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EAN : 9782384062874
336 pages
Editions Douro (01/12/2023)
4.89/5   9 notes
Résumé :
Les cris, nouvel inventaire, fait suite à un premier texte qui comportait quatre-vingt-dix-neuf fragments numérotés. Ce nouvel inventaire ajoute à ces derniers une centaine de nouveaux fragments, soit en totalité, 199 « cris ». Ces « cris » ressemblent à ceux que nous pouvons entendre à deux pas de chez nous, dans la rue, au cœur de notre foyer ou dans les profondeurs de notre imaginaire : le boucher, le bûcheron, un flic, un juge, un voisin sans histoire, deux coll... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (8) Voir plus Ajouter une critique
Les Cris. Nouvel inventaire, est un livre hors normes, à la fois loufoque, poétique, déjanté et très réaliste. En reprenant et complétant son premier, ses premiers 99 cris, Christina Mirjol affirme un peu plus son extrême originalité, son sens du théâtre et son don pour l'observation de la vie quotidienne.
En 199 cris, certains très brefs, l'autrice passe en revue une somme importante de comportements, de drames du quotidien, d'absurdités que chacun de nous peut constater ou entendre. le Cri n° 74 concernant les ronds-points est un modèle du genre.
Christina Mirjol, découverte avec plaisir dans Un homme, sait mettre en forme tout ce qu'elle observe et imagine ; elle articule ces cris déchirant le silence ou se contentant d'assumer leur réalité avec force.
Bien sûr, un écrivain revient régulièrement comme ce chien ou ce paillasson – pas de comparaison hasardeuse, s'il vous plaît ! – ce paillasson source de bien des conflits mais j'aurais préféré plus de liant, même si je sens sourdre régulièrement ce réalisme terrible que ces Cris mettent à jour. Je pense en particulier à cette petite fille qui doit faire 20 kilomètres à pied pour aller chercher de l'eau au puits (Cri n° 8).
C'est un véritable monde de l'absurde que l'autrice révèle et pourtant, chacun de nous peut avoir assisté à certaines scènes. Cela peut être du théâtre car certains dialogues sont surréalistes, accompagnés de didascalies.
Les tranches de vie qui se succèdent peuvent être tragiques ou comiques, révélant le summum de l'incompréhension dans certains couples avec cette jalousie toujours sous-jacente.
De plus, Christina Mirjol sait jouer avec les mots. Cela peut être désopilant comme dans ce Cri n° 71 où la femme d'un mari rencontre la femme d'un autre. Les voilà qui comparent la toux de l'un et les éternuements de l'autre…
Le Cri n° 76 est court et réussi lorsque le vocabulaire de l'informatique pousse aux cris de l'incompréhension. Bien sûr, l'humour noir est présent et le portrait ornant la couverture, repris en noir et blanc à la page 174, signé Jacques Cauda, colle bien à ce nouvel inventaire des Cris.
Ce peut être à l'occasion surréaliste, à la limite du fantastique, avec des enchaînements parfois difficiles à comprendre. Quant au Cri n° 122, c'est à moi qu'il fait pousser un cri d'horreur à cause de cette mère et de sa fille de quinze mois qu'elle confie à la marée… comble du désespoir. La folie n'est jamais loin ; l'esprit très agité de cet homme dans un train en est bien la preuve.
Christina Mirjol, avec talent, donne aussi la parole à ces gens qui déballent leur savoir, étalent leur suffisance mais elle touche à l'excellence dans le Cri n° 192 ; un texte magnifiquement réaliste fait vivre un enfant qui s'émancipe, qui se dégage de la protection de sa mère, qui grandit. le texte dépouillé, à l'os, comme on dit aujourd'hui, est d'une efficacité impressionnante, tout en poussant l'émotion au maximum.
Enfin, Les Cris. Nouvel inventaire, se terminent par ce Cri n° 199 qui résume bien l'ensemble : « Oh ! vous savez, ça ne s'arrange pas, non non, ça ne s'arrange pas du tout… Nous, maintenant, c'est pas compliqué, on a peur de vivre ! »
Je remercie chaleureusement Christina Mirjol pour cette expérience littéraire hors nomes, d'une originalité bouleversante, qu'elle m'a permis de vivre en me confiant Les Cris. Nouvel inventaire.

