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Pierre Vidal-Naquet (Autre)Paul Mazon (Autre)
EAN : 9782070373642
480 pages
Gallimard (25/03/1982)
4.17/5   142 notes
Résumé :
"Une sorte d'épouvante emplit Eschyle d'un bout à l'autre ; une méduse profonde s'y dessine vaguement derrière les figures qui se meuvent dans la lumière. Eschyle est magnifique et formidable, comme si l'on voyait un froncement de sourcil au-dessus du soleil"
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Critiques, Analyses et Avis (6) Voir plus Ajouter une critique
A noter que, par étourderie, j'ai posté la fiche relative aux "Suppliantes" sans me rendre compte que, par la suite, cela m'interdirait de faire de même pour chacune des tragédies d'Eschyle, que je possède en fait dans l'édition intégrale de Gallimard-Folio. Veuillez m'en excuser de retrouver cette critique deux fois (l'une ici et l'autre avec le volume "Les Suppliantes" aux Belles Lettres) et sachez que cette situation de "doublon" ne se reproduira pas. Merci. ;o)

Les Suppliantes
Traduction, présentation & notes : Paul Mazon
Préface : Pierre Vidal-Naquet

ISBN : 9782070373642

Pour ceux de ma génération qui ont fait du grec classique, il est de tradition d'étudier, en matière de théâtre, une sorte de Trinité qui réunit Eschyle, Sophocle et Euripide. Les trois hommes sont cités par ordre de naissance, ce qui va de 525 pour Eschyle à 485 pour Euripide. En l'espace de ces quelques décennies, la Grèce, bien sûr, évolua mais son art littéraire également. Ainsi, c'est avec Eschyle que, pour la première fois, un deuxième acteur (ou deutéragoniste) est introduit sur scène où continue de dominer le choeur avec son responsable, le choryphée. Retenons également que, si Eschyle écrivit bien plus de trois-cent-quatre-vingt-dix tragédies sans oublier ses drames satyriques, il ne reste plus à notre disposition de tout cela que sept de ses tragédies (parfois avec des "blancs" comme, d'ailleurs, "Les Suppliantes") et quelques fragments de deux autres pièces.

"Les Suppliantes", qui devait s'accompagner d'une (ou deux) autre tragédie sur le même thème et certainement d'un drame satyrique, traitant lui aussi du même sujet mais alliant le comique au tragique, est en principe la première de cette liste qui nous soit demeurée accessible. L'initié constate que nous sommes loin du dithyrambe archaïque, sorte de procession entremêlée de chants et de danses, qui avait pour lieu les temples et leurs alentours. Nous sommes certainement plus proches du genre créé par Thespis (oui, le fameux "chariot de Thespis, c'est lui :o) ), dit Thespis d'Icare soit parce qu'il était né à Icaria, soit parce qu'il exerçait surtout là-bas, lequel disciplina un peu tout cela en affectant le dithyrambe au choeur et en faisant entrer pour la première fois sur les planches celui qu'on appelle le "protagoniste", c'est-à-dire, à cette époque le premier acteur. Tout cela se passait au VIème siècle avant notre ère et cela fut une véritable révolution dont nous avons certainement bien du mal à imaginer l'importance aujourd'hui.

Après Phrynicos, grand poète tragique du VIème siècle lui aussi, dont ne nous sont parvenus que quelques fragments d'oeuvres, qui, le premier, montre l'action non plus comme un résumé des événements (ce à quoi se bornait en principe le choeur à ses débuts) mais comme des faits se déroulant en temps réel, Eschyle endosse à son tour, répétons-le, l'habit du novateur de génie avec son idée d'ajouter un deuxième acteur à l'ensemble. Dans ses "Suppliantes", il n'oubliera cependant pas de rendre hommage à Phrynicos car le premier vers de sa pièce est une copie conforme de celui par lequel débute la tragédie dans laquelle Phrynicos traitait du même sujet.

