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EAN : 9782374280202
Atelier de l'Agneau (15/02/2019)
3.67/5   6 notes
Résumé :
L'auteur aborde des questions comme l'écologie ou la question migratoire, s'inscrit donc dans son temps.
La ville apparaît dépeinte ici comme le théâtre d'une misère morale.
Une attention sensible portée à ses matériaux l'associe d'emblée à la brutalité et plus généralement à l'absence d'humanité.
Le JE poétique paraît en lutte perpétuelle avec une forme d'obscurité profonde qui inonde sa vision et lui confère cette position d'étranger.
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Critiques, Analyses et Avis (5) Ajouter une critique
Je remercie Babelio et les éditions de l'Atelier de l'Agneau pour l'envoi de ce recueil de poésie de Gabriel Henry, Chair-ville…
Il n'est pas aisé de livrer une critique sur des poèmes ; je m'y essaie toujours avec une grande humilité… J'attends d'un recueil que certains textes provoquent en moi une émotion quelle qu'elle soit.
Ici, en termes d'analyse et de ressenti, la barre est mise très haut par la magnifique préface de Julie Estop…

À ma première lecture, j'ai été frappée par un champ sémantique qui revient souvent, celui de la graisse dans tous ses états et en des lieux où on ne l'imagine pas : graisse protectrice ou lubrifiante, détérioration ou fuite, aspect huileux et gras peu séduisant des choses et des gens, difficulté de saisir et de retenir ce qui est rendu glissant ou au contraire de se débarrasser des substances contenant un excès de gras. On graisse pour entretenir ou pour soulager, mais aussi pour souiller ou pour corrompre… Il est difficile de se faire une idée précise devant ce choix de vocabulaire.
Le poète s'exprime à la première personne ; son JE est apparent partout, son corps fait partie de ses ressentis, tous ses sens en éveil. le corps apparaît dès l'illustration de la couverture de la main de l'auteur où l'on voit un homme endormi dont les rêves prennent racine dans la ville, où il puise son inspiration ; je rapprocherai volontiers ce dessin du poème intitulé « Ne me réveille pas » où le poète affirme : « tu vois / on peut menacer / rêver / quitter la prison / se trimballer jusqu'au bout / avec un poème météore / encré sur les paupières ».
Il n'y a pas de ponctuation ; le rythme se fait par la coupure en fin de vers ou par l'éventuelle césure que chacun placera à sa guise. Les textes sont en vers libres ou en prose ; la frontière est assez floue. L'ensemble me semble plutôt hermétique, abstrait. L'emploi de certains mots surprend ; certaines associations dérangent ou embrouillent et le recours au dictionnaire n'aide pas vraiment même une fois connue la signification d'un vocabulaire inusité ...

L'univers référentiel de l'auteur m'est la plupart du temps étranger… Certes, j'ai compris le recours à Dante, peut-être pour souligner l'indicible ; mais, par exemple, je ne connais pas assez bien sa peinture pour comprendre pleinement l'allusion au « douanier R » dans « le Chantier contrarié » même si j'ai essayé de lire et relire ce poème à la lumière du style naïf du peintre Henri Rousseau. Quant à Jim Hawkins qui donne son titre à un poème, je n'ai pas bien compris ce qu'il faisait là…
Gabriel Henry nous donne à lire une poésie urbaine où la ville devient un personnage à part entière, menaçante, hors de l'échelle humaine mais avec une présence physique indéniable, non seulement en tant qu'agglomération mais aussi en tant que nombre d'habitants, de corps fait de chair et de sang vivant au même endroit. Ainsi que l'annonce peut-être le titre, la ville prend corps, devient vivante, libère ses humeurs, suinte pour retrouver la consistance graisseuse dont j'ai déjà parlé…

Certains textes m'ont laissé de marbre ; d'autres ont provoqué en moi un écho et dans un premier temps, c'est à ceux-là que j'ai consacré mon attention. Il est parfois question de faits divers ou d'évènements qui nous sont familiers, attentats, migration, colonisation…
Parmi mes préférés, je citerai « Figure » qui célèbre la femme, « Sans titre » sous forme d'haïku, « Les Conquérants » qui me rappelle les postures colonisatrices et polluantes de notre Histoire, « Un guetteur » qui donne la parole à un tireur embusqué, « Poche intérieure » où la littérature devient rempart, « Je ne rentrerai pas » pour sa tonalité mélancolique à la fois mortifère et libératrice, « Suite syncope cadence » sur l'instant flou du réveil, « Des pages manquent » pour la parole donnée aux oubliés de l'Histoire…
Je ne sais pas si ce florilège personnel est représentatif ou non de Chair-ville. Une deuxième lecture du recueil ne m'a pas permis d'aller plus loin dans mon approche.

