AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
>

Critique de michfred


Conte d'exils, critique littéraire érudite sur les techniques narratives, pause et fugue littéraire en pleine "aporia" créative , essai brillant mêlant confidence personnelle, érudition et secrets de cuisine d'écrivain, éloge du détour qui sauve de la panne d'écriture, Trois anneaux est un peu tout cela à la fois.

Mais c'est beaucoup pour 180 pages. C'est trop.

D'abord charmée de retrouver l'auteur d'une Odyssée et des Disparus, délicieusement divertie des rencontres littéraires imprévisibles que ces trois anneaux ménageaient-Auerbach, Fénelon, Proust, Sebald et tant d'autres- ce labyrinthe de cercles concentriques, cette gare de triage pour auguilleur fou m'ont vite donné le tournis.

J'aime les détours quand après vous avoir égarée ils vous éclairent.

Quand, après les milliers de pages de la Recherche, le côté de Guermantes et celui de Swann se rejoignent enfin, quand son cours sur l'Odyssée mène Daniel Mendelssohn, nouveau Télémaque, à découvrir enfin son père, mais ces Trois Anneaux m'ont, je l'avoue, déçue.

Faute de clé, faute de sens, cet élégant embrouillamini m'a paru vain.

Certes il a eu pour effet de sortir l'auteur de son "aporia", cette impasse qui guette les écrivains les plus inspirés, et de lui permettre de meubler le vide entre le désespoir émotionnel qui a suivi Les Disparus et le désespoir narratif qui a suivi Une Odyssée-dont nous apprenons qu'il a repris entièrement la construction trop linéaire pour une construction circulaire et truffée de digressions qui en a fait le chef d'oeuvre qu'on sait.

Mais fallait-il publier cette ordonnance salvatrice ? Donner la recette des épices réveillant le désir d'ecrire? Je ne le crois pas.

Les Essais de Montaigne pratiquent cette démarche "à sauts et à gambades" prônée par Trois anneaux, ils mêlent en effet, pour notre plus grand plaisir et la sévère condamnation de Pascal, la confidence personnelle à la réflexion philosophique et une réflexion sur les comportements contemporains à la lecture éclairée des Anciens, mais ils débouchent toujours sur une clé de lecture utile à tous, ils nous rendent moins sots , moins ignorants et surtout plus ouverts, plus riches, plus sages.

Trois Anneaux n'est pas un Essai, cet "exagium", cette "pesée" qui préside à la pensée. C'est une tentative, un brouillon , comme on griffonne sur une page avant de trouver la fermeté du trait, l'unique trait de pinceau cher à Fabienne Verdier. Que l'auteur y ait recours ne nous concerne pas, ne nous éclaire pas.

Lire les Trois anneaux lève un coin du voile des secrets de fabrication d'un livre mais sans ce commun usage qui fait la générosité des Essais de Montaigne. La publication de cet exercice m'a paru un peu vaine. Et sa lecture aussi, je l'avoue, malgré mon admiration inconditionnelle pour cet auteur.
Commenter  J’apprécie          545



Ont apprécié cette critique (50)voir plus




{* *}