Mais quel est-il, ce sujet ? Eh ! bien, il s'inspire de la légende des Danaïdes, les cinquante fille du roi Danaos qui, par leur trisaiëul paternel, Epaphos, descendent de Zeus et de son union avec Io. Mais la pièce, où certains exégètes ont voulu à tout prix voir une critique de l'inceste (alors que, dans la Grèce classique, on pouvait très bien se marier entre demi-frère et demi-soeur), ne tient pas compte de la fameuse légende que nous avons tous en tête et qui se réfère au fameux "tonneau des Danaïdes." Il est vrai que ce supplice sans fin a lieu dans les Enfers et que les Danaïdes des "Suppliantes" sont encore bien en vie mais toujours vierges. Guidées par leur père, Danaos, elles ont fui l'Egypte, où leur oncle, Aegyptos, voulait leur imposer le mariage avec ses cinquante fils, les Egyptiades.

Originaires, par leurs illustres aïeux, de la Grèce et tout spécialement de l'Argolide, c'est à Argos, où règne le roi Pelasgos, que Danaos et ses filles sont venus réclamer un asile que les exégètes actuels considèrent de plus en plus comme un asile politique. En effet, si Danaos régnait en Afrique sur la Lybie (et le costume des Danaïdes ainsi que leurs bijoux et coiffures induisent d'ailleurs Pelasgos, dès qu'il les aperçoit, en erreur car il a du mal à retrouver là-dessous des Grecques pures et non contaminées par les Barbares), son frère, Aegyptos s'était vu attribuer l'Arabie avant de s'emparer pour son propre compte de l'Egypte. Si son dessein de marier ses fils avec leurs cousines est bien réel, il semble aussi qu'il ait eu dès le début l'intention, après le mariage, de faire assassiner les Danaïdes (et Danaos), mettant ainsi la main sur l'héritage laissé par son frère . (En quelque sorte, l'assassinat des Egyptiades - sauf un, préservé par son épouse, Hypermnestre, à qui le jeune homme a accepté de laisser sa virginité - ne fait que répondre au projet meurtrier d'Aegyptos.)

Plein de bon sens et dans la droite ligne de la démocratie, Pelasgos accepte de protéger Danaos et sa fille, sous réserve que son peuple, les Pélasges, soit d'accord. Soumise (sans que le public le voit) à un vote, la suggestion du roi est approuvée à l'unanimité alors que, en scène, débarque un héraut égyptien qui, sur un ton des plus menaçants, intime aux Danaïdes l'ordre de monter dans les galères envoyées à leur poursuite par leur oncle et de revenir illico presto épouser leurs cousins. Danaos et ses filles refusent avec hauteur et implorent Zeus, leur aïeul, de se montrer clément envers eux. le retour de Pelasgos, qui ordonne au héraut mal embouché de se retirer et lui fait part de la décision de son peuple, calme leurs angoisses mais au final, leurs suivantes les rallument en les mettant en garde envers la suite de leur terrible destinée. On sait quelle importance les Grecs accordaient au Destin et à la Fatalité.

Si les Grecs du Vème siècle av. J. C., pouvaient sans peine trouver dans cette pièce des sous-entendus politiques pour eux bien plus évidents que pour nous, on est curieux de savoir ce qu'ils ont bien pu penser de l'aspect profondément "féministe" de l'histoire des filles de Danaos. Il existe en effet chez les Danaïdes, qui le proclament sans complexe bien haut et bien fort, une véritable haine de l'homme, considéré comme un prédateur assoiffé de virginités et, partant, comme une souillure ambulante, un véritable obsédé qui fait passer le sexe avant tout et qui, en utilisant justement le sexe et/ou le mariage, réduit la femme à l'esclavage. Certes, ce sont ici les Egyptiades qui sont visés mais on a l'impression très nette que, pour ces demoiselles, ce serait absolument pareil avec tout autre prétendant.

L'on sait, bien sûr, que les Grecs vénéraient Artémis, déesse chasseresse profondément chaste, Athéna, déesse de la Sagesse qui pouvait se révéler guerrière redoutable et qui, née toute casquée du cerveau de Zeus, ne semble pas (en tous cas, je n'en ai pas conservé le souvenir) s'être jamais donnée à un mâle, dieu ou mortel, et que les Amazones, qui se coupaient l'un des seins pour mieux tirer à l'arc et ne vivaient qu'entre elles, appartenaient au monde mythique qu'ils façonnèrent. On sait aussi que les fameux "Mystères d'Eleusis" étaient rigoureusement interdits aux hommes et que tout curieux de sexe masculin qui s'y faisait prendre était mis à mort sur le champ. Face à ce respect indéniable envers certaines formes de la Féminité, se dressent la façon odieuse dont les Grecs "protégeaient" leurs épouses et leurs filles de la vue des hommes dans le gynécée familial et leur misogynie légendaire qui apparaît, bien plus tard mais toujours aussi éclatante, dans les enseignements de Paul de Tarse et dans le mépris des pères de l'Eglise chrétienne pour la femme - mépris que Jésus ne connaissait pas.

