AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
EAN : 9782378802424
325 pages
L' Iconoclaste (09/09/2021)
  Existe en édition audio
4.56/5   1170 notes
Résumé :
« On nous a appris que l’histoire avait un sens et que, concernant les femmes, elle allait d’un état de servitude totale vers une libération complète, comme si la marche vers l’égalité était un processus naturel. Ce n’est pas exact. On a travesti les faits. »

De tout temps, les femmes ont agi. Elles ont régné, écrit, milité, créé, combattu, crié parfois. Et pourtant elles sont pour la plupart absentes des manuels d’histoire.

Pourquoi ce... >Voir plus
Que lire après Les grandes oubliées : Pourquoi l'histoire a effacé les femmesVoir plus
Critiques, Analyses et Avis (217) Voir plus Ajouter une critique
4,56

sur 1170 notes
Avec « Je suis une femme sans histoire », Alice Zeniter s'amusait déjà à démontrer que la littérature a toujours été une affaire d'hommes. Avec « Les Grandes Oubliées », l'essayiste Titiou Lecoq porte encore un peu plus haut le flambeau du mouvement féministe.

Pourquoi les femmes sont elles absentes de nos manuels d'histoire ? S'agit-il d'un oubli, d'une omission, voire carrément d'un effacement volontaire ? À travers ce roman, l'autrice propose une relecture chronologique et radicale de l'histoire, de la préhistoire jusqu'à nos jours, redonnant une voix et une place à ces femmes « oubliées »… la place qu'elles méritent et pas seulement celle que les hommes ont bien voulu leur donner.

Appuyant cet éclairage féminin sur un travail de recherche rigoureux et saupoudrant le tout d'un ton léger et délicieusement cynique, Titiou Lecoq livre un récit accessible et didactique, qui démontre que les droits des femmes n'ont pas toujours progressé au fil des siècles, bien au contraire, et que leur combat est encore loin d'être terminé.

En retirant le féminin des métiers exercés de son dictionnaire et en décidant que le masculin l'emporterait toujours sur le féminin pour l'accord des adjectifs, l'Académie Française aura également contribué à asseoir la supériorité du genre masculin… jusque dans cette belle langue que l'autrice utilise à merveille pour nous démontrer le contraire.
Lien : https://brusselsboy.wordpres..
Commenter  J’apprécie          13015
Vous saviez que contrairement aux idées reçues les droits des femmes ne sont pas allés crescendo?Qu'elles étaient plus libres au moyen-âge qu'au siècle des Lumières ? Qu'il existait des chevaleresses, des jongleresses, des bâtiseuses de Cathédrales, des autrices et même des reines françaises qui régnaient non pas dans l'ombre d'un roi mais seules ? Que ces mots ne sont pas inventés ou tirés du masculin mais qu'il s'agissait bien de mots féminins ? Que le masculin ne l'a pas toujours « emporté sur le féminin » ? Ce n'est qu'au XVIIème siècle que l'Académie Française en a décidé ainsi arguant du fait que l'homme était supérieur à la femme. Alors, l'écriture inclusive on aime ou on n'aime pas mais c'est quand même sacrément gonflé de dire que l'on dénature la langue française quand on sait ça !

Mais voilà le problème est là, on ne le sait pas car tout ça les manuels d'histoire n'en parlent pas. Des femmes non plus d'ailleurs, en moyenne sur un manuel de 200/220 pages, 7 ou 8 sont consacrées aux femmes. A ce stade il ne s'agit pas d'un oubli mais bien d'une volonté délibéré de gommer le rôle des femmes dans l'Histoire et d'enseigner et de transmettre l'Histoire de France au masculin.

Je vous vois arriver avec votre argument : ben c'est parce qu'il n'y a rien à dire. Ta ta ta je ne veux pas entendre ça ! Il y a matière c'est juste qu'on a fait disparaître le rôle de la moitié de la population française de nos enseignements.
Pourtant les femmes font partie de l'Histoire autant que les hommes. Et il y a de quoi faire comme le montre Titiou LECOQ dans son livre foisonnant de connaissances. Elle s'appuie sur des recherches sérieuses et étayées, cite ses sources, donne des références. Ce sont des faits qu'elle relate pas des carabistouilles ! Elle nous raconte tout ça sur un ton drôle et mordant avec dynamisme et passion. le livre ne se lit pas il se dévore !