Lien : https://notre-jardin-des-liv..
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La collectionneuse de cris et ses tranches de vie saisissantes !
199 cris, soit 200-1, celui qui surgit en refermant le livre, dans la gorge nouée du lecteur spectateur (impuissant ?).

Le théâtre et la théâtralité occupent une place importante dans la vie et l'oeuvre de Christina Mirjol que je remercie de m'avoir confié son nouveau livre.

Matériellement, c'est très « appétissant » : une couverture élégante et fort à propos qui reprend une peinture de Jacques Cauda, un format agréable à manipuler et une mise en page très aérée.

Sur son site internet, cette admirable femme de lettres a mentionné :
« Les Cris est un ensemble polyphonique numéroté qui se compose de quatre-vingt-dix-neuf fragments. C'est une série ouverte, susceptible à tout moment d'accueillir d'autres “numéros”. Certains nouveaux fragments ont été publiés dans diverses revues et certains autres sont inédits. Il en existe actuellement plus de deux cents. »

Sur mon exemplaire dédicacé, ses cris sont qualifiés de « fragments de voix à lire et à entendre », avec cette importante polysémie du verbe entendre.

J'en sors de nouveau éblouie par le style de Christina Mirjol, qui sait aussi bien mener une réflexion sur la guerre ou/et la condition de l'écrivain, pour ne mentionner que deux des nombreux thèmes présents.
Son sens de la concision est remarquable, comme dans le cri n° 91.
Des portraits forts se tissent de cri en cri et tentent de nous convaincre de joindre notre voix personnelle.
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Christina Mirjol vient de publier fin 2023 Les cris Nouvel inventaire, qui ajoute à un premier texte, Les cris, comportant quatre-vingt-dix-neuf fragments numérotés, une centaine de nouveaux fragments. Ce livre est constitué donc de cent-quatre-vingt-dix-neuf cris, des cris variés, des cris doux, d'autres plus violents, des cris que l'on n'entend pas parfois ou qu'on ne veut pas entendre, une multitude de cris.
Toutes sortes de cris se font ainsi entendre dans ce recueil, des cris que nous pouvons entendre dans notre sphère proche ou dans la rue, des cris entendus ou imaginés, des cris d'animaux ou même celui des arbres et de leurs branches lorsqu'ils sont abattus, et le cri d'effroi de la forêt qui en découle, en les voyant s'effondrer…
Certains sont déchirants, pas forcément par leur volume mais par l'intensité de ce qu'ils suggèrent, ainsi le cri 151 des enfants du monde tout en retenue mais tellement puissant ou le suivant, ce cri de peur des étrangers, cri d'anticipation, hélas bien actuel…Un cri très fort m'a bouleversée, celui du soldat.
Ce sont des cris d'indignation, des cris de peur, des cris d'incompréhension souvent, des cris brefs mais qui, souvent, dévoilent des situations de longue durée et des pans de vie entiers.
Dans tous ces fragments, Christina Mirjol allie avec talent l'absurde et l'humour dans une forme de poésie fort originale et personnelle.
Je me suis régalée et ai vraiment ri (et pourtant…) avec le cri 49 dans lequel Gérard perd de plus en plus souvent des mots, et n'ai pu m'empêcher de penser au style du grand Raymond Devos.
Des cris, des cris, mais aussi parfois un silence assourdissant plus fort qu'un cri, un silence de peur consécutif à un bruit explosif, un mutisme épouvanté qui s'établit quand la force publique vient chercher une enfant de sept ans…
Pour apprécier pleinement tout ce cortège de clameurs, pour pouvoir bien les entendre et qu'elles ne soient pas étouffées par leur nombre, je les ai dégustées par petites touches afin de les savourer à leur juste valeur. Il faut en effet prendre son temps si l'on veut mieux pénétrer ce théâtre de l'absurde et entrer dans l'intimité de ces êtres errants sans repère avec leur difficulté à communiquer ou leurs rêves ésotériques.
Tous ces fragments de vie, ces éclats de voix parfois imaginaires attendent, j'imagine, avec impatience, de prendre leur envol, et d'être incarnés sur scène par des voix tout aussi talentueuses que la plume de l'autrice l'a été pour les coucher sur le papier.
J'avais eu le privilège de découvrir Un homme, le dernier roman de cette brillante autrice de romans, de nouvelles et de pièces pour le théâtre et j'ai retrouvé dans Les cris, nouvel inventaire, malgré la différence de forme dans l'écriture, un style assez similaire à la fois théâtral et poétique, où tragédie et comédie cohabitent.
À noter la magnifique peinture toute en pastel de la couverture signée Jacques Cauda, créateur d'un nouveau courant pictural, le mouvement surfiguratif, à mi-chemin du visible et de l'invisible, ce peintre dirigeant par ailleurs la collection La Bleu-Turquin des éditions Douro, éditrice de ce récit-théâtre Les cris, nouvel inventaire. Cette oeuvre est à mon sens en parfaite adéquation avec l'écriture de Christina Mirjol et c'est une excellente idée de l'avoir reproduite en noir et blanc pour marquer le passage au centième cri.
Les cris. Nouvel inventaire est un roman sensoriel de l'absurde hors-catégories !
Un grand merci à Christina Mirjol pour m'avoir réitéré sa confiance.
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"Une vache : Je ne regrette rien, l'herbe n'était même pas bonne."
(Cri n°98)