Malgré cela, "Les Suppliantes" d'Eschyle poussent le spectateur à choisir le parti des Danaïdes, lesquelles ne supplient pas toujours et clament parfois non pas des slogans mais des désirs purement guerriers. Si elles doivent s'incliner, elles ne le feront pas sans se battre. Les Egyptiades et le spectateur sont prévenus. Ces jeunes filles dans les veines desquelles coule le sang divin de Zeus ne sont pas n'importe qui.

La pièce, évidemment courte puisqu'elle était liée en principe à au moins une autre tragédie et à un drame satyrique non retrouvés, est relativement simple à lire et à comprendre. Encore faut-il, cela va de soi, posséder quelques notions des mythes grecs. Signalons qu'il est intéressant de la comparer, par la suite, à celle qu'Euripide donnera sur le même sujet (et que nous verrons plus tard.) Nous ne doutons pas cependant que des lecteurs plus bardés de diplômes que nous le sommes, trouveraient à ajouter ici bien des choses . Nous les en remercions d'ailleurs par avance en leur précisant néanmoins que notre but, en ouvrant cette rubrique, est avant tout (comme pour toutes les rubriques littéraires de Nota Bene) de donner le goût au néophyte de lire l'auteur concerné et de s'intéresser à sa personnalité, à son oeuvre mais aussi à l'époque à laquelle il vécut.

Autre but recherché et qu'exige notre lamentable époque à nous (ainsi qu'une grande partie de nos gouvernants) : prouver que ces auteurs si lointains en apparence sont intimement liés à la littérature française de tous les temps (et, de façon générale, à la littérature en langues dites "romanes" et à la littérature mondiale, à l'exception peut-être de certaine littérature qui refuse de s'adapter depuis maintenant quinze siècles. Encore faut-il être juste et préciser que les Anciens de cette littérature-là, parmi les plus cultivés, avaient parfaitement connaissance des textes grecs, notamment philosophiques et aimaient à les lire. )

En résumé, nous serions heureux de lire d'autres points de vue sur Eschyle et les auteurs que nous serons amenés à ajouter ici. Mais, par pitié et pour votre tranquillité personnelle, pas de bla-bla jargonnesque, s'il vous plaît, pas de "Moi-j'ai-fait-des-études-et-vous-vous-n'êtes-que-de-pauvres-ignares-na-na-naire"). Sur notre Forum-Bibliothèque, beaucoup appartiennent à une génération dont les instituteurs et les professeurs brûlaient de partager leur savoir avec leur élèves et non de le conserver farouchement pour eux seuls (et les leurs). Chez nous, les autodidactes sont aussi bien vus que les archi-diplômés du moment qu'ils sont tous de Grands Lecteurs. Et du moment qu'ils veulent, en toute humilité et sans désir de compétition, donner à autrui, quel qu'il soit, le goût de lire et d'aimer lire ainsi que celui d'amener plus jeune et/ou moins cultivé qu'eux à réaliser que la Littérature est une richesse qui, même si elle n'est pas cotée en bourse, ne fondra jamais au soleil et leur restera toujours dans le coeur et dans la mémoire, prête à les soutenir et à illuminer leur vie. A bientôt ! ;o)
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Et voilà, enfin je les ai lues, ces 7 uniques pièces qui nous sont parvenues d'Eschyle ! Il fallait bien en passer par là un jour.
J'avais peur de ne pas aimer, que les sujets, la forme, le choeur soient des obstacles à ma compréhension et à mon plaisir.
Mais en fait, pas du tout!
J'ai pris un plaisir étonné en lisant successivement Les Suppliantes, Les Perses, Les Sept contre Thèbes, Prométhée enchaîné (ma préférée) et l'Orestie.

