Quatre couples sont invités à passer le week-end dans un vieux manoir isolé dominant le chaos de rochers de la Côte de Granit Rose. C'est Guy Mendel, l'ancien professeur pénaliste des quatre maris, qui les a invités mais tous ignorent exactement pourquoi.
Alors, si jusqu'ici tu te dis : « wow, il n'y aurait pas du
Agatha Christie là-dessous ! Ça ressemble furieusement au
Dix Petits Nègres, ce pitch ! », je t'arrête tout de suite. D'une, on ne dit pas « Les
dix petits nègres » mais «
ils étaient dix », et de deux, la ressemblance s'arrête là, tout du moins pour ce qui est de l'intrigue. Je poursuis.
Les quatre hommes et leur épouse découvrent la raison de leur présence lors du repas du soir : Mendel étudie des cold cases, des dossiers criminels que la justice n'a jamais pu résoudre, et il a besoin de leur avis concernant une vieille affaire : 23 ans auparavant, deux jeunes filles se sont fait agresser, l'une d'elle en a réchappé, l'autre a été tuée. le malaise s'installe quand Mendel dit à ses invités avoir découvert une vieille photo de la soirée festive qui précéda le meurtre ; photo sur laquelle les deux jeunes filles apparaissent prenant un verre avec
les quatre ex-étudiants en droit. Inutile de te dire que chacun est dans ses petits souliers même si aucun d'eux ne semblent se souvenir de cette soirée et de ces filles.
On dit que la nuit porte conseil, ici les conseils s'avèrent plutôt radicaux puisqu'au petit matin, on découvre le corps poignardé de l'un des quatre maris dans le petit salon. le commissaire Baron est dépêché sur les lieux et commence alors une enquête que j'ai suivi avec un très grand intérêt. Sans aucun temps mort, l'écriture d'
Hervé Huguen nous entraîne dans un whodunit impeccablement construit (et là, l'influence de Christie y être peut-être pour quelque chose) où chaque personnage, des invités aux employés de maison, peut devenir suspect à tout moment. Ici la tâche de l'enquêteur est double, et notre plaisir aussi : il s'agit d'identifier l'assassin de la soirée et donc de reconstituer la chronologie de la nuit, et d'éclaircir un meurtre vieux de 23 ans auquel semble mêler les invités. Les souvenirs des uns reviennent, les secrets enfouis des autres refont surface, des liens entre les personnages apparaissent et c'est jubilatoire.
«
le manoir des oubliées » est un roman policier de bonne facture et qui a plus que sa place dans la bibliothèque d'un amateur de polars « à la Christie » modernes qui, et c'est aussi très plaisant, a le mérite de se dérouler dans des paysages bretons que l'auteur sait astucieusement harmoniser à l'enquête. Tout est réuni pour un très bon moment de lecture.