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Olivier Le Lay (Traducteur)
EAN : 9782070123322
400 pages
Gallimard (14/04/2011)
4.36/5   18 notes
Résumé :

Un écrivain sort de son silence, en compagnie de quelques-uns de ses amis et disciples. Ils ont été conviés sur la péniche baptisée La Nuit Morave qui lui sert de refuge depuis une dizaine d'années, amarrée dans une boucle de la Morava, affluent serbe du Danube. En maître des lieux il les reçoit pour un dîner, puis se lance dans un long monologue mezza voce, ponctué seulement par le coassement de... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (4) Ajouter une critique
Je commence cette critique de la Nuit Morave en toute humilité, sans avoir la moindre idée de ce que j'en écrirai. J'en suis encore en train d'absorber, d'essayer d'en faire un sens. Mon impression est positive (très positive) mais je ne sais pas pourquoi ni comment. Dans tous les cas, c'est le genre de lecture qu ne laisse pas indifférent, dans un sens comme dans l'autre…

C'est un roman trop difficile à résumer. Je pourrais parler de cet ex-auteur qui vit sur une péniche sur le bord de la rivière Morave, qui se jette dans le Danube quelque part en Serbie, de son obsession du silence, de son colloque en Espagne, d'une femme dangereuse qu'il a rencontrée, etc. Même des grenouilles ! Ou bien de ces gens qu'il a invités et auxquels il tient à faire écouter son monologue. Mais cela ne ferait aucun sens. Et j'écris cela sans penser à mal. J'ai apprécié ce roman… je crois. Il est sans doute trop pour pouvoir en parler mais j'ai l'impression que ce sera tout aussi difficile dans une semaine ou dans un mois, voire encore pire.

L'essentiel du roman réside dans son style, celui de Peter Handke. Il y a ce mélange de voix, car parfois l'ex-auteur cède subtilement la narration à ses convives, oui. Mais surtout cet envoutant voyage imaginaire aux accents réalistes, parce que le «maitre» raconte son parcours à ses invités autant qu'il médite à voix haute. Il nous entraine dans ses souvenirs incertains, dans ses pérégrinations étrangement poétiques, oniriques qui mêlent le présent et le passé, le réel et le surréel, le soi-intérieur et la perception qu'on a du monde extérieur. Et puis il y a cette façon de décrire, de raconter, remplie de comparaisons et de métaphores, le tout dans un vocabulaire plus-que-précis. le plus singulier, c'est que chaque fois que je commençais à perdre le fil ou à trouver l'histoire trop complexe, l'écriture me semblait devenir plus accessible et simple. Comme par magie !

C'est un roman hors catégorie. le plus proche qui me vient en tête, et de loin ni sans vraiment lui ressembler, est l'oeuvre de Javier Marias mais même cette dernière contenait une trame narrative qu'on pouvait suivre avec une aise relative.

La nuit Morave, c'est le genre de bouquin qu'il faut absolument lire à tête reposée et tranquillement. Non, il ne faut vraiment pas se presser. Mais, paradoxalement, il ne faut pas en étaler la lecture non plus sinon, quand on essait de reprendre le fil, on est perdu dans cette histoire qui n'en est pas vraiment une, qui ne semble avoir ni début ni fin. Je sais, je sais, ce que j'écris n'a aucun sens. Mais c'est ainsi. Bonne chance.
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Des cailloux jetés contre les volets clos, une sonnerie brève de téléphone portable….voilà comment un énigmatique auteur invite ses amis pour un dîner sur la Nuit Morave, péniche sur laquelle il a trouvé refuge et qui est amarrée sur un affluent serbe du Danube, cachée par les forêts alluviales. Dans ces "Balkans aux mille frontières invisibles", "toutes mauvaises et profondément hostiles", cette péniche fait figure de havre de paix au milieu de la nuit sombre et inquiétante, bercée par les seuls croassements des grenouilles. Dans cette étrange atmosphère, celui qui a désormais abjuré l'écriture démêle avec l'aide de ses convives les fils d'un récit polyphonique qui retrace le périple de cet homme plein de tics et de manies à travers l'Europe de l'Ouest, entre errance poétique et horizons décisifs dans la découverte de soi.