Eschyle est le premier des trois grands princes du théâtre grec au Ve siècle avant notre ère. Son théâtre est profondément marqué par la présence et le respect des dieux (qu'il n'hésite pas à mettre en scène !). La désobéissance à leur volonté (Prométhée enchaîné), l'hybris - l'orgueil, la démesure - (Les Perses), le parricide ou le fratricide (Les Sept contre Thèbes, l'Orestie) sont condamnés et punis par ces mêmes dieux. La piété et le respect des lois divines priment sur l'ambition et la volonté personnelles. Les Danaïdes, bien que voulant échapper à raison d'une union quasi incestueuse, ne seront pas moins punies du meurtre de leurs époux ; Laïos ayant défié l'oracle d'Appolon verra sa descendance maudite jusqu'à ce que le crime d'Oedipe soit expié - par la mort ; et la malédiction des Atrides poursuivra Oreste jusqu'à ce que non pas la mort, mais bien le pardon, lui soit accordé !
Nul n'échappe à la loi des dieux.

Ce théâtre est plus proche de nous qu'on ne pourrait s'y attendre. Les hommes sont continuellement déchirés entre leurs passions et leurs devoirs moraux. Et la justice des dieux ne concorde pas toujours avec celle des hommes, et encore moins avec leur nature.
La tragédie grecque, comme l'explique Aristote, vise la catharsis : la purgation des passions, et pour ce faire elle fait naître deux sentiments chez le spectateur : la terreur et la pitié. N'a-t-on pas en effet pitié de ce pauvre Titan de Prométhée, qui, pour avoir trop aimé les hommes, s'est retrouvé enchaîné à une montagne, son foie offert jour après jour à un aigle vorace ? Et quelle horreur que ce châtiment! Quelle terreur à l'idée d'une telle souffrance! Et être contraint par une malédiction de tuer son père et épouser sa mère ; être le fruit de cet inceste (ce mot en latin signifie "souillure") et mourir en tuant son propre frère ; et assassiner sa mère pour venger son père : voilà des destins tragiques maudits par les dieux!
Voilà la tragédie.

Et les choeurs, loin d'être barbants, sont aussi beaux qu'utiles à l'histoire. Ils éclairent sur des éléments précédents le cadre tragique, ils chantent le passé qui conduisit au présent, ils pleurent la mort et hurlent face à l'injustice. Ils servent souvent de "conscience" ou de miroir aux personnages.
La justice des hommes doit se calquer sur celle des dieux, mais les dieux ne sont pas tous d'accord, et un homme pris entre deux est un homme maudit (je pense à Oreste qui fut contraint par Appolon de tuer sa propre mère pour être ensuite poursuivi par les Erinyes avides de vengeance).
Je serais tentée de dire que ce théâtre blâme subtilement les dieux capricieux et tyranniques pour certains, mais ce serait aller trop loin car ce n'est qu'un avis personnel. Eschyle enseigne ici la terreur des divinités et la faiblesse des hommes face à leur destin.
Mais ce qui m'a le plus surprise, et touchée, c'est de constater à quel point c'est pièces vieilles de 2500 ans sont accessibles : impossible de ne pas comprendre les personnages, de compatir à leurs peines, de prendre pitié d'eux! Car au fond, les Danaïdes, et Oedipe, et ses fils, et Clytemnestre et Oreste et Electre, c'est nous! (pas en acte hein!)
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Pourquoi lire les médiocrités actuelles, quand il y a de grands livres?

Prométhée
Les grands vents inconnus balayaient la terre
Depuis des siècles et des millénaires
L'homme était là. Enfin…
Pendant des milliers d'années il attendit
Puis vint un géant qui lui dit:
Je suis le quêteur de feu,
qui pour les hommes sera une immense ressource,
en leur ouvrant le secret de toutes industries…..*
De ce jour, l'homme chercha un nom
Il voulait trouver un nom pour ce titan
Mais il n'avait pas de nom,
Il fallait inventer les mots
Pour donner un nom
Ici, là et ailleurs partout où il y avait l'homme
Passèrent encore des années
Partout où il était, il réfléchissait, l'homme
Et ne trouvait pas d'explication
Le cadeau était trop grand pour l'homme
Il inventa alors l'inventeur
Un inventeur inconnu qui avait une âme
Trop vaste pour le corps de l'homme
Il, inventa les fils de l'homme
Il inventa les dieux
Ceux-là qui les premiers
Avaient inventé le feu
Il inventa les noms de tous ces dieux inconnus
Il inventa le nom de ce titan
Qu'il appela Prométhée puni par les dieux:
je me suis attiré la rancune de tous les dieux
pour avoir trop aimé les hommes.
Gardeur et donneur du feu
Préhistoire des dieux
Et depuis, toujours et partout
Les dieux viennent
Dans le feu des cieux et les ombres de la nuit,
- le premier, j'ai interprété les suites que doivent avoir les songes après le réveil -
Détruire la tranquillité de l'homme.