Avant de conclure, j'aurais deux remarques plus précises à formuler :
- Une petite interrogation : le même poème revient à deux reprises sous deux titres différents avec juste le découpage en strophes un peu modifié, « Cheval de frise » et « Sans rictus ». Faut-il y lire une intention, qui m'a échappé ? Il y a une notion d'enfermement, de prison, de crispation dans les deux titres entre la clôture militaire et la grimace…
- Un petit bémol plus général : l'absence de table des matières, pourtant bien utile pour retrouver un texte ou s'intéresser à la mise en ordre d'un recueil…

Voilà un livre très hermétique qui me laisse songeuse. J'ai apprécié la mise en poésie de sujets d'actualité et d'un monde en déréliction mais je n'ai pas saisi le sens global du recueil, ne parvenant qu'à grappiller quelques détails, quelques images dont je ne vais sans doute pas garder le souvenir.
Pour moi, ce rendez-vous poétique n'a pas vraiment eu lieu.
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Commençons par dire que je dois être un vieux c.. trop classique ! Pour moi, la poésie, c'est des strophes, des vers, des pieds, des rimes... Je n'ai rien a priori contre la versification libre, mais je pense que trop de vers libres tue la poésie, et permet trop de facilité.
Cette petite introduction pour expliquer que je n'ai pas vraiment aimé le recueil de Gabriel Henry, tout en poésie libre, pas toujours en vers... Trop, beaucoup trop pour moi !
J'ai quand même été touché par quelques poèmes, notamment ceux que je cite ci-dessous.

"La ville la pente

La ville va mourir
elle doit mourir
l'heure ne sera plus au léchage de plaie
..."

"La terre a tremblé
...
le sol s'est mis à nous parler
le sang que pompait la terre
a imprimé sa danse aux murs
..."

"Leçon de choses

J'ai vu des cochons sauvages
butiner des tas d'ordures qui me survivront
à quelques pas d'une eau limpide et froide
..."

Lien : http://michelgiraud.fr/2019/..
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Résumé :
La ville apparaît dépeinte ici comme le théâtre d'une misère morale. Une attention sensible portée à ses matériaux l'associe d'emblée à la brutalité et plus généralement à l'absence d'humanité. le JE poétique paraît en lutte perpétuelle avec une forme d'obscurité profonde qui inonde sa vision et lui confère cette position d'étranger. L'écriture vient compenser une expérience de vie douloureuse trouvant son salut dans le langage, et l'esprit se libère dans la langue.


Que dire ?
Avec la faible connaissance que j'ai en poésie, mon avis risque d'être un peu bancal. Disons que lorsque je me lance dans de la poésie je cherche avant tout des émotions, des beaux mots une sorte de voyage intérieur qu'on ne retrouve pas toujours dans du fantastique de l'aventure ou que sais-je. Concernant la forme, même si pour certain c'est ce qui fait toute la beauté du genre, elle ne m'est pas familière.
Mes attentes :
Avec ce recueil, j'attendais donc de ressentir toutes ces choses dites dans le résumé : la même chose qu'en marchant en ville, qu'en regardant les foules autour, en respirant la pollution. La même chose qu'en regardant les illustrations de Steve Cutts. Et…
Mon avis :
Et c'est réussi ! Justement, je ne suis pas totalement d'accord avec les 2-3 chroniques que j'ai pu lire sur Babelio disant que le livre est très hermétique, l'écriture trop peu travaillée et étrange. Enfin… J'ai trouvé ce livre très étrange mais dans le bon sens. On ne sait pas précisément où le poète veut nous mener, mais nous transporte directement dans une atmosphère lourde, quasiment irrespirable, brutale, témoin de tous les excédents de notre quotidien. le rythme est pesant, les mots clouent sur place. C'est assez brutal. C'est encore assez étrange à lire. Les sentiments qui sont ressorti forment une sorte de « trop plein », la perception de l'excès, l'étouffement, la rage et le désespoir.
Les vers libres permettent une certaine liberté dans la stratégie des mots. La quasi absence de ponctuation me faisait peur et finalement c'est elle qui a rendue ma lecture aussi découpée et rythmée.
C'est difficile d'en parler plus, je ne sais pas trop quoi en conclure… C'est une lecture un peu dérangeante, très étrange, elle soulève de nombreuses questions sur l'écologie, les femmes, l'humanité qui sont d'actualité. C'est d'autant plus intéressant. Après, le style reste bien particulier…
Proies
Les cuisses du chasseur
le coeur de la proie
nous étions dans les ralentis du moteur
tous feux éteints
près du col
la route peinte en noir
et la laine de l'aube pour secours
[…]
Mini-remarque :
Certains titres de poèmes sont les mêmes que les chansons du groupe Bagarre. Voilà, ça m'a perturbé ! ^^
Remerciements :
Je tiens donc à remercier Babelio et les Editons de l'agneau pour l'envoi de ce livre lors qu'une précédente Masse Critique.  