Une lecture réellement irréelle.
Non ! Plutôt réelle ?
Non, non plus.
C'est évident que ce n'est pas si évident, n'est-ce pas ? Ou pas ? le mot "réalité" doit être l'un des plus usités dans toutes les langues du monde. On croit tous savoir ce qu'il veut dire, mais quand nos réalités respectives entrent en conflit, souvent, on crie. Parfois intérieurement, ou sans même le savoir.
Les "cris" de Christina Mirjol ne sont pas forcément des exclamations de rage ou de douleur (quoique...), plutôt des situations où nos réalités se frôlent sans se rencontrer. Les mots en cages numérotées, les cris sans échos, et parfois aussi - vous verrez ! - des échos sans cris, qui pointent les situations du quotidien. Est-ce qu'une situation du quotidien vue en dehors de son contexte devient absurde, pour le spectateur ? Voilà la question...

J'ai longtemps réfléchi à quel autre écrivain me font penser ces textes de longueur variable, classés dans un livre à la couverture inhabituellement plaisante au toucher... et tout en tripotant distraitement la douceur suédine, je me suis souvenue de Daniil Harms, cet enfant terrible de la littérature russe. Ses textes vous feront rire, mais avec un frisson désagréable dans le dos : oui, ça a l'air drôle, mais quelque chose ne va pas ! C'est la même chose avec "Les cris" ; ils laissent le lecteur les interpréter par lui-même, ce qui est un agréable rafraîchissement par rapport aux histoires en kit livrées avec un mode d'emploi. Ils nécessitent un peu de concentration, comme si vous suiviez un sketch ou une mini-pièce de théâtre absurde.
J'ai vu parfois cité "En attendant Godot", en rapport avec ce recueil... pourquoi pas.
Vous lisez donc "Les cris" (ou Beckett, Havel, Pinter... peu importe) pendant votre pause du midi, autour de vous les conversations vont bon train, et tout d'un coup elles commencent à se superposer avec les mots dans le livre. Les mots pareillement insignifiants, futiles et sans importance, pour tromper l'ennui. Vous vous sentez subitement comme un protagoniste du livre... Tout se mélange, l'un raconte quelque chose, l'autre fait semblant d'écouter mais ne l'écoute pas, ce qui ne l'empêche pas de répondre. C'est à la fois grotesque et tragique.
On apprend sur la quatrième de couverture que certains de ces textes étaient effectivement adaptés pour la scène, et je n'arrive pas à imaginer comment j'aurais réagi. C'est assez angoissant, somme toute, quand vous ne savez pas s'il faut en rire ou en pleurer ; même en ce qui concerne ce génial leitmotiv de l'homme au paillasson qui chemine entre les textes.
Et pourquoi, grands dieux, on qualifiait alors ce théâtre d'"absurde" ?, vais-je me demander probablement le jour de mon 126ème anniversaire.

