Beaucoup de petites choses m'ont déplu dans ce livre sur "little brother", le frère Kennedy qu'on connait beaucoup moins que JFK. Mais beaucoup de choses m'ont émue chez ce petit frère torturé, très catholique, incroyable bosseur et soudain, chantre de l'égalité, de la compassion, de la main tendue à ceux qui souffrent - à en mourir.
Rien de grave, pour G. Gonin, mais je n'ai pas apprécié son écriture. Je n'irai pas jusqu'à le comparer au style hyper-puissant de
James Ellroy, ni à la mélancolique élégance de
Don DeLillo, deux monstres qui y ont été de leur étude kennedienne, je pense à
Michael Korda romançant les relations entre
Marilyn Monroe et Jack, puis Bobby : c'était fluide, aisé à lire, bien foutu (alors qu'il s'agit de traductions, ce qui pourrait gâcher le rythme des phrases). Ou à
Marc Dugain, en restant français, dont le "
Ils vont tuer Robert Kennedy" est autrement balancé, construit, stylé.
A quoi ça tient, la fluidité ? Des micro-détails comme : commencer une phrase par "Or", sans pour autant développer d'argument contradictoire ensuite. Ou par "Et" sans ajouter de nouvel élément à ce qui précède. Comme une traduction malhabile d'ailleurs... le comble pour un livre français ! Ces défauts m'ont empêché d'entrer dans le récit lui-même, à la recherche du mot qui manque dans la phrase pour qu'elle ne soit plus bancale... Voilà, cette écriture est comme une traduction malhabile ou comme si on lisait assis sur un tabouret bancal...
Le contenu, à présent. le portrait est jeté à grands traits, on apprend à connaître et aimer ce little brother dans ses contradictions. On aime suivre l'évolution de ses sentiments, évolution qui transforme ce dur presque réac en un héros compassionnel quasi christique, qui transforme un petit frère laissé pour compte en compagnon de route indispensable, puis un homme de l'ombre en force lumineuse.
Mais ya comme des lacunes... On n'y trouve rien qui fâche - si, un peu, mais vite oublié. Ethel est une épouse riante enjouée et charmante. On évoque le trouble provoqué chez Bobby par Jackie, mais à peine, et pas un mot sur le passage charnel d'une Marilyn perdue éperdue entre les deux frères. Il est dit que Bobby est sans doute la cause de la mort de JFK, mais surtout on n'évoque aucune théorie plus ouverte sur les actions de la CIA, des anticastristes, des mafieux, du KKK ou d'un Hoover bien complaisant envers ces groupes sulfureux. Sans doute de peur de relancer le débat et de passer pour complotiste....
On passe aussi totalement à côté d'un semblant d'enquête sur l'assassinat de Bobby. Il y a mille choses à dire sur le sujet, mais l'auteur n'évoque rien sinon le nom du tueur et la raison invoquée pour commettre cet assassinat. En une phrase. C'est très très un peu court, jeune homme !
Rien sur les onze enfants non plus, comment étaient-ils, que sont-ils devenus... L'auteur a privilégié Bobby, rien que Bobby, seulement Bobby. Ca a l'avantage d'être clair, mais le portrait d'un homme n'est-il pas incomplet si on néglige son entourage ?
Ca reste un beau portrait, parce que d'une belle personne. Qu'on ne se lasse pas de côtoyer. Qu'on aimerait côtoyer un peu plus, beaucoup plus, énormément plus. Plus en profondeur, à différents niveaux. Disons que pour approcher Bobby, ce livre est un agréable apéritif, qui, comme le mot l'indique, ouvre l'appétit pour ensuite passer au repas complet... Sans ça, attention frustration.