L'autrice envoie valser les idées reçues et recadre les choses. Elle redonne à ces grandes oubliées la place qu'elles auraient toujours dû occuper parce que ce qu'elles ont accompli le justifie. Guerrières, chevaleresses, reines, ouvrières, militantes, suffragistes (non pas suffragettes) autrices résistantes, depuis toujours elles luttent, défendent leurs droits leur pays, leurs idéaux, leurs convictions et parce que ce sont des femmes tout cela est passé sous silence.

Les femmes ne sont pas les petites choses fragiles pour lesquels la société veut les faire passer depuis des lustres. Elles sont en lutte constante : pour le droit de vote, le droit à disposer de leur corps, l'IVG, la contraception, le droit à hériter, à travailler, à être autonome… tous ces droits les femmes les ont arraché à force d'obstination. Parce qu'entre le droit et la religion on part de loin ! D'ailleurs merci Napoléon pour ce beau code civil qui nous classe parmi les biens meubles de nos chers époux !
Vous allez me dire que si tout ça vous l'avez vu en histoire. Super alors interro : le nom d'une femme militante pour le droit à l'avortement ? quelques noms du manifeste des 343 ? le nom d'une reine de France (pas la femme d'un roi hein une vrai reine!), le nom d'une autrice du siècle des Lumières ? D'une sculptrice ? D'une peintre ? le nom d'une révolutionnaire (non pas Olympe de Gouge c'est trop facile!)…Ah ah c'est pas facile. Essayez avec des noms d'hommes vous allez voir c'est beaucoup plus accessible.

De la préhistoire à aujourd'hui Titiou LECOQ balaie les a priori sexistes et revient aux faits établis par les historiens (surtout les historiennes d'ailleurs).

Un livre qui n'a rien d'un pamphlet à l'encontre des hommes mais qui incite à la prise de conscience et à lutter contre ce que l'autrice appelle l'oublioir (terme emprunté à Aimé CESAIRE). Parce que non on ne fait pas des « trucs de mecs » on fait ce qu'on a envie de faire. Et non nous ne sommes pas des garçons manqués, juste des filles réussies !

Quand les petites filles pourront enfin s'identifier à leurs aïeules, femmes des cavernes, chevaleresses du moyen-âge, révolutionnaire chantant la carmagnole, militante pour le droit à l'avortement, résistante pendant l'occupation nazi ? Rendez nous nos héroïnes !

Ce livre passionnant et plein de connaissances se lit comme un roman. Enthousiasmant !
Commenter  J’apprécie          10639
Titiou Lecoq fait une relecture de l'histoire, de la préhistoire au monde contemporain, à travers une question : pourquoi ne parle t'on jamais, ou si peu, des femmes dans les livres d'histoire ?
Elle démontre que les femmes ont eu une importance sociale que la modernisation de la société a progressivement réduit, jusqu'à les réduire au 19ème siècle à des génitrices honteuses (on leur demande de procréer tout en glorifiant leur virginité). Ce n'est qu'au milieu du 19ème siècle, et surtout au 20ème, que les mouvements féministes ont commencé à agir pour inverser la tendance.

J'ai retrouvé dans cet ouvrage la plume et la verve espiègles que j'avais découvertes dans le précédent ouvrage de l'autrice (elle m'a convaincu d'utiliser ce terme, plutôt que "auteure"), Honoré et moi, chez le même éditeur. Elles sont mises ici au service d'une cause, une cause que l'on pourrait qualifier de "féministe" mais que je préfère dire de "vérité historique"...
En effet, le propos de Titiou Lecoq n'essaie pas de nous convaincre, frontalement, que la lutte féministe est juste. Elle cherche à nous montrer que le patriarcat a revisité l'histoire, en gommant le rôle des femmes, et l'évolution de ce rôle, dans les sociétés, au fil du temps ; en caricaturant à peine, c'est comparable à ce que faisait le pouvoir stalinien en URSS en effaçant sur les photos officielles les dirigeants tombés en disgrâce...
Le résultat est un essai qui se lit facilement, un peu comme un roman biographique dont le personnage principal serait La Femme.
Personnellement, je ne lui ferai qu'un petit reproche, une petite frustration : de nombreux personnages féminins sont évoqués dans le livre ; j'aurais souvent aimé en apprendre plus sur eux, par exemple avec des fiches biographiques en annexe. À défaut, cherchons sur Wikipedia et Internet...


