Dans son livre
Trois anneauxDaniel Mendelsohn revient sur sa recherche dans plusieurs pays dont en premier l ‘Ukraine, où a eu lieu le génocide d'une partie de sa famille, puis dans ceux où vivent les survivants et leur descendance ; il a dû voir les restes de ces abominations, descendre dans des caves où se sont cachés , avant de mourir , un de ses oncles et sa fille, visiter le camp d'extermination de Belsec, et a écrit «
Les disparus », ce qui a provoqué chez lui un choc post traumatique ,une dépression dont il n'est sorti qu'avec le projet d'un livre « Une Odyssée, un père , un fils, ».
Mais son éditeur lui suggère une composition moins linéaire, des retours en arrière, des bonds en avant, un tricotage des faits destinés à former une histoire.
Comme avait fait
Homère.
Durant le retour d'Ulysse à Ithaque, et la reconnaissance par sa nourrice devenue vieille de sa cicatrice,
Homère explique en d'apparentes digressions le pourquoi de la cicatrice, sa visite à son grand père et jusqu'à sa naissance. Par cercles concentriques, utilisés dans l'Odyssée initiale et celle de Mendelsohn, nous quittons la voie toute droite, et prenons les sentiers détournés…. Mais qui servent absolument à comprendre mieux de quoi il est question.
Ulysse lui même est un être « plein de détours », menteur parfait, hâbleur à ses heures, et aussi détourné de sa route, parfois revenant sur ses pas, voyageant en cercles, en spirales, tournant en rond.
Un errant, cet Ulysse.
Mendelsohn en profite pour parler de toutes les exterminations depuis que le monde existe, de toutes ces villes détruites, disparues comme Troie, l'empire chrétien de Byzance pillé par les croisés, ou Thessalonique, mise à sac par d'autres chrétiens, ainsi que de tous ces exilés volontaires ou forcés, de tous ces errants comme Ulysse.
Ils peuvent être juifs des années 1930, ou juifs et musulmans expulsés d'Espagne en 1492 par le traité de l'Alhambra ( le sultan d'Istanbul Bayezid II ironise en parlant de son rival ibérique : Vous prétendez que Ferdinand est un souverain sage, lui qui a appauvri son pays et enrichi le mien )
Puis il se réfère à Auerbach, le philologue allemand, qui repère deux façons de raconter une histoire : la première, en boucle, utilisée par
Homère dans l ‘Odyssée, la deuxième, linéaire, comme dans la Genèse.
Or Auerbach semble préférer le deuxième procédé linguistique.
Et Mendelsohn se croit floué, puisqu'il avait défendu et utilisé le premier.
Cependant, il continue, et virevolte de
Proust à
Fénelon, le point commun entre ce dernier et
Homère étant que le traducteur turc qui a traduit et fait ressortir de l'oubli le Télémaque de
Fénelon,(exilé de la cour de
Louis XIV qui n'a pas bien digéré ses conseils sur le métier de roi) réussit en quelque sorte une boucle parfaite, départ de Troie et retour à Istanbul .
Malheureusement, Mendelsohn se perd et nous perd, dans des digressions sans fin, une érudition un peu inadaptée, des souvenirs de ses jeux d'enfant qui n'intéressent que lui, même s'il essaie de les rattacher à son exposé universitaire. Ces souvenirs infantiles, déjà étalés dans ses deux premiers livres, n'ont plus de charme, peut être parce que, de plus, le propos est loin de nous passionner autant .