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EAN : 9782070129348
416 pages
Gallimard (13/04/2012)
3.97/5   69 notes
Résumé :
Originaire de Syrie, Abdulrahman Zeitoun est arrivé à la Nouvelle Orléans dans les années 1990 et a épousé Kathy, une jeune Américaine convertie à l'islam.Il y a fondé une entreprise de bâtiment qui s'avère très prospère.Ce récit relate l'expérience de cette famille lors du passage de l'ouragan Katrina durant l'été 2005.
Malgré l'évacuation de la ville et la fuite de sa famille Zeitoun décide de rester sur place pour surveiller sa maison et de nombreux chanti... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (16) Voir plus Ajouter une critique
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J'avais repéré ce livre depuis un moment déjà, pour une raison assez « bête » en lien avec les nombreux challenges auxquels je participe : ici ou là, il est question de trouver la lettre Z dans le titre d'un livre, or quoi de mieux que la première lettre du titre ? Cependant, c'est parce que ce livre m'a été proposé en lecture imposée, dans l'un desdits nombreux challenges, que j'ai fini par l'entamer.
Je le termine dans un mélange de perplexité et d'irritation…

Il suffit de lire le 4e de couverture pour comprendre l'essentiel : il s'agit des quelques jours / semaines de la vie d'une famille, juste avant, pendant et après le passage du terrible ouragan Katrina, qui a complètement dévasté la ville de la Nouvelle-Orléans en 2005. Les images de cette terrible catastrophe naturelle ont alors fait la une des journaux télévisés, et probablement ému le monde entier, pendant plusieurs semaines, avec ces vents d'une violence inouïe, ces inondations qui ont rasé toute une ville et certainement ses quartiers les plus pauvres, et ce dénuement extrême dans lequel s'est retrouvée toute une population déjà guère favorisée à la base.

Ici cependant, l'auteur, qui se définit lui-même comme celui qui a recueilli les paroles de ceux qui ont vécu cette catastrophe, proposant donc un témoignage mais en aucun cas un roman, prend un angle inhabituel pour raconter l'histoire de la famille Zeitoun.
Car, oui : Zeitoun est en réalité le nom de famille (on le devine américanisé, car l'un des frères de notre protagoniste, émigré quant à lui en Espagne, est devenu Zeton) d'un homme de 47 ans, Syrien d'origine et musulman, mais ayant émigré aux États-Unis. C'est là qu'il a s'est marié avec une Américaine de souche convertie à l'islam, qu'ensemble ils ont construit une famille composée du fils de Kathy d'un premier mariage et de leurs trois filles, et qu'il a lancé une entreprise de construction désormais florissante. de son vrai prénom Abdulrahman, prénom qui serait imprononçable pour des Américains, il a fini par se faire appeler de tous (à part leurs plus proches amis, musulmans eux aussi) de son seul nom de famille…

Et ainsi, pendant un peu plus de la première moitié du livre, l'auteur nous relate une histoire assez tranquille, comme un chassé-croisé sans heurts de narration des événements en cours, et de flashes back détaillant la vie de Zeitoun en Syrie et sur les mers (car il a été marin au long cours avant de se fixer aux États-Unis), ou celle de Kathy à la recherche d'elle-même jusqu'à aboutir à l'islam.
On sent le vent qui forcit, les nouvelles météo qui sont diffusées et de plus en plus alarmantes ; on entend l'inquiétude de Kathy qui grandit, tempérée cependant par une certaine indécision des autorités (qui ne déclareront l'évacuation, d'abord volontaire puis obligatoire, que très tardivement) et par la placidité de Zeitoun, qui ne cesse de rappeler qu'ils ont vécu bien d'autres ouragans, assez communs dans cette région des États-Unis, et qu'il sait comment y faire face même si celui qui approche est annoncé comme exceptionnel.