Lien : http://michelgiraud.fr/2022/..
Commenter  J’apprécie          794
Voici un livre a mettre entre toutes les mains, un livre qui casse les idées reçues et nous amène à découvrir ou revoir le rôle des femmes dans L Histoire. Titiou Lecoq, dans un style clair et bourré d'humour, nous fait découvrir ces femmes, omises, oubliées, effacées (le choix du mot a son importance) des leçons d'Histoire.

Lorsque je dis que le choix du mot a son importance, ce n'est pas seulement pour signifier qu'en fonction de celui qu'on choisira, l'intention n'est forcément pas la même : oublier est une chose. Effacer en est une autre...
Les mots ont tellement d'importance, qu'en faisant disparaître au XVIIième siècle de son dictionnaire le féminin de métiers exercés également par les hommes et les femmes, L Académie Française a contribué à leur en compliquer puis interdire l'accès : Ce n'était plus une évidence qu'il y ait des autrices, des médecines, des bâtisseuses de cathédrale, des peinteresses...., jusqu'à ce que cela ne leur soit plus possible de l'être. Tout simplement. C'est affligeant comme cela peut paraître simple sur le papier : On efface un mot et Hop ! au fil des ans, ce qu'il signifie s'envole avec lui. L'articulation du signifiant et du signifié, au coeur de temps de maux, dans ce domaine comme dans bien d'autres...

Simple ? Il ne faut pas croire que cela s'est fait sans résistance et sans heurts. Titiou Lecoq nous donne à lire ces combats, nous incite à découvrir, vérifier ses sources (si vous avez des doutes, c'est open bar, tout y est !), sans en faire un pamphlet contre les hommes. Il faudrait qu'on arrive à dépasser cette dichotomie, qui n'a d'utilité pour les uns et les unes, que de faire taire les autres (peu importe ce qu'ils ont - ou pas - entre les jambes).

"On ne peut pas comprendre les difficultés qu'ont affrontées les femmes pour gagner en égalité si on ne comprend pas que leur refuser ces droits était l'une des bases idéologiques de notre culture. Leur accorder l'égalité, c'était remettre en cause les fondements mêmes de notre civilisation, et pour cela il fallait révolutionner notre vision du masculin et du féminin. Cela signifie également qu'il n'y a pas un sens dans lequel irait l'histoire, où les femmes gagneraient forcément de plus en plus de droits. Il y a des périodes durant lesquelles elles en ont perdu - et toujours, elles se sont battues pour être mieux considérées."

Posons les faits tels qu'ils sont et voyons comment faire évoluer notre société pour (re)donner aux femmes, non la place qui est la leur (cela voudrait dire quoi, d'ailleurs ?) mais tout simplement DE la place ! Et pas que dans les livres d'Histoire, mais dans la "vraie vie" : les métiers, les plateaux de TV, les terrains de sport, les centres de recherche, les bars et les rues à toute heure du jour et de la nuit... sans avoir à se justifier pour les unes ou grincer des dents pour quelques autres !
Lien : http://page39.eklablog.com/l..
Commenter  J’apprécie          629
Voici un ouvrage passionnant et piquant que j'aurais voulu découvrir beaucoup plus tôt pour mieux apprécier mes cours d'Histoire !

Titiou Lecoq m'a fait redécouvrir des millénaires d'Histoire comme je ne l'ai jamais étudié! En partant de la période préhistorique jusqu'à nos jours, Titiou Lecoq nous explique, et ce pour notre plus grand plaisir, les raisons pour lesquelles L Histoire (et donc les Hommes) a délibérément décidé d'effacer les femmes dans ses récits.

Je suis très contente qu'Audiolib propose dans son catalogue ce récit engagé et très instructif où l'on découvre de nombreuses anecdotes croustillantes et passionnantes. Autre petit plus de cette écoute très agréable ; le texte est lu par Titiou Lecoq.

