La dernière nuit du monde

Laissez-moi mes nuits étoilées !
J'avais entendu Laurent Gaudé lors d'un entretien à la radio concernant sa dernière pièce de théâtre et il m'avait captivée.
Un sujet qui fait froid dans le dos et qui n'est pas sans points communs avec la période que nous vivons.
Familière du romancier, je ne connaissais pas le dramaturge.
Pièce lue et non vue, donc un ressenti livresque.
Un couple Gabor et Lou ils discutent, se chamaillent, nous sommes à une semaine du grand saut.
« Dans exactement une semaine, nous plongerons dans l'ère de la nuit fractionnée. »
Gabor est le chantre de cette innovation politique, approuvée par 54 pays à travers le monde, qui consiste à « peupler la nuit pour désengorger le jour ».
Pour cela a été mis au point la pilule miracle et garantie sans effets secondaires.
Lou va être hospitalisée la veille du départ de Gabor, il accompagne l'équipe qui va mettre à jour tous les instruments qui nous gouvernent afin que le monde tourne H24.
Il partira quand même, ne restera pas auprès d'elle, convaincu qu'il est de l'importance de sa mission.
Mais lors du premier jour de cet autre monde ou de cette première nuit, Lou annoncée mourante disparait de l'hôpital. Est-elle morte ? Est-elle vivante ?
Contre cette folie il y a un mouvement contre le MNN : Mouvement Nuit Noire.
Dans ce monde qu'il a souhaité et que sa collaboration a permis, Gabor va enquêter pour retrouver Lou.
Enquête qui se déroule en même temps que les mondes marchands s'activent à tout écraser sur leur passage, comme un rouleau-compresseur.
Gabor va-t-il réfléchir, infléchir cette folie ?
J'ai trouvé cette hypothèse totalement crédible dans notre monde, tel qu'il va mal.
La déshumanisation qui est en marche est totalement angoissante, alors que la technologie pourrait nous délester des corvées et nous libérer pour vivre mieux, elle nous éloigne de l'essentiel, nous avilit.
La nuit, cette plage de liberté où notre inconscient travaille à nous ressourcer, l'alternance jour/nuit régule notre production de mélatonine indispensable à la synchronisation de notre horloge biologique, nous en priver c'est changer fondamentalement qui nous sommes.
Voilà une pièce bien angoissante et sui pose de multiples questions.
La beauté de l'écriture de Laurent Gaudé est la lumière qui éclaire notre réflexion.
Un seul souhait avant de dormir : laissez-moi ma nuit étoilée, ses tourbillons, ses nébuleuses, ses étoiles et sa lune et ses figures.
Une pièce originale qui nous rappelle qu'il faut protéger à tout prix notre espace de liberté et nos nuits sont nos remparts.
©Chantal Lafon

Lien : https://jai2motsavousdire.wo..

Pièce assez difficile à lire. Peut-être tout simplement qu'il lui faut une seconde lecture.
Néanmoins c'est Laurent Gaudé. Donc la qualité est au rendez-vous tant sur le style d'écriture que sur la mise en scène. C'est le cheminement qui est dur à suivre.
Le sujet, lui, est excellent. Fiction certes... Mais pas que. le rêve capitalisme, supprimer les espaces temps unitiles telle que la nuit. Recours à la chimie pour faire croire à cette inutilité.
Mais tout est-il si simple ? Non bien sûr, ça se saurait !

A lire, oui. Car Gaudé est une valeur sûre. Il n'écrit jamais pour rien. Il se cache toujours (à moitié) du concret, de l'actu, du vécu, du ressenti.

JE VIENS DE LE RELIRE. Eh oui, il me fallait cette seconde lecture avec une attention à visualiser les personnages sur la scène et dans leur espace-temps.
Allez-y, c'est une pièce formidable et d'une intelligence !

Au commencement…
54 Etats s'accordent pour abolir la nuit. En effet, grâce à une gélule, 45 minutes de sommeil équivalent désormais à une nuit complète. le temps d'activité peut s'étendre avec une forme inédite de liberté. Gabor, qui travaille avec acharnement pour la personnalité politique qui porte ce projet de civilisation, est évidemment excité le soir de l'avènement de ce monde sans limites. Jusqu'à ce qu'il apprenne que sa femme, Lou, est hospitalisée et qu'elle ne devrait pas survivre à cette dernière nuit du monde…

Ce que j'en retiens…
Ce texte d'une beauté assez mélancolique est un puits de réflexions et d'émotions. Un puits de réflexions sur les dérives de la chimie pour s'affranchir de la nature, sur l'obsession de remplir le temps de toujours plus de bruit et de productivité, sur les désillusions politiques. Un puits d'émotion grâce au personnage de Gabor, qui se retrouve propulsé dans une triste errance avec lui-même, désabusé parmi la foule en joie, dans un monde qui révèle peu à peu ses effets secondaires alors qu'il en était pourtant l'un des fiers artisans.

Une citation soulignée...
« Nous aurons le temps...
De quoi ?
Cachets, pilules, les yeux qui s'assèchent.
Tout s'est perdu.
Le jour a tout mangé.
Et nous sommes vieux.
Regarde : je ne sais plus quel âge j'ai…
Âge naissance ou âge pilule,
tout se mêle.
Je ne suis plus jamais fatigué mais je suis usé.
Mémoire encombrée, défaillante.
Trop de vies.
Personne n'avait pensé à cela : que nous finirons par être trop plein de notre propre vie ».

Autour de l'oeuvre…
Extraits vidéo de la pièce de théâtre sur :
https://www.theatre-contemporain.net/spectacles/La-Derniere-nuit-du-monde/videos/media/La-derniere-nuit-du-monde-FABRICE-MURGIA-extraits

Une fois n'est pas coutume, moi qui ADORE Laurent Gaudé, je n'ai pas accroché avec celui-là. le thème ne fait pas partie de ses sujets habituels. Un peu trop "anticipation" pour moi qui n'aime pas ce genre.

Une fois n'est pas coutume, moi qui ADORE Laurent Gaudé, je n'ai pas accroché avec celui-là. le thème ne fait pas partie de ses sujets habituels. Un peu trop "anticipation" pour moi qui n'aime pas ce genre.

C'est toujours un plaisir renouvelé de retrouver Laurent Gaudé pour une nouvelle parution. Cette fois-ci avec une pièce de théâtre sous l'allure d'un songe, qui aborde de nombreux sujets de notre société malmenée par la cupidité de l'être humain. J'espère pouvoir prochainement découvrir cette pièce sur scène.