Deux magiciens des mots
M'ont confié une pépite de littérature.
La vrai,
L'authentique,
Celle qui chavire,
Celle qui réveille,
Celle qui révèle,
Ces vies sacrifiées sur un frêle esquif
Juste avant d'atteindre ces rivages tant espérés !
Lampédusa.
Juste une nuit
A cueillir des pétales délicates
D'une divagation libre
Sur un mot qui la hante:
Lampédusa.
Le rêve et la réalité qui s'entremêle,
Dans ce petit appartement parisien.
Où la radio déverse ces nouvelles qui
Blessent ,
Interrogent,
Scandent
La fin de toutes ces vies qui se noient
Au abord d'un monde rêvé !
Lampédusa.
Maylis s'emporte,
Parle vite,
S'indigne,
Réfléchi,
S'interroge,
Tente de trouver un sens,
Un lien à l'inacceptable du
Naufrage de ces migrants sur les côtes italiennes.
Lampédusa.
A ce stade de la nuit
Je reste sans voix,
Ayant vécu
L' intensité d'une nuit
Sur la falaise d'instants
Qui se noient dans cette
Eternité qui m'a saisie
Aux tripes.
Lampédusa.
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Ce livre à ce stade de la nuit fût une commande passée à l'auteur à l’occasion des 14éme rencontres littéraires en pays de Savoie qui se sont tenues le 7 juin 2014 à Chamonix, édité une première fois à tirage limité en mai 2014 à l'initiative de la Fondation Facim, nous aimons cette réédition pour nous ouvrir un texte au rivage incertain perdu dans la mémoire incertaine de notre âme en peine de cette caresse des paysages vecteur d'une vie, d'un acteur fantôme d'une œuvre poignante, un vagabondage de souvenir s'étirant dans la nuit d'une soirée d'errance.
Leitmotiv de chaque chapitre A ce stade de la nuit, est une onde légère de souvenir se cristallisant sur un fait divers - Le 3 octobre 2013, un navire venu de Libye, débordant de réfugiés, sombre au large de l’île de Lampedusa, à deux kilomètres des côtes, faisant plus de 300 victimes- Dans sa cuisine Maylis de Kerangal, dans sa solitude absorbe de son poste de radio l’information de ce drame, l'écho de Lampedusa erre dans les méandres de ses souvenirs pour cette escapade autobiographique de lieux, de films, d'acteurs, de paysages, de moments de vie, une fuite douce et tendre où Lampedusa catalyse l’échappatoire.
Le Guépard de Luchino Visconti mirage du visage de Burt Lancaster sommeil dans l'esprit de Maylis De Kerangal du roman éponyme de Giuseppe Tomasi di Lampedusa....Puis la visite nomade des éponymes de Lampedusa caresse les pages de ce court roman de 74 pages comme un kaléidoscope méditatif pour absoudre la tragédie, refrain d'une radio pleurant les réactions officielles, silencieuses des méditations d'un soirée nocturne d'une fumée de cigarette, d'une fenêtre ouverte vers des noms d'horizons lointaines, consonance à Lampedusa.
Le chant des pistes de Bruce Chatwin accompagne la solitude de cette Nuit, Foucault respire le chant des îles. comme une ombre Maylis de Kerangal vit ce naufrage comme un souvenir, visualise chaque détail de ce périple, déchire le temps de ces victimes, se noie lentement dans la folie de ces émigrants fuyant l'horreur vers l’éden européen, sourd à ses êtres humains, naufragés d'un monde égoïste, perdu dans une société libérale, où les marchandises se véhiculent plus facilement que les hommes et femmes, ce passage de la tragédie s 'engloutit lentement dans les songeries de Maylis De Kerangal.
Ce Souffle des mots, l'écriture des souvenirs,cette force de mêler les situations, la puissance créatrice, l'inspiration de l'instant, rythme la bibliographie de Maylis de Kerangal de ses titres Ni fleurs ni couronnes, Naissance d'un pont, réparer les vivants, se livrant avec pesanteur et pudeur, offrant les secrets sourds, intime de sa plume .
Ce roman respire l'actualité du moment d'une écriture à l'art poétique vers une rêverie silencieuse et profonde . Un roman essentiel dans l’œuvre de Maylis de Kerangal.
Magnifique
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