"Une imbécile [du siècle dernier] : Je suis larguée, je ne comprends pas, ils parlent avec des mots. Ils disent : ECHAPPE. Ils disent MENU. RENTRER. SORTIR. Ca veut dire quoi ? Ils disent : SORS DU MENU. RENTRE DANS LE FICHIER. FAIS ECHAPPE. Je ne comprends pas."

Pour le peu que j'ai pu lire de Christina Mirjol, le cri semble être une métaphore qu'on trouve souvent dans ses livres. Un "cri" comme une situation qu'on voit partout autour de nous, qui est là dès le matin au réveil, jusqu'au soir quand on regarde les infos à la télé avant d'aller au lit. le cri est un memento, le dernier stade d'un visage humain, qu'on a pris l'habitude de banaliser... D'où ce livre tragicomique. Son absurdité n'est pas une absurdité pour elle-même, elle exprime quelque chose de triste et d'insaisissable - les sensations d'impuissance, d'ennui ou de détresse - qui font partie de nos vies à nous tous.
Mention spéciale pour l'élégante construction du livre : les textes à la première vue indépendants se chevauchent, se complètent, se répètent (d'un autre point de vue) et le personnage de "l'écrivain" entre parfois en jeu, pour y mettre son grain de sel. Leur nombre, 199, insinue peut-être qu'on n'a pas fini de crier, et donne envie d'arrondir le compte par votre propre contribution.
4,5/5. Un inventaire sonore que j'ai découvert avec curiosité et plaisir, merci Christina !
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C'est avec un dessin surprenant que l'on aborde ce nouvel inventaire, un visage à la Willem de Kooning, dans toute son aspérité, squelette ou vivant, les deux sans doute ou aucun, la bouche ouverte sur un cri.

C'est aussi un inventaire à la Prévert mais, cette fois, à propos du manque de communication, de la fatigue, du désespoir, des blessures jamais refermées, de l'apathie ambiante, inventaire des cris de la misère du monde. Tous, ces cris qu'on n'entend mais auxquels on ne s'habitue jamais. Elle le fait dire à un de ses personnages :

"L'habitude ça n'existe plus !"

Violence, guerre, accidents, noyades, suicides et turpitudes du quotidien qui n'en finit pas de quotidienner... Il y a aussi cette antique sagesse qui fait entendre sa voix dans nos rues; il y a même ce cri très logique d'Antigone qui adopte un sans-abri pour vivre son destin.

Et ceux de l'écrivain (personnage du livre) qui se met lui même en scène, les cris enfin de l'autrice Christina Mirjol qui les endosse et les consigne, les met en scène, traduit la laideur en beauté comme le fait cet autre personnage avec l'horreur de sa soeur morte d'épuisement en apportant l'eau :
"Quand je chante aujourd'hui et qu'il pleut sur la ville, je suis content. Je raconte à l'eau ce que je fais ici. Je dis ce qu'il y a de sec qu'il faudrait irriguer. Ce qui est trop mouillé. Ce qui est trop pourri."

