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Critique de ODP31


Tableau croisé dynamique.
Je ne suis pas un virtuose d'Excel mais comme je suis lassé des formules toutes faites du genre « Roman-Monde » ou « Roman-fleuve », je préfère ouvrir les windows pour évoquer ce titre qui raconte les vies entrelacées d'une bonne douzaine de personnages éparpillés entre la France et les States.
Le second livre d'Edouard Jousselin est un passionnant pot-pourri au parfum des trente dernières années, qui passe de la relégation de l'AJ Auxerre en ligue 2 (c'est du foot !) à l'attentat d'Oklahoma City en 1995, du succès d'un blockbuster Hollywoodien à la succession d'un vignoble bordelais, des bas-fonds du Darkweb aux fantômes de Qarré-les-tombes. Un fil dysharmonique.
Tous ces évènements, catastrophes, attentats qui fracturent l'histoire sont ici greffés par un effet papillon taille triple XL qui traverse l'Atlantique, provoqué par des destins que certains provoquent et que d'autres subissent. Entre les supposés winners et les prétendus loosers, dans une langue Houellebecquienne, le romancier floute très habilement la différence entre le déterminé et le déterminable. La fameuse géométrie des possibles du titre. Une équation peuplée d'inconnus. Est-il illusoire de penser que nous pouvons être maître de notre avenir ?
Allez, je vous fais les présentations, mais on va oublier les bisettes, le tour de table étant plus long que la liste des invités d'un mariage royal.
Du côté des aînés, il y a Lucien, au passé de résistant aussi trouble que les brumes du maquis du Morvan. Sa fille Isabelle est un des maillons fort du récit. D'abord marié à Dominique, un fan de Guy Roux, avec lequel elle a eu deux enfants, Max, un glandeur qui vit de petites escroqueries sur le Darkweb et Marine, dopée à la réussite professionnelle. Max fréquente Clarisse, prête à tout pour concrétiser son rêve de devenir actrice. Marine, de son côté vit une petite histoire avec Stéphane, un écrivain en herbe.
Et côté Yankees me direz-vous ? Il y a Benjamin, un directeur du FBI qui ne fait pas le deuil d'une amourette de jeunesse avec Jessica, partie enseigner la littérature à Paris. Nous avons aussi William Smith, qui tente de reprendre un semblant de vie normale avec sa femme Lucy après l'attentat d'Oklahoma City dans lequel il a laissé une partie de lui-même et ce n'est pas une métaphore. Ils ont une progéniture difficile, descendance descendante, avec un fiston plus dopé qu'un coureur cycliste. Je finis par Candido Rincon, immigré mexicain, déraciné et apatride affectif qui va croiser la route d'un producteur de cinéma à succès, Bruno, le nouveau compagnon d'Isabelle. Vous avez suivi ? Présentez comme cela, on dirait le pitch du 1317 ème épisode d'un feuilleton français post-apéro mais promis, tous les personnages ne portent pas des chemises en lin et ne boivent pas du rosé pour s'occuper les mains et s'épargner des dialogues affligeants.
Malgré le foisonnement de personnages, je n'ai pas été une seule fois égaré dans ce récit et je me suis intéressé à la vie de tout ce petit monde en me demandant comment l'auteur allait les connecter. Comme les aléas de la vie se soucient peu de la chronologie, le récit n'est pas linéaire et cette construction habile, autour d'évènements historiques, rappelle certains romans de Jonathan Coe.
Edouard Jousselin s'intéresse à tout sauf à son nombril, ce qui déjà est une rareté louable pour un romancier français, son style assez clinique se marie bien à l'époque et les 600 pages de son roman se lisent comme des chroniques imprévisibles qui suivent un fil d'Ariane emmêlé.
Un roman de ruptures : temporelles, sentimentales, spatiales et accidentelles. Et de retrouvailles qui vaille.
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