Je tiens vivement à remercier l'autrice, Audiolib et Netgalley France pour m'avoir fait redécouvrir de manière originale L Histoire avec une grand H.
Que l'on soit adolescent ou adulte, cet ouvrage ne peut que passionner!
Commenter  J’apprécie          5111


critiques presse (1)
Culturebox
10 janvier 2022
En s'appuyant sur des travaux récents, elle analyse et décortique les mécanismes de domination avec humour et sagacité. Une belle façon de rendre hommage (pardon, femmage) à celles que les manuels d'histoire ont invisibilisées.
Lire la critique sur le site : Culturebox
Citations et extraits (194) Voir plus Ajouter une citation
Comment cette domination des hommes sur les femmes a-t-elle pu s'installer? Comment les femmes ont- elles accepté d'être considérées, de se considérer comme inférieures ? Comment la moitié de l'humanité a-t-elle pu soumettre l'autre, alors même que le différentiel de force physique n'était pas si important? Pourquoi les femmes ont-elles adhéré à un ordre social qui les défavorisait à ce point ?
Commenter  J’apprécie          30
Le moins qu'on puisse dire, c'est que le sexe féminin n'était pas honteux il y a 20 000 ans (il dérange beaucoup plus aujourd'hui sur Instagram). On le dessinait, on le gravait, on le sculptait. Ill est étonnant pour nous, dans notre culture où la vulve en tant qu' image n'existe pas, où ce qui est tagué sur les murs ou gravé dans les tables, ce sont systématiquement des penis et des testicules, il est donc extrêmement étonnant et rafraîchissant de voir toutes ces vulves plus ou moins stylisées. Quand j'étais ado et que je m'étais demandé pourquoi on dessinait toujours des sexes de garçon, j'en étais arrivée à l'explication pragmatique que c'était plus facile à reproduire. L'art préhistorique me détrompe. Une vulve, c'est très facile à représenter et on l'a fait pendant des milliers d'années à coups de triangles qui pointent vers le bas avec un trait vertical. L'invisibilisation de la vulve est un phénomène récent.
Commenter  J’apprécie          00
Parce que pour les Grecs, y compris les médecins, une femme, c'était avant tout un homme raté. On pensait que la naissance d'une femme était liée à un problème de température (ou parfois de sperme de mauvaise qualité). À la bonne température, vous obteniez un beau gâteau, sec et chaud, un homme. À la mauvaise température (pas assez chaud) vous aviez un gâteau humide et mou, un gâteau raté, une femme. À l'époque, et pendant très longtemps comme on le verra, on imaginait qu'hommes et femmes venaient du même moule. Par exemple, le clitoris était un zizi mal formé. Les ovaires étaient des testicules qui n'étaient pas bien descendus. Une femme, c'était une suite de dysfonctionnements. Et la perfection ne pouvait donc être que masculine.
Commenter  J’apprécie          00
Prenons un cas concret et totalement français. En 1758,
paraissent les œuvres complètes de Bernard de Fontenelle, un an
après sa mort. On y trouve la pièce Brutus. Problème : cette pièce
a été créée en 1690 et elle a toujours eu pour autrice Catherine
Bernard. Catherine Bernard a été la première femme dramaturge
jouée à la Comédie-Française. Elle est morte en 1712. Comment,
quelques dizaines d’années plus tard, peut-elle avoir déjà disparu
au point qu’on attribue sa pièce à un homme ?
On sait très peu de choses de sa vie, ce qui va bien sûr la
desservir. Elle est sans doute née en 1662, à Rouen, dans une
famille protestante. À l’âge de 17 ans, elle serait montée à Paris et
se serait convertie au catholicisme. Elle publie d’abord des
romans puis des poèmes, des contes (elle est l’autrice du premier
Riquet à la Houppe) et deux tragédies, Laodamie et Brutus, jouées
à la Comédie-Française et qui connaissent de gros succès. Elle
remporte trois fois le prix de poésie de l’Académie française et
trois fois celui de l’académie de Jeux oraux de Toulouse. À
partir de 1691, elle reçoit une pension de Louis XIV. Après 1698,
elle ne publie plus rien. Jamais mariée, sans enfant, elle meurt
dans l’indifférence générale. 1712. Ce qu’elle ne saura jamais,
c’est que ses ennuis ont commencé après...
Exactement en 1730, l’année où Voltaire fait jouer son propre
Brutus. À l’époque, pour être un grand auteur, il faut être un
grand dramaturge. Or, Voltaire est un peu dans la mouise à ce
moment-là, il a des problèmes d’argent, il revient tout juste d’un
exil en Angleterre – c’est le creux de la vague, mais il veut être
immense. Sauf que voilà : des critiques notent de fortes
ressemblances entre son Brutus et celui de Catherine Bernard,
non seulement dans la structure mais également dans les vers.
Pire, certains estiment que la pièce de Voltaire est inférieure à
l’originale. Ces accusations déplaisent fortement à Voltaire, qui
décide de se défendre en attaquant. Il affirme e, de toute façon, ce n’est pas Catherine Bernard qui a écrit Brutus, l’œuvre serait en réalité de Fontenelle – quitte à être accusé de plagiat, mieux vaut être le plagiaire d’un homme
que d’une femme. L’accusation est courante contre celles qui osent écrire. Elle pose une question : pourquoi un homme de lettres du dix-huitième siècle laisserait-il la paternité de son œuvre à une femme ?
Pourquoi, à l’époque, Fontenelle aurait-il accepté de laisser croire
que la pièce était de Catherine Bernard ? Comme le disait Marie-
Anne Barbier, autre femme dramaturge d’alors, dont on trouvait
les pièces trop bien écrites pour être vraiment d’elle : « Comment
les hommes nous céderaient-ils une gloire qui n’est pas à nous,
puisqu’ils nous disputent même celle qui nous appartient ? »
(Pause anecdote : en 1709, Marie-Anne Barbier avait écrit une
pièce intitulée La Mort de César. En 1736, Voltaire écrit une pièce,
La Mort de César, et à cette occasion glisse que celle de Barbier