Une suite de cris à lire avec parcimonie car leur intensité émeut, blesse parfois. Une suite de cris, pourtant, qui se répondent, qu'il faut lire ensemble car elle forme un écheveau de destins qui se croisent, croisent leurs souvenirs, leurs désespoir et engendrent leur descendance... Aussi souvent faut-il même revenir en arrière, réécouter les cris plus anciens pour comprendre les plus récents car ce sont bien des récits ou plutôt de vraies vies qui se tissent dans les pages.

Parmi tous ces cris, les plus silencieux ne sont-ils pas les pires tels ceux de ces personnages à la Beckett traînant leur paillasson au travers d'une scène imaginaire symbolisant pourtant ce qu'il y a de plus authentique dans notre vécu ? Ne sommes-nous pas tous des cris plus ou moins silencieux ?

Chaque cri est un poème, une sphère où s'ouvre un monde entier; chaque cri invente le suivant, l'appelle, chaque cri complète le précédent, l'explique tout en le niant, tous ces cri, tous ces cris, l'humanité s'y cherche-t-elle pour au moins respecter un moment de silence.

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Citations et extraits (15) Voir plus Ajouter une citation
Cri n°94
Un résistant de l'an deux mille :
Mon père n'avait pas de téléphone. Ni mon grand-père. Ni mon arrière-grand-père. Ni aucun de mes ancêtres. Je n'aurai pas de téléphone.

Mais monsieur, puisqu'on vous l'offre !... C'est gratuit !

Je n'en veux pas.
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Cri n° 72
Un homme, une femme, en voiture

Un bel été. Ce sera un bel été, je te le garantis. Oui. Un bel été...
Tu as vu le ciel ?... Le ciel !... Oh ! le ciel !... Est-ce que tu crois qu’il y aura un seul nuage ?... Pas un. Comment tu as dit tout à l’heure ?... Comment tu as
dit ?... Un ciel... Un ciel...

Un ciel de plomb.

Ah non !

Non ?

Pas de plomb !... Pas de plomb, mon amour. Tu n’as pas dit un ciel de plomb. Pas un ciel de plomb.

Tu crois ?... Je n’ai pas dit de plomb ?

Non, mon amour. Non.

Non ?... Un ciel léger, alors ?... Un ciel léger, mon amour.

Non, mon amour. Non.

Je ne vois pas, mon amour... Un ciel bleu ?... Bleu ?... Un ciel bleu.

Non. Non, mon amour. Tu le fais exprès ! Un ciel... Un ciel... Oh, mais comment est-ce que tu as dit ?... Qu’est-ce que tu as dit ?... Tu l’as même répété. Tu l’as répété, mon amour... Tu as dit... Tu as dit...

J’ai dit un ciel bleu. Bleu comme l’année dernière.

Non.

J’ai dit bleu. Qu’est-ce que j’aurais pu dire d’autre que le ciel est bleu, mon amour ? C’est dément, ces discussions.

DÉMENT !... Dément, voilà ce que tu as dit ! Pas bleu, mon amour, dément !... Tu as dit : Oh ! comme le ciel est dément, cette année !

Ah bon ?

Oui !

Il n’arrête pas de faire beau aussi !

Oui, c’est trop !

Écoute, ça a commencé... non, hein ? ça a commencé en avril cette année... Hein ?... En avril.

Ça a commencé en avril. C’est venu d’un seul coup. Et depuis...

Et depuis ça continue. Le ciel est détraqué.

Oui, d’habitude ça vient progressivement. Il fait chaud normalement. Un peu chaud... Et puis... après...

Très chaud.

Très très chaud, oui. Mais là, d’un coup... chaud... chaud...

Oui, là.

Là. Non non. Chaud... chaud... Une chaleur !... À ne pas sortir de l’ombre. C’est pas compliqué, on s’assoit dans l’ombre, on attend la nuit.

Oui.

On a bien roulé quand même... Hein, mon amour ?

Oui.

On a bien roulé. Impeccable. Hein ?... Tu as dit quelque chose d’ailleurs...

