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Critiques filtrées sur 4 étoiles  
De longue date, j'aime le style et les romans de Joseph Kessel. de longue date, je connais par les conversations familiales l'histoire des « faucheurs de marguerite » ainsi que les exploits des aviateurs durant les guerres modernes. J'ai lu très jeune avec beaucoup d'émotion Vol de nuit de Saint-Exupéry. Les exploits des aviatrices étaient moins connus, mais le métier d'hôtesse de l'air faisait battre le coeur des filles. Souvent la vocation naissait à Orly où il était alors possible de voir les avions décoller depuis la terrasse accessible au public et ouverte à tous vents. Gilbert Bécaud chantait le rêve dans Dimanche à Orly.
Aussi, lorsque, au hasard des chroniques de Babelio un lecteur m'indiqua le livre de Kessel sur Mermoz, je plaçai l'ouvrage dans ma pile à lire. Conquise d'emblée, j'ai retrouvé avec plaisir l'écriture échevelée de l'écrivain, son enthousiasme débordant, sa conviction sincère de journaliste. Kessel eut la chance de connaître le jeune pilote et éprouva pour lui une véritable adoration. En 1938, deux ans après la mort de l'aviateur, il écrit à la fin de son livre « Rien ne parvient à reproduire la vibration touffue de la vie. J'ai apporté à écrire toute mon honnêteté. Et tout mon amour pour toi. »
Sous sa plume, la vie de l' « Archange » vire à l'épopée, pour le plus grand bonheur du lecteur. Dans l'esprit de Kessel, le futur pilote est marqué très jeune par le sceau du destin : il n'a aucun goût pour l'aviation naissante qui enthousiasme les foules ! Ainsi sa réaction, alors qu'il assiste à un meeting aérien : « Il considéra [Mermoz] d'un regard curieux, mais très calme toutes les évolutions. Son cousin, qui était là aussi, criait qu'il serait aviateur. – Pas moi, dit Jean. J'aime mieux la mécanique et le dessin ». En effet, jeune garçon, adolescent, puis jeune homme, Mermoz va se chercher longtemps. Il pourrait même tourner voyou, sans la solide éducation reçue dans son enfance et l'amour dévoué de sa mère qui constituent des garde-fous puissants
Second signe du destin, il est prêt à s'engager dans l'Armée en 1919, lorsqu'il opte pour l'aviation sur les conseils d'un chanteur d'opérettes ami de sa famille. Il ne paraît toujours pas être un pilote-né : il échoue à deux reprises à son brevet de pilote, qu'il obtient en 1921. Dans le même temps le jeune homme introverti est devenu, sur le plan physique, un athlète, un géant à la chevelure de lion, un ogre débonnaire et puissant, un homme fait qui cueille les femmes comme des fleurs et qui suscite l'admiration et le dévouement de ses amis. La légende est en route.
Troisième signe, devenu pilote aguerri dans l'Armée, il est démobilisé en 1924 et se retrouve au chômage. A tel point qu'il en est réduit à la soupe populaire et aux asiles de nuits. Cette épreuve pourrait tourner mal elle aussi, mais justement, c'est l'époque où Latécoère lance sa ligne d'aviation civile. Mermoz postule, fait un vol d'essai, en fait trop. Daurat, directeur d'exploitation, lui dit sans détour qu'il a besoin de pilotes, pas d'acrobates. Qu'il fasse du cirque aérien. Mermoz tourne déjà les talons, Daurat lui propose un poste de mécano. Nouvelle épreuve acceptée de bon coeur par le futur pilote exceptionnel que sera Mermoz, qui accomplira enfin son destin, ce pour quoi il né.
Cette destinée humaine, conjonction de multiples facteurs, Kessel la magnifie. Il tombe sous le charme de l'aviateur, mélange de force et de vulnérabilité. Mermoz trouve son équilibre mental au sein de l'habitacle d'un avion, surtout lorsque le danger est présent. Cette ambiguïté entre l'amour de la vie et l'attrait de la mort, l'écrivain et journaliste la connaît mieux que personne.
Ce qui m'intéresse aussi dans cette lecture contemporaine, c'est la description des amitiés viriles. Elle évoque les relations fusionnelles mythiques. Les femmes sont des mères, des soeurs, des épouses, des filles de joie. Une apparaît comme une comète singulière dans l'histoire. Maryse Bastié, que Mermoz encourage dans sa vocation de pilote. Ils effectuent ensemble un trajet aller-retour sur l'Atlantique Sud. Peu après la disparition du pilote, elle traverse seule l'Atlantique de Dakar à Natal et réalisera un nouveau record féminin de vitesse sur ce trajet.
Livre généreux et émouvant, Mermoz est un moment de lecture dépaysant, qui parle d'une époque révolue, où après avoir labouré la mer durant des siècles, l'humanité tournait les yeux vers le ciel tandis qu'une poignée de « fous volants » découvraient en hauteur, une nature merveilleuse, très peu abîmée encore. La prochaine grande aventure humaine, spatiale, aura-t-elle la même aura ?
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L'auteur, Joseph Kessel (1898-1979), a été journaliste, aviateur pendant la 1ère guerre mondiale, romancier et biographe.
En 1938, il fit paraître une biographie de "Mermoz", et en 1960 une biographie de Felix Kersten (1898-1960) - "le" masseur d'Himmler - sous le titre "Les mains du miracle".