n’est pas terrible, même si elle a été écrite avec... Fontenelle. Ce
qui était évidemment faux. C’est quand même marrant cette
manie, chez Voltaire, d’attribuer à Fontenelle les pièces écrites et
publiées par des femmes, pièces dont lui-même s’inspire.)
En 1751, quand il rédige la notice de Catherine Bernard pour
son Siècle de Louis XIV, qui fera référence, Voltaire enfonce le
clou en la décrivant comme « auteur de quelques pièces de
théâtre, conjointement avec le célèbre Bernard de Fontenelle, qui
a fait presque tout le Brutus ». Cette affirmation on étayée a
connu une postérité incroyable. Personne n’a jamais trouvé
aucune preuve de lien entre Catherine Bernard et Bernard
de Fontenelle. Fontenelle a certes écrit un article élogieux sur son
travail, comme la plupart des critiques de l’époque. Ils ont sans
doute dû se croiser, mais en réalité on ne sait même pas s’ils se
connaissaient.
Après la mort de Bernard de Fontenelle, un de ses biographes
a pourtant qu’il lui a avoué avoir écrit les œuvres de
Catherine Bernard. Enfin, toutes celles ui traitent de sujets
« virils ». La pièce Laodamie par exemple, qui s’intéresse aux
problèmes de la souveraineté féminine, n’a étrangement jamais
été attribuée à un homme.
Ensuite, ils sont tous passés en mode impro. De très chère amie de Bernard de Fontenelle, Catherine Bernard est carrément
devenue sa cousine. Au dix-neuvième siècle, dans un dictionnaire, on
trouve : « Les liens de l’amitié, plus encore que ceux du sang, lui
attachaient Fontenelle, et il contribua par ses conseils au succès
de sa fortune littéraire ; mais l’intérêt qu’il prenait à ses ouvrages,
t présumer qu’il y avait beaucoup de part. »
Longtemps, la fiche Wikipedia de Catherine Bernard énonçait : : « Née dans une famille protestante, cette nièce de
Pierre et Thomas Corneille et cousine de Fontenelle... » Comme
Bernard de Fontenelle était le neveu de Corneille et qu’on avait
décidé que Catherine Bernard était sa cousine, allez hop, elle
était aussi la nièce de Corneille. Comprendre : c’est une autrice
mineure qui a eu la chance que ses liens de sang lui permettent
de bénéficier d'une certaine fortune. Ainsi, sur le site de la BNF, où l’on présente Brutus : « Auteur
du texte : Catherine Bernard et Bernard de Fontenelle. »
J’ai regardé attentivement cette édition, et nulle part
n’apparaît le nom de Fontenelle, dont on ne sait pas, par
conséquent, ce qu’il fait dans la notice... Et sur sa che auteur
BNF, on a enlevé Fontenelle mais on a conservé Corneille :
« Romancière, dramaturge et poète. Nièce de Corneille. » Là
encore, rien ne le prouve ou même simplement le laisse penser.
« Calomniez, calomniez, il en restera toujours quelque chose. »
On aboutit à une situation absurde où, si l’on ne peut pas prouver que Bernard de Fontenelle n’a pas écrit Brutus, alors le doute est
permis. Peu importe que l’on n’ait absolument aucune preuve de
l’inverse. La précaution réside maintenant dans le fait de dire
que Fontenelle, un homme, bien sûr, est son coauteur.
Commenter  J’apprécie          30
À la fin des combats, France a certes gagné mais les hommes
reviennent traumatisés. Certains en veulent aux femmes qui ont
pris leur place dans la société, et n’ont pas vécu le même
cauchemar qu’eux. Pour eux, les femmes font partie des
« planqués ». On les soupçonne même d’avoir bien profité, pendant ce temps-là.
On dit souvent que la guerre a permis une libération des
femmes en les laissant remplacer les hommes au travail, mais ce
point reste très discuté par les historiennes.
Ce qu’on constate surtout pour la majorité des femmes, c’est
que dans l’après-guerre, cette crise de la masculinité entraîne un
renforcement des rôles genrés traditionnels. La démobilisation
des femmes est rapide et brutale – du jour au lendemain, elles
sont renvoyées à leur ancienne place. Les hommes veulent
retrouver le monde d’avant, et les femmes d’avant. Le
remplacement des hommes était exceptionnel et temporaire,
comme la guerre était un évènement exceptionnel qui a déréglé
un monde qu’il s’agit désormais de remettre à l’endroit.
Les femmes sont ramenées à leur mission principale sur terre :
être des utérus dociles et productifs. En 1920 et 1923, la France
adopte des lois qui réprimandent toute propagande antinataliste
et renforcent l’interdiction de l’avortement. Ce sont les lois les
plus répressives d’Europe. Concernant l’avortement, on décide de le correctionnaliser – cela consiste à transformer ce qui était
un crime en un simple délit. Les peines seront donc moins
lourdes ? La manœuvre est bien plus vicieuse : les avortements
étaient jusque-là jugés aux assises, donc par de simples citoyens.
Or on trouve les jurés populaires très indulgents dans ces
affaires elles passeront devant des juges
professionnels, qui vont être plus sévères et appliquer
strictement les textes. De fait, le taux d’acquittement tombe à
19 % entre 1925 et 1935.
[...]
Tout cela témoigne d’une obsession nataliste et d’une
régression des droits des femmes. Il y a ce que l’on peut appeler
une « nationalisation des femmes ». Elles s’appartiennent encore
moins qu’avant. Elles sont un bien national dont la fonction est
de repeupler le pays. Dès 1918, l’État met en place des cérémonies
en l’honneur des mères. Les mères de famille nombreuses
reçoivent une médaille. Et le discours médical insiste sur le
besoin de disponibilité maternelle parce qu’elles ont la charge de
l’hygiène morale des enfants. Se développent alors des leçons de
puériculture. La bonne mère se fait éducatrice et infirmière. a
femme a la responsabilité du bien-être des membres de sa
famille, et donc de leur santé. Le fameux care. Et pèse de plus en
plus sur elle la culpabilité de ne pas être à la hauteur.

