevra une lettre mystérieuse de sa mère qu'il interprète comme une invitation à la rejoindre, et après que sa seule amie, Sadie, ait disparu alors qu'elle recherchait ses parents à qui elle a été arrachée des années plus tôt, Bird décide de retrouver Margaret.

Et c'est dans cette quête, presque initiatique, dans ce voyage vers la vérité dont on ne revient pas indemne, que réside pour moi l'intérêt de « Nos coeurs disparus ». En commençant à se poser des questions, grâce à un simple dessin posté par sa mère, sur sa manière de vivre, sur la restriction de ses libertés, qui lui paraissaient naturelles puisqu'il vit ainsi depuis sa petite enfance, il ouvre les yeux sur le monde qui l'entoure, sur la discrimination qui lui est opposée et les violences gratuites qui pèsent quotidiennement sur lui, en tant qu'enfant d'une célèbre opposante et tout simplement parce qu'il appartient à la catégorie des POA.

Cet intérêt réside aussi dans l'intrigue construite par Celeste NG : aucun des personnages n'est un héros qui rêve de faire chuter la dictature et s'organise pour le faire, ce sont juste des personnes opprimées par un Gouvernement dont elles n'attendent aucune issue positive, pour qui l'avenir reste sombre et sans issue ; mais qui sont animées par l'espoir que les personnes disparues restent vivantes grâce au pouvoir des mots. Des mots qui engagent une grande responsabilité, c'est d'ailleurs pour cette raison que le Gouvernement les a censurés et brûlés ; des mots qui sont le meilleur moyen de résister (rôle magnifique à cet égard des bibliothécaires dans ce roman). C'est cette célébration du livre, de la lecture et de son vecteur puissants, les mots, que j'ai particulièrement appréciée dans ce roman très réussi.
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Genre: Dystopie sirupeuse

J'ose une petite critique discordante, une petite fausse note au milieu d'un concert, que dis-je, d'une symphonie de louanges jouée par les maestro (maestri ?) de Babelio.
Quelques réflexions liminaires :
-Je n'ai pas adoré les deux livres précédents de Celeste Ng, et, en y repensant, pour les mêmes raisons. Je les trouve très emballants au début, puis enthousiasmants, puis redondants, patinant vers une mièvrerie doucement opaque.
-Je suis épaté par le travail de Julie Sibony, la traductrice, qui a du avoir du fil à retordre dans le choix de tout franciser, poèmes et étymologies compris.
-Un livre faisant l'apologie des bibliothèques avec la bibliothécaire comme figure de la Résistance et la poésie pour Arme fatale est d'emblée un ultra-générateur de sympathie. J'avoue avoir trouvé cela un peu caricatural même si l'idée est généreuse et sans doute plus pédagogique que démagogique.
-J'adore les dystopies. Mais ,de l'aveux même de l'auteur, il s'agirait d'une « presque-dystopie » légèrement inspirée de la Servante Écarlate. Et de 1984, de Farenheit 451, de Minority Report, des Monades Urbaines etc.
Beaucoup de sources d'inspiration donc…
-L'enlèvement d'enfants pour les faire adopter ou les confier à des institutions est désormais heureusement bien connu : assimilation forcée des peuples autochtones, séparation des familles de migrants, lebensborn, persécution des familles d'origine japonaise et plus récemment paranoïa anti-asiatique s'accélérant depuis le Covid. Je crois que Celeste Ng a voulu en faire une sorte de parabole dans le contexte politico-social des Etats-Unis d'aujourd'hui. C'est parfaitement louable mais je n'ai pas adhéré au tricotage (au sens propre du terme, à un certain moment du livre) du militantisme et de la poésie. C'est une merveilleuse idée mais j'ai trouvé la partition trop « soft », presque évanescente.

Bird, 12 ans, re-prénommé Noah, vit seul avec son père dans un univers ritualisé, où, à tout moment et à chaque instant on doit ré-affirmer son adhésion au PACT (Preserving American Culture and Traditions Art). Surtout si on est d'origine asiatique. C'est le cas de Bird. Son père pousse des chariots de livres à la bibliothèque universitaire de Cambridge ( Massachusetts) après avoir été prof de linguistique. La mère de Bird/Noah l'a abandonné il y a 3 ans. Il s'agit de Margaret Miu, la célèbre poétesse aujourd'hui vouée aux gémonies.
Bird va rencontrer Sadie, une adolescente rebelle, placée plusieurs fois et qui va disparaitre à son tour.
Grace à une histoire de chats japonais, d'une sorte de jeux de piste littéraire et poétique, Bird décide de retrouver sa mère . Il sera aidé par le fameux réseau secret des bibliothèques ( on pense à The Underground Railroad ).