Quand ?

Dans la voiture. Tu as dit quelque chose.

À propos de quoi ?

À propos du fait qu’on roulait tellement bien. Je ne sais plus ce que tu as dit... Tu as dit... Tu as dit...

J’ai dit que ça roulait bien.

Mais non, mon amour. Oui, tu as dit ça roule bien, mais tu as ajouté quelque chose... Oh... qu’est-ce que c’était ?... C’était... Comment c’était ?... C’était bien plus...

Je ne vois pas ce que j’ai pu dire d’autre.

Oh mais si, mon amour, voyons, rappelle-toi...

***

Cri n° 73
L’écrivain

Elle a dit ça roule comme sur un billard, mais ils n’arrivent pas à se le rappeler. Ils n’y arriveront pas. Ils vont chercher longtemps, bien après être arrivés, avoir fermé la porte, parlé à la voisine, avoir quitté le palier, raconté à la gardienne leur périple, ils auront cette impression de vague loupé qu’ils ont chaque fois dans ces cas-là et ça se verra à leurs froncements de sourcils, qu’ils ont raté quelque chose.
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Cri n°109
Une jeune fille
Voulant acheter pour moi des tulipes ce matin, j'hésite un bon moment devant le magasin : les violettes ou les rouges ?…
Les violettes en bouton ont de longues et belles queues mais qui tirent sur le jaune ; les rouges, elles, les ondes vertes mais courtes !
Tout en imaginant les queues démesurées dans le vase transparent, j'achète à contrecœur les rouges aux petites queues.
La fleuriste à présent étale sur le comptoir les tulipes écarlates et c'est à moi de payer.
Mon regret des violettes est alors à son comble et me rend subitement la vendeuse insupportable…

En arrivant chez moi, je dispose de bouquet au centre de la table. Je ne le regarde plus…

Les fleurs furent équitables. Leurs vaillantes petites queues ne fléchirent pour de bon qu'au bout du sixième jour.

(p. 195)
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Cri n° 135

Une petite voyageuse
Dans le TGV 805, Paris Bordeaux, 15 heures, une sourde-muette traverse mon wagon et dépose çà et là des stylos en plastique sur les tablettes baissées des voyageurs assis. De minuscules cartons qui expliquent je ne sais quoi accompagnent les stylos... Je trouve ça un peu gros, même un peu culotté, je trouve ça ridicule. Comment une telle combine peut-elle d’ailleurs marcher ? Dans un train !
Les stylos dédaignés par tous dans le wagon confirment ma remarque lorsque la fille repasse. Or, l’un des voyageurs, assis à ma hauteur, tend maintenant sa main et achète le stylo. En payant, il sourit, et la fille remercie dans sa langue de sourde.
Un brin déconcertée, je m’esquive aussitôt du côté de la vitre. Le train roule et plus tard cette scène particulière me revient en mémoire alors que l’homme descend. Son geste me revient. Désintéressé et si simple – un seul dans le wagon.
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Cri n° 151
Les enfants du monde et le Père Noël

Père Noël, je voudrais un camion et une bouée et une console vidéo et un habit de Zorro et un masque de plongée et un tank et une poupée et des crayons de couleurs et des pinceaux et un aquarium et un vélo et une girafe et un train électrique et une piscine et un habit d’Indien et une locomotive et un lion et une paire de rollers et un Monopoly et un hélicoptère.

Père Noël, je voudrais deux oranges.

Père Noël, je voudrais une orange.

Père Noël, je voudrais quelques graines à planter si tu peux, et de l’eau.

Toi, je t’apporterai tout ce que tu m’as demandé. Toi aussi, l’orange tu l’auras, la deuxième aussi, je t’apporterai deux oranges. Pour toi qui ne veux qu’une seule orange, je verrai ce que je peux faire. Quant à toi, pour les graines, je ne te promets rien pour cette nuit.

P. 257
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