Kessel a connu Jean Mermoz (1901-1936) ; le portrait qu'il en dresse est un hommage à cet ami.
Comme pour Antoine de Saint-Exupéry, les circonstances accidentelles de la mort de Mermoz ont contribué à 'sa légende', conférant en quelque sorte une aura supplémentaire à ses actes de bravoure. La liste des aviateurs du début du XXe siècle morts en service est longue, mais ils ne sont pas tous restés dans la mémoire collective.

Kessel retrace l'enfance et la jeunesse de Mermoz, ainsi que certains de ses exploits. Il montre avec beaucoup de lyrisme quel ami et quel humain était Mermoz. Je ne sais pas si Mermoz a réellement tué quelques jaguars lors de parties de chasse en Amérique du sud comme l'écrit Kessel. Il est possible que le romancier ait rajouté ce genre de détails, pensant ainsi exhausser son personnage, tant cette chasse était alors censée révéler courage voire virilité.
[ Aujourd'hui encore, quelques richissimes crétins croient montrer du courage en déboursant quelques centaines de milliers de dollars pour pouvoir exhiber dans leur salon des fauves empaillés qu'ils ont simplement visés puis tués à partir de confortables 4 x 4 climatisés, et/ou guidés et protégés par des nuées d'accompagnateurs ! ]

Kessel n'évoque pas les engagements politiques, douteux, de Mermoz. Avec le colonel François de la Roque (1885-1946), alors ex-président des Croix-de-Feu, Mermoz fut l'un des membres fondateurs du Parti social français dont il fut vice-président en 1936.
Le PSF défendait une idéologie chrétienne, conservatrice et patriotique. En politique, ces trois mots, a fortiori lorsqu'ils sont réunis, sont souvent synonymes d'intolérance, et s'y cachent des choses peu reluisantes. C'est à de la Roque que Pétain "emprunta" la devise "Travail, Famille, Patrie" (certes Pétain ne lui avait pas demandé pas son accord, et de la Roque a lutté contre l'antisémitisme). Là aussi, il faut chercher à voir ce qui se cache derrière les mots ("phallocratie", par exemple).
Joseph Kessel, est au-dessus de tout soupçon de dérive fascisante. Après la défaite de 1940, il avait rejoint la Résistance (alias Pascal) à Londres, avec son neveu Maurice Druon. En 1943, Kessel et Druon co-écrirent les paroles du "Chant des partisans", qui devint ensuite le chant de ralliement d'une partie de la Résistance, et qui fut interprété par Germaine Sablon, alors compagne de Kessel.

Peut-être Kessel a-t-il aussi été sensible au patriotisme de Mermoz ? Quoi qu'il en soit, il a voulu retenir et montrer le meilleur de cet aventurier. Je ne saurais aujourd'hui blâmer Kessel de cette amitié.
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Joseph Kessel est bien seul au moment où il s'apprête à rédiger la biographie de cette icône transcontinentale. Sa principale préoccupation n'est pas tant d'alimenter son récit, la vie qu'a menée Jean Mermoz est tellement aventureuse que la matière abonde, mais plutôt de ne pas ternir son image par la divulgation de rapports qui pourraient prêter à confusion. Pour se prémunir de ce danger, en bon journaliste qu'il est, Joseph Kessel va rester factuel et évitera toute analyse ou interprétation hasardeuse. Il éludera également les relations que Mermoz amorcera avec la sphère politique, préférant appuyer sur la ferveur populaire, le magnétisme physique et la fougue inamovible du personnage. A force d'exploits et de victoires face au déchainement sans fin des éléments (les orages, siroccos et les ouragans le suivent dans tous ses déplacements, tout juste si nous n'assistons pas à une tempête tropicale à Toulouse) et de sauvetages in-extremis des impitoyables Maures ou autres indigènes mal intentionnés, on finit par croire à la nature divine de Mermoz.
Mais dans ce tumulte un peu morbide, l'auteur élude un peu le courage et le dévouement inconditionnel des hommes qui l'ont entourés, lui qui faisait autant cas des valeurs d'amitié et de fraternité. Il a imaginé la ligne, a construit l'aérodrome en Argentine, a choisi les itinéraires, a transporté le courrier, diriger ses hommes, s'est battu contre les technocrates et tout ça dans la plus parfaite solitude. C'est le commun des grands hommes : être tellement haut que plus rien ne semble pouvoir les toucher réellement.
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Un vibrant hommage d'un ami à  l'un des plus grands héros de l'aviation.
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Plus jeune, ce livre m'a fait rêver. L'histoire d'un véritable héros participant à une épopée mythique : les débuts de l'aviation postale.
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