Après la Première Guerre mondiale, nombre de pays accordent
le droit de vote aux femmes : l’Allemagne, les États-Unis, l’Italie,
le Royaume-Uni, l’Espagne, la Turquie... Mais un petit pays
résiste vaillamment à l’invasion des méchantes féministes : la
France, messieurs-dames. Chez nous, il est hors de question de
laisser ces folles à utérus voter. Une femme qui vote... quelle
horreur, quelle saleté...
Pour débloquer la situation, le Parti communiste accepte de
présenter des femmes sur ses listes aux élections municipales de
1925. Il use d’une certaine mauvaise foi pour contourner
l’interdiction. « Le fait de porter un nom de femme ne constitue
pas et n’a jamais constitué un cas de nullité », affirme le
journal L’Humanité car les « déclarations de candidatures ne sont
nullement obligatoires et que, ne comportant la présentation
d’aucun papier d’identité, personne n’a qualité pour certifier le
sexe du titulaire d’un prénom féminin ». Ainsi, Marthe Tesson
peut se présenter puisque rien ne prouve qu’elle est une femme
au moment du dépôt des listes. Elles sont une dizaine à être
élues. Mais, c’était couru d’avance, malgré l’embrouille sur les
prénoms, le Conseil constitutionnel ne valide pas leur élection.
Les femmes ne sont toujours pas admises à la citoyenneté.
Pourtant, l’Assemblée nationale finit par laisser passer la loi qui
leur accorde ce droit, mais le Sénat met son veto à chaque fois
avec un acharnement qui force presque l’admiration. Il va
bloquer six fois le texte durant l’entre-deux-guerres.
En face, la relève a été assurée. À cette époque, celle qui
organise les actions en faveur du droit de vote des femmes, c’est
Louise Weiss (1893-1983). Journaliste, elle fonde le mouvement
La Femme nouvelle. La militante féministe anglaise Sylvia
Pankhurst lui donne alors un conseil : « Il faut que vous soyez à la
une des journaux tous les jours. » Louise Weiss se demande
comment faire, avant de trouver son arme : l’ironie. Pendant
quatre ans, à partir de 1934, elle mène ce qu’elle appelle sa
campagne d’ironie.
Alors que les députés doivent de nouveau débattre du droit de
vote féminin, elle organise une distribution de myosotis, une fleur qui signifie "ne m'oubliez pas". Avec d’autres militantes,
elles perturbent la finale de la Coupe de France de foot en 1936 en
lâchant des ballons rouges lestés de tracts dans le stade. (Je n’ose
imaginer le scandale si de nos jours des féministes
interrompaient une finale de foot...) Elles offrent aux sénateurs
des chaussettes avec l’inscription « Même si vous nous donnez le
droit de vote, vos chaussettes seront raccommodées ». Lors du
grand prix de Longchamp, elles investissent la piste avec des
pancartes « La Française doit voter ». Elles s’enchaînent les unes
aux autres pour bloquer une rue de Paris. Mais rien n’y fait. Le
Sénat continue de mettre son veto.
On aboutit à une situation absurde en 1936. Léon Blum nomme
dans son gouvernement, le Front populaire, trois femmes à des
postes de sous-secrétaires d’État : Cécile Brunschvicg à
l’Éducation, Irène Joliot-Curie à la Recherche et Suzanne Lacore
à la Protection de l’enfance. (On raconte qu’il aurait proposé un
poste à Louise Weiss, qui aurait répondu : « J’ai lutté pour être
élue, pas pour être nommée. ») Elles travaillent leurs dossiers,
mais en tant que femmes elles ne peuvent pas prendre la parole à
l’Assemblée nationale. De toute façon, l’expérience ne dure
qu’un an. Le refus institutionnel de les accepter dans la vie
politique est tenace.
Commenter  J’apprécie          20