*citations du Prométhée d‘Eschyle traduites par Victor-Henri Debidour

© Mermed
Lien : http://holophernes.over-blog..
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C'est le premier des 3 grands tragédiens de la Grèce antique que je lis, et je n'ai pas été déçu. Ecrites il y a environ 25 siècles, ces pièces peuvent ne pas être faciles à lire de premier abord, en particulier lorsque parlent le choeur et le coryphée, mais ça reste quand même accessible, surtout si on a déjà lu d'autres auteurs antiques. A réserver évidement à ceux qui aiment la mythologie Grecque, et ceux-là ne seront pas déçus. Cette visite ou revisite de certain mythes est un régal, mais je conseille quand même de relire sur internet les histoires des personnages et mythes relatés, afin d'avoir une meilleure compréhension lors de la lecture. Je connaissais déjà les histoires présentées dans ce livre, encore que de l'Orestie ne m'étaient connues que les grandes lignes, mais c'est avec grand plaisir que j'ai dépoussiéré ma connaissance de certains mythes Grecques. Dommage qu'il ne nous soit parvenus que si peu de pièces de cet auteur, j'ai hâte de poursuivre avec Sophocle et Euripide.
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Tel Prométhée enchaîné, “On a tout à gagner, quand on est sage, à ne point le paraître”, des sept contre Thèbes à Agamemnon, les suppliantes se font entendre et suivrent par ces lignes de plaisirs de découvertes d'un autre temps.

Voyage dans une antiquité de luttes et de découvertes à ne pas manquer.
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Citations et extraits (30) Voir plus Ajouter une citation
(AGAMEMNON)

Le Veilleur. -- J'implore des dieux la fin de mes peines, depuis de si longues années qu'à veiller sur ce lit, au palais des Atrides, sans répit, comme un chien, j'ai appris à connaître l'assemblée des étoiles nocturnes, et ces astres surtout qui apportent aux hommes et l'hiver et l'été, princes lumineux des feux de l’Éther, dont je sais et les levers et les déclins. Et me voici encore épiant le signal du flambeau, la lueur enflammée qui, de Troie, nous portera la nouvelle, le mot victorieux : ainsi commande un cœur impatient de femme aux mâles desseins. Mais, lorsque je suis là, sur cette couche pénétrée de rosée, qui me retient la nuit loin de chez moi, qui ne connaît point, elle, la visite des songes, -- car, au lieu du sommeil, c'est la peur qui seule s'en approche et me défend de joindre mes paupières pour un sommeil paisible -- quand je veux donc chanter ou fredonner, me faire avec des refrains un remède contre la torpeur, alors j'éclate en sanglots, déplorant le sort de cette maison, où ne règne plus le bel ordre d'antan. Ah ! puisse donc luire aujourd'hui l'heureuse fin de mes peines et le feu messager de joie illuminer les ténèbres !
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PROMÉTHÉE ENCHAINÉ

PROMÉHÉE : [...] Écoutez, en revanche, les misères des mortels, et comment des enfants qu'ils étaient j'ai fait des êtres de raison, doués de pensée. Je veux le conter ici, non pour dénigrer les humains, mais pour vous montrer la bonté dont leur ont témoigné mes dons. Au début, ils voyaient sans voir, ils écoutaient sans entendre, et, pareils aux formes des songes, ils vivaient leur longue existence dans le désordre et la confusion. Ils ignoraient les maisons de briques ensoleillées, ils ignoraient le travail du bois ; ils vivaient sous terre, comme les fourmis agiles, au fond de grottes closes au soleil. Pour eux, il n'était point de signe sûr ni de l'hiver ni du printemps fleuri ni de l'été fertile ; ils faisaient tout sans recourir à la raison, jusqu'au moment où je leur appris la science ardue des levers et couchers des astres. Puis ce fut le tour de celle du nombre, la première de toutes, que j'inventai pour eux, ainsi que celle des lettres assemblées, mémoire de toute chose, labeur qui enfante les arts. Le premier aussi, je liai sous le joug des bêtes soumises soit au harnais, soit à un cavalier, pour prendre aux gros travaux la place des mortels, et je menai au char les chevaux dociles aux rênes, dont se pare le faste opulent. Nul autre que moi non plus n'inventa ces véhicules aux ailes de toile qui permettent au marin de courir les mers. - Et l'infortuné qui a pour les mortels trouvé telles intentions ne possède pas aujourd'hui le secret qui le délivrerait lui-même de sa misère présente !
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(LES SEPT CONTRE THÈBES)