Cependant, Kathy finit par décider de partir avec les enfants, d'abord chez de la famille à Bâton-Rouge où ils seront bienvenus mais sans plus, jusqu'à terminer chez une amie de toujours, elle aussi convertie à l'islam, qui habite à plus de 2.000 km des événements, ce qui permettra à la famille de « souffler » réellement, en toute sécurité physique et émotionnelle.
Zeitoun quant à lui décide de rester à La Nouvelle-Orléans, lui l'ancien marin (on l'a dit) tout à coup presque heureux de pouvoir utiliser un frêle canoë qu'il avait acquis quelque temps avant sur un coup de tête ! Cette embarcation de fortune va lui permettre de sillonner les rues sous eaux, de porter secours (avec quelques autres civils qui, comme lui, ont choisi de rester sur place) à des personnes qui n'ont pu partir à temps et qui sont désormais abandonnées de tous, dans les étages supérieurs et souvent sans confort de ce qui reste de leur chez-eux, ou d'aller nourrir les chiens de voisins qui sont, eux, bien partis… abandonnant leurs fidèles compagnons !
Par la suite, il choisit aussi de faire fi de l'ordre d'évacuation obligatoire de la ville, qui finira par arriver des jours et des jours plus tard ; toutefois, il maintient un contact téléphonique avec Kathy une fois par jour, car la ligne fixe chez eux (sachant qu'il « habite » désormais aux étages, après y avoir transporté tout ce qu'il pouvait pour sa survie) est restée miraculeusement active !

Et puis tout bascule peu après cette première moitié de la narration : l'auteur nous relate, d'abord par les yeux de Kathy qui reste tout à coup sans plus aucune nouvelle de son mari et plonge aussitôt dans l'angoisse, puis (presque très tard dans le livre) une vision de la réalité vécue par Zeitoun, le fait qu'il a été arrêté par des forces de l'ordre tout à coup surpuissantes. Arrêté arbitrairement chez lui alors qu'il est juste en train de prendre sa douche ; incarcéré à la suite de plusieurs indices compromettants, dont sans aucun doute son « délit de sale gueule » (même s'il n'est jamais mentionné ainsi), lui le Syrien d'origine qui parle anglais avec un accent qu'il n'a jamais perdu, il se retrouve accusé de terrorisme – accusation qu'il savait pendante depuis des années, depuis le fameux 11-septembre en fait, mais que le chaos de l'après-ouragan a tout à coup rendu possible ! Mis au secret, traité en violation des plus élémentaires droits humains (et des propres lois américaines), il passera plusieurs jours de détention dans des conditions inimaginables, qui vont le marquer profondément… sans même parler de toutes les tracasseries administratives qu'ils vont devoir traverser pour sa libération puis la récupération de choses aussi élémentaires que son portefeuille par exemple (qui ne contient plus que sa carte de séjour et son permis de conduire), considéré comme pièce à conviction alors même que toutes les charges contre lui ont été abandonnées !

Ainsi, même si cette partie réellement tragique fait finalement moins de la moitié du livre, elle est évidemment la plus impactante, et montre de façon implacable comme les États-Unis, qui ont tellement tendance à s'ériger comme les parangons de la Vertu internationale et gardiens des Droits de l'Homme (surtout quand il s'agit de s'opposer à la Chine ou à la Russie, cela dit…), ont été réellement minables et désespérément inhumains dans la gestion d'une crise majeure. En effet, comment définir autrement la politique d'un pays qui, sitôt l'ouragan passé, à en croire l'auteur, a commencé par construire une prison temporaire sur les hauteurs de la ville (là où Zeitoun sera incarcéré au début de sa détention), avant même de partir à la recherche des habitants, potentiellement en détresse, qui seraient restés coincés chez eux- ce qui a donc échu à quelques civils bienveillants, comme Zeitoun, justement ?

Le contraste entre ces deux façon de faire est évidemment saisissant.
Cette vision ne fait que renforcer l'image de ces États-Unis, encore et toujours synonymes de terre de rêve pour bien des peuples défavorisés, mais désormais bien « cassée » en d'autres lieux, et certainement pour certains en Europe… dont moi !
On sait que La Nouvelle-Orléans s'est relevée de ses blessures, désormais, mais les souvenirs restent vifs, et pour certains resteront, à jamais, particulièrement douloureux !