C'est un récit étrange, puissant qui n'a rien de familier car à la voix des invités anonymes se mêle la voix profonde de l'ancien auteur révélant un regard singulier, onirique qui rayonne "d'une gravité recueillie". Il raconte durant cette longue nuit sombre, silencieuse et mystérieusement menaçante "son monde intérieur personnel comme le monde extérieur universel"… il raconte sa vie telle qu'il l'imagine entre impressions, questionnements et divagations au fur et à mesure de ses rencontres réelles ou imaginaires, de ses déplacements dans des lieux existants ou fictifs.
Si bien que parfois en tant que lecteur on a le sentiment d'être resté sur la berge alors que cet auteur solitaire et sans nom dérive au milieu de ses idées et de ses excentricités : c'est un récit éclaté explorant les possibilités humaines dans un style qui estompe les lois traditionnelles du temps et de l'espace du roman, il n'obéit à aucune trame linéaire, à l'image des pensées du conteur. Il y a par ailleurs chez l'ancien écrivain une obsession du mot juste, du "détail-étincelle", de la phrase lumineuse pour aboutir à une langue qui n'a rien de conventionnel.
Il décortique aussi bien les moments que les mots, il n'y a rien de purement instinctif.

Mais ce récit se révèle extraordinaire, envoûtant lorsqu'on marche dans les pas aériens de l'ancien auteur. Il appartient au lecteur d'accueillir la réalité de cet homme singulier, de se soustraire des frontières de la littérature pour percevoir quelque chose de l'ordre de la beauté rare.
On découvre alors un texte cohérent où les pensées et instantanés forment le portrait d'un homme désenchanté, nostalgique, en proie à un danger intérieur qui, à l'occasion de son voyage, se confronte à ce qu'il avait imaginé et qui s'était gravé en lui. Il y a réellement une trajectoire, un parcours structuré par la recherche d'un langage. Entre raccourcis et échappatoires imaginaires, il se confronte ainsi aux exigences de son histoire pour se débarrasser de convictions qui l'empêchaient jusque-là d'envisager une ouverture sur les temps à venir, du sentiment de culpabilité et de la solitude à laquelle il se croyait destiné.
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Quel livre étrange et fascinant!
Ne soyez jamais sûrs de ce que je vais en dire: l'auteur s'emploie à brouiller les pistes et à nier ce qu'il a affirmé; on ne peut être assuré de rien.
Sur une berge de la Morava, rivière de Serbie affluent du Danube, est amarrée une péniche baptisée la Nuit Morave. Elle est aménagée en habitation et à la nuit tombée quelques personnes s'y rassemblent discrètement. Ils sont là pour entendre le récit d'un écrivain ayant cessé d'écrire il y a longtemps. L'ex-auteur raconte son errance dans différentes régions d'Europe, d'une île dalmate à l'Espagne, puis l'Autriche, pour revenir dans les Balkans. Mais les lieux ne sont pas clairement identifiables au premier abord. Ils se découvrent indirectement et progressivement.
Des épisodes sont marquants, comme ce pique-nique dans un cimetière dont il ne reste rien du fait de la guerre, ce congrès des malades du bruit, occasion d'une réflexion sur les sons de notre temps, la rencontre avec le premier amour sur l'île dalmate (bien du temps a passé!), le rassemblement des joueurs de guimbarde, la rencontre avec une femme (LA femme), entre terreur, attirance et évidence, et enfin le retour au pays. Quelques moments parmi bien d'autres.
Pourquoi l'écrivain a-t-il abandonné l'écriture? On croit comprendre qu'écrire l'empêchait de vivre, le coupait d'une vie "normale", d'activités partagées avec les autres humains, et surtout de l'amour. Mais rien n'est sûr.
La narration est assurée par un des assistants réunis sur la péniche. C'est donc le récit d'un récit. Avec la relative indétermination des lieux, cela donne au récit un caractère un peu abstrait, ou onirique, car la poésie en est rarement absente. En tout cas, l'errance se fait hors des sentiers battus, comme l'écriture de Peter Handke, qui nous emmène loin au-delà des évidences.
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Citations et extraits (9) Voir plus Ajouter une citation
Les bruits de l'autocar, du moteur, semblaient désormais de plus en plus comme les accents et l'expression même de cette colère. Ne manquaient plus que les paroles - sinon tout était réuni pour composer une tirade rageuse. Le chauffeur faisait hurler le moteur de son car, le faisait mugir, vrombir, crisser, rugir, cracher, grincer des dents, glapir, chanter faux, s'élever menaçant, comminatoire (oui), et tout cela en rythme, gardant bien cette cadence accordée au tremblement de la colère en lui et qui avait quelque chose d'un prélude instrumental, comparable vraiment, désormais, à ces premiers sons sur la grosse corde, corde unique, de crin tressé, de la gusla des Balkans, vacarme et désordre apparent où toutefois, si l'on tendait mieux l'oreille, les sons ne se confondaient jamais, se distinguaient isolément et cependant succédaient l'un à l'autre en une rythmique justement. C'est une colère sauvage mais contenu, oui, joueuse, qui s'échappait du moteur et de l'autocar tout entier, lesquels servaient d'instruments au conducteur pour son ouverture, et la lumière changeante des phares, rythmique elle aussi, code, pleins phares, inutile sur la Magistrale constamment vide, faisait partie de ce jeu. Dans un instant s'y joindraient les paroles, la voix, qui ne serait pas nécessairement une voix chantée.
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Il ne souhaitait pas monter dans le car des émigrants, mais néanmoins fuir ces Balkans, les Balkans des villes frontières sans frontières palpables, les Balkans des mille frontières invisibles, toutes mauvaises et profondément hostiles, de vallée en vallée, de village en village, de ruisseau en ruisseau, de tas de fumier en tas de fumier, les Balkans des petits enfants lanceurs de pierres, des baisers soufflés si méprisants, de cet ail qui ne rendait les vampires que plus avides de sang encore. Fuir les ténèbres de ces Balkans-là pour les métropoles festonnées de lumières aux taxis hurlant dans les trouées des gratte-ciel, aux ponts où chaque couple d'amoureux était comme un salut de paix, aux fleuves où sur des bateaux l'on célébrait des mariages, des baptêmes, la conclusion de quelque affaire, ou simplement, pour rien, trois fois rien, l'on donnait des fêtes, pourquoi pas même sur un bateau aux roues à aube imitées comme sur un vapeur du Mississippi, du nom de Louisiana Queen. Et en même temps il souhaitait fuir ces Balkans-là pour les autres Balkans, tels qu'il les avait toujours connus dans les années d'avant, plus profonds que toute autre région sur la terre, par exemple sur sa péniche de la Morava, souhaitait, fin du voyage, retourner sur sa Nuit Morave.
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Écrire ? Qu’est-ce que cela signifiait pour lui autrefois ? Bien une échappatoire avant tout. Mais pour échapper à quoi ? A la "réalité" ? A la contrainte de la réalité ? Au monde ? Aux exigences du monde ? Non. Ou si, plutôt : si le fait d’ouvrir la bouche, d’être contraint de parler, ce "Allez, vas-y ! Raconte !" était une de ces exigences du monde, alors il se sentait poussé à s’y soustraire, et pas par le biais du silence par exemple, mais justement de l’écriture. Lui qui, alors, dans la Nuit Morave, ne faisait que parler et parler, il avait recherché l’écriture voilà des décennies pour éviter cette maudite oralité.