Étéocle. -- Peuple de Cadmos, il doit dire ce que l'heure exige, le chef qui, tout à sa besogne, au gouvernail de la cité, tient la barre en main, sans laisser dormir ses paupières. Car, en cas de succès, aux dieux tout le mérite ! Si au contraire -- ce qu'au Ciel ne plaise ! -- un malheur arrive, "Étéocle" -- un seul nom dans des milliers de bouches -- sera célébré par des hymnes grondants et des lamentations, dont Zeus préservateur, pour mériter son nom, puisse-t-il préserver la cité cadméenne ! Et vous aussi, vous devez tous à cette heure, ceux qui attendent encore la pleine force de la jeunesse comme ceux quelle a fuit avec l'âge, gonflant du moins vos muscles pour en doubler la vigueur, chacun enfin se donnant au rôle qui convient à ses forces, porter secours à la cité, aux autels des dieux du pays -- afin que leur culte ne soit pas à jamais effacé -- à vos fils, et à la Terre maternelle, le plus tendre des nourrices, qui, à l'heure où, enfants, vous vous traîniez sur son sol bienveillant, a pris toute la charge de votre nourriture et fait de vous les loyaux citoyens armés du bouclier qu'elle attend en ce besoin.
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LA REINE : Je suis longtemps restée muette, misérable écrasée par l'infortune. Le désastre est trop grand pour permettre un mot, une question sur nos malheurs. Il faut pourtant que les mortels supportent les tristesses que leur envoient les dieux. Déploie donc à nos yeux toute notre misère et dis-nous posément, quelques gémissements que t'arrachent nos maux, quels sont, parmi les chefs, ceux qui n'ont pas péri - ceux aussi que nous devons pleurer et qui, placés au rang où l'on porte le sceptre, ont en mourant laissé la place vide.

LE MESSAGER : Pour Xerxès, il vit et voit le jour.

LA REINE : Ah ! de quelle éclatante lumière tes mots inondent ma maison ! C'est le jour resplendissant après la nuit ténébreuse !

Les Perses
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LE CHOEUR : [...] Divinités de Thèbes, accourez toutes : contemplez une troupe suppliante de vierges qu'épouvante l'esclavage. Autour de leur cité bouillonne une vague guerrière aux casques frémissants soulevée par les vents d'Arès. Ô Zeus, Zeus, père sans qui rien ne s'achève, écarte à jamais de nous le ravisseur ennemi. Les Argiens enserrent la ville de Cadmos ! L'effroi me pénètre, l'effroi des armes homicides ! Entre les mâchoires des chevaux les mors sonnent un glas de massacre ! Sept chefs désignés par leur vaillance, l'ardente javeline armant leur bras, s'avancent contre nos sept portes, dans l'ordre voulu par le sort !

Et toi, fille de Zeus, puissante guerrière, sois le salut de la cité, Pallas ! Et toi, dieu cavalier, dont le trident redouté du poison règne sur les mers, Poseidôn, délivre-nous, délivre-nous de ces terreurs ! Et toi, Arès, hélas ! hélas ! veille sur une ville qui porte le nom de Cadmos : sois son allié par les armes comme tu l'es par le sang ! Et toi, Cypris, antique aïeule de notre race, protège-nous ! C'est ton sang qui coule en nos veines, et nous venons à toi avec des appels, des sanglots qui implorent ta divinité. Et toi, dieu qui détruit les loups, détruis l'armée de nos ennemis, fais-leur payer nos sanglots ! Et toi, vierge née de Létô, arme-toi !

Les Sept contre Thèbes
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Vidéo de  Eschyle
ESCHYLE — Le Chœur & le Sacré (UNIVERSITÉ NANTERRE, 1994) Un cours audio de Émile Lavielle enregistré le 8 février 1994 pour l’Université de Nanterre.
>Littérature (Belles-lettres)>Littérature hellénique. Littérature grecque>Littérature grecque : drames (40)
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