Titre : Chair-Ville
Auteur : Gabriel Henry
Editions : Atelier de l'agneau
Genre : poésie
Nombre de pages : 83
Année de parution : 2019
ISBN : 9782374280202
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Ce premier livre de Gabriel Henry (né en 1986) donne une bonne idée de la poésie contemporaine : vers libres, ponctuation aléatoire, mélanges de courts récits avec des poèmes pleins d'imaginaire.
Comme son titre le résume bien, la ville et le corps restent les thèmes dominants du livre. le ton est volontiers mélancolique. La préface précise que l'enfance et l'eau dominent. Aussi des thématiques écologiques (les arbres en particulier), animale (tigre, chiens, etc.)
Gabriel Henry a quelque chose à dire de notre temps. Il faut parfois percer les ombres du poème pour y entrer et l'on découvre un univers magnifique et dur à la fois. Voici Les débuts de 3 poèmes :
"demain tu iras voir la ville
tu iras comme au piège
tu chercheras si les murs te savent
et tu seras déçu"
(...)
"Des citrons ont chu et roulé loin des lueurs maternelles
les herbes absurdes de la ville
lacérées
piétinées"
(...)
"longtemps je suis resté sauvage
sans langage
pour dénuder les choses"
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Beau recueil de poésie contemporaine découvert par hasard, de belles images, un rythme, un regard attentif sur le monde.
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Citations et extraits (5) Ajouter une citation
Jim Hawkins

Quoiqu’il arrive
je reste Jim Hawkins
et il n’y a rien qu’ils puissent y faire, khoya

D’un cheveu j’ai précédé la Comète de Halley
les hommes qui la regardent sur les tapisseries de Bayeux
m'attristent et me rassurent

Jim Hawkins
microclimat chérit sans effort
inlassablement je m’efforce de me replacer
sur sa carte
sa carte aux bords brûlés
Jim furtif Jim qui va t’étrangler toi et ta frontière
chaque jour davantage il s’en remet aux plantes
à tous leurs passagers qui n’ont inventé
ni monnaies ni règles
depuis 1994, un jeune homme noir du Queens
lui dit qu’il ne dort jamais
car le sommeil est le cousin de la mort
alors il se méfie des territoires de la nuit
sait que les couleurs primaires s’effritent et
tendent à s’éteindre sur le cours du temps
que la vie s’évade comme le sang tiède de la bête sacrifiée
il écoute le bruit de sa respiration
tout va bien, il perçoit encore
le bruit de fusillade des ailes d’oiseaux
qui se lèvent dans le brouillon vert gras, extraordinaire,
de l’Ile qu’il n’a jamais respirée
il cherche le regard du chien, pas du maître
et se régale à la loupe de la danse des abeilles
tout va bien,
aucun drapeau n’est planté sur le dos
de Jim Hawkins
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Minuscule

Sur la chair blanche luisante de la poire
ses gencives laissent de petits nuages de sang
elle, elle n’en finit plus de caresser des yeux
les fleurs délicates que sa peau retient depuis peu
miettes noires sur la table, le papier d'Arménie
avait été avare, décevant, comme toujours
impuissant à empêcher le monde de se réduire
au ressac imprécis de la route nationale
personne ne lui pose la question mais il répond
qu'il passera les trois prochaines années
à regarder le soleil à travers les feuilles d'un philodendron monstera
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Étranger

Oui bien sûr il y a des usines
aux fumées persistantes
répondis-je aux insectes venus nombreux m'interroger
et des bruits
plus épais que la boue
j'ai recouvré la vue, peu à peu
en marchant jusqu'ici
toutefois ne vous méprenez pas
je peux brûler mes vêtements
je peux couper ma langue
mais ne suis pas des vôtres
et vous défier de moi n'est que sagesse de la survie
le moindre mouvement des blés
m'est une douleur
autant qu'une mélodie
les eaux du lac, ses limites
m'échappent
allongé dans les herbes
disparaissant lentement
sous les fleurs blêmes
de la terre monte une essence grisante
les oiseaux se sont tus
je vous reste étranger
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"(...) Mon livre d'Histoire
n'est pas le grainetier qu'il devrait
des portes s'y ferment sans bruit
sur les meubles assourdis d'une vieille maison de chair"
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"(...) puis j'ai mangé un poisson fumé
noir de sel et d'attente
en songeant combien son cœur était plus pur que le mien"
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