J'ai donc été vite très emballé par l'histoire portée par sa belle combinaison de rudesse et de tendresse, de prose rude et de poésie léchée.
Un chapitre m'a beaucoup ému, celui où on découvre l'origine du vers « Nos coeurs disparus ». J'ai bien aimé un passage où il est question de tricotage d'arbres. Et puis j'ai trouvé la suite un peu gnan-gnan jusqu'à une digression épatante sur la poétesse Anna Akhmatova.
Et je me suis alors dit qu'il manquait vraiment un souffle épique pour soutenir l'idée que la poésie soit une source majeure de résistance à tout pouvoir. On apprenait par coeur les vers d'Akhmatova puis on les détruisait !!! Celeste Ng essaie de nous faire croire que Margaret Miu ( poétesse fictive, rappelons-le) est de la même trempe. Ça n'a pas fonctionné pour moi malgré un bouquet final original à défaut d'être émouvant.

La poésie, j'en suis convaincu, peut changer notre vision du monde, et pour cela la force de sa transmission doit être puissante, bouleversante !
Car elle meurt doucement, irrémédiablement.


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Une société où on retire les enfants à leurs parents, parce que soi-disant ceux-ci ne les élèvent pas dans les normes dictées par la Loi, une société où on n'ose pas se rebeller contre ces enlèvements de peur de ne jamais revoir ses enfants (de toute façon, c'est ce qui arrive…), quel enfer !
Et pourtant, l'auteure dit s'être inspirée de bien des faits réels, comme la séparation des familles à la frontière du Mexique et des USA, ou encore le déchirement des autochtones dont on a parqué les enfants dans des écoles pour leur laver le cerveau…

Qu'elle a bien raison, Céleste Ng, de s'être attelée à cela à travers une dystopie accablante pour les Etats-Unis ! Elle a imaginé que les Chinois étaient devenus l'Ennemi commun des Américains, et qu'il fallait éradiquer tout comportement, toute pensée pro-chinois, à travers ce qui est le plus cher à l'être humain, l'enfant.
La Crise ? La faute des Chinois ! La pauvreté ? La faute des Chinois ! La violence ? La faute des Chinois ! Ca me rappelle un certain Trump au temps du Covid…

Elle a donc imaginé une petite famille bien sympathique et aimante : un père américain, une mère chinoise mais américanisée, et un petit garçon mignon et imaginatif. Cette maman écrit des poèmes, et un de ses vers a été repris par une manifestante contre le PACT (ce fameux système américain qui censure tout). Pour ne pas nuire à sa famille et pour ne pas que son enfant soit enlevé, elle part. Pour les protéger. Mais l'enfant, lui, ne comprend pas…
C'est par l'intermédiaire de bibliothécaires qu'il retrouvera la piste de sa mère.

Quel roman humain mettant en branle à la fois des sentiments individuels mais aussi universels, à travers l'amour des parents pour leurs enfants ! J'ai adoré suivre les personnages dans leur recherche des « coeurs disparus », ces petits ôtés du cocon familial pour être endoctrinés dans la grande fabrique de la Patrie. Dans un style travaillé de façon souvent poétique et au plus près de l'émotion, l'auteure nous fait comprendre qu'il faut se rebeller contre tout système d'enfermement, qu'il soit extérieur ou dans notre propre cerveau, dans notre propre coeur.

Halte à l'endoctrinement, au « oui » pour être tranquille.
Halte à la violence, physique ou psychologique.
Pour qu'il n'y ait plus de coeurs disparus.
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Aux États Unis , dans un futur que l'on peut imaginer facilement proche, Bird Gardner un jeune garçon de 12 ans mène une existence monotone avec son père ,Ethan.
Sa mère, la poétesse Margaret Miu est partie depuis trois ans et depuis Ethan Gardner qui était professeur d'etymologie a du quitter son travail .
Il est devenu bibliothécaire et loge maintenant dans un petit appartement d'une cité universitaire.
Surtout, ne pas se faire remarquer, c'est la devise qu'il martèle à son fils depuis que le pays est dirigé par le PACT , pour préserver la culture américaine ,avec un esprit résolument anti-chinois.
Or Margaret Miu est une femme sino-américaine dont un poème est devenu l'emblème de la lutte contre le PACT et le placement des enfants de personnes aux idées jugées trop subversives.

Les bibliothèques sont devenues des coquilles vides, beaucoup de livres, estimés tendancieux ont été retirés des rayons mais justement , ces allées silencieuses désertées par les lecteurs sont devenues des messagères spéciales ...

"Bird voit défiler rayonnage après rayonnage, glissant les doigts dans les interstices où se trouvaient jadis des ouvrages qui ont été supprimés. Il en manque moins ici qu'à la bibliothèque municipale où certaines étagères comportaient davantage de vides que de livres. Mais quand-même , presque toutes ont au moins un trou, parfois plus. Il se demande qui a décidé quels titres étaient trop dangereux à garder, et qui a été chargé de les localiser et de collecter tous les condamnés , tel un bourreau les conduisant à l'échafaud."

Bird reçoit un jour une lettre mystérieuse , sa mémoire engourdie par cette vie peu palpitante va se réveiller et peu à peu les histoires que lui racontaient sa mère resurgissent , des contes qu'il reconstitue et le pousse à sortir de son cocon et en même temps de son enfance.

Dans la deuxième partie est évoquée la vie de Margaret Miu, son combat mais j'y ai été beaucoup moins sensible qu'à la grâce enfantine de Bird et de son amie Sadie, une enfant "déplacée " et à l'amour discret et protecteur d'Ethan Gardner.