Videos de Titiou Lecoq (59) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Titiou Lecoq
Titiou Lecoq vous présente son ouvrage "Une époque en or : les aventures extraordinaires d'une famille ordinaire" aux éditions L'Iconoclaste. Entretien avec Sylvie Hazebroucq.
Retrouvez le livre : https://www.mollat.com/livres/3045057/titiou-lecoq-une-epoque-en-or-les-aventures-extraordinaires-d-une-famille-ordinaire
Note de musique : © mollat Sous-titres générés automatiquement en français par YouTube.
Visitez le site : http://www.mollat.com/ Suivez la librairie mollat sur les réseaux sociaux : Instagram : https://instagram.com/librairie_mollat/ Facebook : https://www.facebook.com/Librairie.mollat?ref=ts Twitter : https://twitter.com/LibrairieMollat Linkedin : https://www.linkedin.com/in/votre-libraire-mollat/ Soundcloud: https://soundcloud.com/librairie-mollat Pinterest : https://www.pinterest.com/librairiemollat/ Vimeo : https://vimeo.com/mollat
+ Lire la suite
autres livres classés : histoireVoir plus
Les plus populaires : Non-fiction Voir plus


Lecteurs (2869) Voir plus



Quiz Voir plus

Quelle guerre ?

Autant en emporte le vent, de Margaret Mitchell

la guerre hispano américaine
la guerre d'indépendance américaine
la guerre de sécession
la guerre des pâtissiers

12 questions
3187 lecteurs ont répondu
Thèmes : guerre , histoire militaire , histoireCréer un quiz sur ce livre

{* *} .._..