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Si c’était un rêve, alors le sentiment qui l’avait pénétré était d’une force, d’une rémanence particulièrement rare à l’état de veille. Et il observa en passant que la joie, grande et continue, la reconnaissance, l’inclination, le bonheur de vivre, de plus en plus, il ne les ressentait presque plus que dans les rêves.

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Plus il mettait d'horizons entre lui et son pays natal, plus tel ou tel détail oublié là-bas devenait présent pour lui, et, dans les environs de la destination principale, bien des buts isolés s'offraient alors. Et il apprit ce faisant que, parfois, pour ainsi dire contrairement aux lois de la physique, l'éloignement des corps renforçait plutôt la puissance d'attraction des buts.
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Videos de Peter Handke (23) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Peter Handke
Découvrez l'entretien de Peter Handke, prix Nobel de littérature 2019, consacré au volume Quarto, "Les Cabanes du narrateur. Oeuvres choisies".
Depuis cinquante ans, Peter Handke bâtit une « oeuvre influente qui explore les périphéries et la spécificité de l'expérience humaine ». Embrassant toutes les formes de la littérature, elle présente comme constante une fidélité à ce qu'il est, c'est-à-dire un homme de lettres, un promeneur dont la création ne peut prendre forme que grâce à la distance propice, paradoxalement, à une plongée dans l'intériorité des personnages, à la description imagée et vivante de la nature, à l'attention au quotidien. Pierre angulaire du patrimoine littéraire d'Europe centrale, servie par un style tranchant et unique, cette écriture se définit par le besoin de raconter — faux départs, difficiles retours, voyages, etc. — la recherche d'une propre histoire, de la propre biographie de l'auteur qui se fond dans ses livres : « Longtemps, la littérature a été pour moi le moyen, si ce n'est d'y voir clair en moi, d'y voir tout de même plus clair. Elle m'a aidé à reconnaître que j'étais là, que j'étais au monde. » Cette édition Quarto propose au lecteur de suivre le cheminement de l'écrivain à travers un choix qui comprend des récits qui l'ont porté sur le devant de la scène littéraire dans les années 1970-1980 comme d'autres textes, plus contemporains, imprégnés des paysages d'Île-de-France, et reflets de son écriture aujourd'hui. Et, le temps d'une lecture, de trouver refuge dans l'une de ses cabanes.
En savoir plus sur l'ouvrage : http://www.gallimard.fr/Catalogue/GALLIMARD/Quarto/Les-Cabanes-du-narrateur
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