Le thème des enfants déplacés fait l'objet maintenant de nombreux récits, et tant mieux,souvent enfants des peuples premiers pour tenter d'effacer leur culture .

Là , leur histoire est mélangée au pouvoir des livres, à la résistance de certains individus devant un régime répressif . Il m'a manqué un véritable élan pour vraiment apprécier ce roman.

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Bird, 12 ans, n'a jamais vraiment compris pourquoi sa mère, la poétesse Margaret Miu, avait disparu du jour au lendemain. Elevé par son père, qui refuse obstinément d'aborder le sujet, il sent bien que leur vie a changé, que quelque chose ne tourne pas rond dans cette société gouvernée par le PACT, un traité visant à défendre la souveraineté et la culture américaine, mais n'a pas les réponses à ses nombreuses questions. Quand arrive soudain une lettre de sa mère constituée de dizaines de dessins de chats griffonnés, Bird va mener sa propre enquête pour tenter de la retrouver et ainsi apprendre les secrets du monde qui l'entoure.

Nos coeurs disparus se place clairement dans le registre dystopique mais c'est une dystopie "douce" si on peut dire, une société finalement pas si éloignée de la nôtre et où les événements décrits par l'auteure pourraient aussi se produire dans notre vie quotidienne ou notre pays (Celeste Ng rappelle d'ailleurs dans sa postface que quasi tout ce qu'elle décrit dans le roman est inspiré d'événements réels !). le roman suit une construction assez originale puisque la première partie nous est racontée par la voix de Bird, petit garçon grandi trop vite et trop seul, qui sent confusément les dangers du monde dans lequel il vit mais sans les appréhender vraiment. A travers ses yeux et son récit de sa vie quotidienne, on va donc découvrir ce que sont devenus les Etats-Unis à l'heure du PACT, ce traité qui a restauré l'ordre et la prospérité après la Grande Crise qui avait failli conduire le pays à la ruine, ce traité qui enjoint chacun à faire son devoir et à se conduire en "bon américain", c'est à dire à ne pas hésiter à dénoncer tout comportement suspect ou anti-patriotique, notamment ceux des boucs émissaires du moment, les POA, personnes d'origine asiatique, la Chine étant devenue le nouvel ennemi des USA. le procédé est plutôt réussi puisqu'on est plongé dans ce monde sans explication ni contextualisation et qu'on ne peut qu'être glacé par tout ce que le procédé implique et par une ambiance de peur diffuse qui plane sur la ville et les personnages.

Le roman semble ensuite basculer vers les contes dont il s'inspire avec la quête de Bird pour retrouver sa mère, quête semblable à ces légendes passées où le héros doit affronter épreuves et personnages malveillants avec l'aide de quelques bonnes âmes placées sur son chemin, pour triompher de l'adversité et atteindre son but. J'ai eu un peu plus de mal avec cette partie qui nous éloigne du réalisme initial pour tendre vers des scènes presque oniriques, une sorte de monde enchanté (ou plutôt souvent de royaume maléfique) vu par les yeux d'un enfant. J'ai trouvé certains passages un peu longuets et pas forcément passionnants même si la poésie omniprésente et le conte traditionnel japonais inséré dans l'histoire rattrapent un peu le côté très tiré par les cheveux de certaines parties de l'intrigue. La dernière partie du roman, racontée par la voix de Margaret, la mère de Bird, tranche à nouveau avec ce qui précède, revenant vers un réalisme brut et des faits concrets et nous donne toutes les clés pour comprendre et voir d'un oeil nouveau ce qui a abouti à ce monde.

Au final, Nos coeurs disparus est un roman très bien construit avec ces différentes parties qui s'articulent et se répondent, donnant à voir par bribes, presque comme par diffraction un pays qui nous ressemble et qui en même temps n'est (heureusement !) pas encore tout à fait le nôtre. C'est aussi un récit très littéraire où les mots et les livres sont les premières cibles d'un régime autoritaire, où les bibliothécaires sont en première ligne pour combattre les injustices, où l'art devient un combat et une manière de faire prendre conscience aux gens de ce qui les entoure et on sent à travers ces pages tout l'amour que porte Celeste Ng à la littérature et tout son talent pour faire vivre personnages et situations à travers les mots. Et pourtant, pourtant, malgré certaines scènes poignantes ou glaçantes, malgré une anticipation qui donne si souvent l'impression que ce qui est décrit va nous arriver très prochainement, c'est un livre qui ne m'a pas totalement convaincue et n'aura hélas pas été un coup de coeur. Je crois qu'il m'a manqué un peu de peps dans ce monde qui semble à la fois si lointain et si doux, une intrigue un peu plus construite ou apportant un peu plus de réponses sur cette société et peut-être quelques longueurs qui auraient pu être évitées pour redynamiser un peu l'ensemble.

Un roman à découvrir malgré tout, ne serait-ce que pour son anticipation si réaliste et pour certains passages magnifiques mais une lecture que je n'aurais finalement pas autant adorée que je l'aurais souhaité !
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