Ainsi, pour en revenir à ce que je disais plus haut : ce livre-témoignage montre donc le passage de l'ouragan Katrina par un biais moins médiatisé que ce qui nous avons pu voir à l'époque, c'est-à-dire la vision par un couple musulman (et qui s'affirme comme tel avec conviction : Kathy par exemple porte le hijab par choix, alors que ce n'est même pas une obligation, et qu'elle en est vivement critiquée notamment par sa famille américaine !), dont la religion va devenir une réelle malédiction dans un contexte de toute façon très tendu…

Mais cette vision que l'auteur donne de l'islam a fini par me poser question. Je précise d'emblée que je n'ai aucun problème avec l'islam en tant que tel. Je partage très largement la vision de l'auteur selon laquelle les fondements de cette religion n'ont rien à voir avec la version apparemment privilégiée aux États-Unis, qui semble y voir surtout une religion vivier de terroristes, ce qu'elle n'est évidemment pas… même si les désormais nombreux attentats internationaux revendiqués par ses extrémistes, avec le 11-septembre en premier lieu, finissent par lui donner une allure bien sombre.

Au contraire, l'auteur le présente ici comme une religion géniale : magnifique et ciment d'une famille aux nombreuses branches, éclose en Syrie où il fait bon vivre ; refuge et porte ouverte vers soi-même pour Kathy qui y a suivi son amie de toujours ; base d'un foyer stable et d'une famille solide où l'amour est toujours présent – sans exclure les frictions ou autres malentendus, mais tout se résout toujours ; bref, une famille « normale », comme chez vous et moi en somme !

Ainsi, c'est une version parfois très édulcorée que l'auteur donne de l'islam – pourquoi pas ; ce qui m'a dérangée en revanche, c'est que ce point de vue m'a parfois semblé à la limite du prosélytisme.
Et de nous citer des passages entiers du Coran, mais uniquement ceux qui portent un message (très) positif – certes c'est intéressant, mais c'est aussi très, très orienté, un peu comme si je ne citais que les beautés poétiques du Cantique des cantiques ou les jolis passages des Évangiles, à l'exclusion de toute autre référence plus violente ou carrément guerrière dont la Bible regorge (je ne sais pour le Coran mais ça m'étonnerait que ce soit fort différent…).
Et de raconter la conversion de Kathy comme une belle histoire, on croirait même que son chemin de foi est « le » chemin absolu qui donnerait le bonheur à toutes les femmes, de même que son mariage, certes heureux d'après ce livre, mais qui est quand même présenté comme plus ou moins « arrangé » (au sein de la communauté islamique locale)… et de défendre avec conviction son choix de porter le hijab – or, on sait que c'est un sujet polémique que seuls les spécialistes peuvent trancher, et encore, mais ici l'auteur a clairement fait son choix lui aussi !

Et c'est ainsi tout du long : Zeitoun est un type formidable, issu d'une famille géniale, avec des frères et soeurs magnifiques. Même son choix de rester à La Nouvelle-Orléans est encensé, parce qu'il a aidé plus d'une personne et quelques chiens certes, mais pour moi ça commence à poser question après l'ordre d'évacuation qui, comme dit plus haut, est survenu très tard de toute façon, et à un moment où les autorités avaient commencé à gérer tant bien que mal les conséquences humaines, et Zeitoun reconnaît alors lui-même qu'il n'avait plus grand-chose à faire lors de ses tournées en canoë…
Pourquoi s'est-il entêté à rester là malgré tout, alors que, en plus, sa famille ne cessait de lui demander de les rejoindre à Phoenix, Arizona ? Oh ! je n'irais pas jusqu'à prétendre qu'il a bien cherché ce qui lui est arrivé, personne ne mérite d'être traité ainsi ! Mais n'aurait-ce pas pu être évité, tout simplement ? Ça n'aurait pas rendu les actes des autorités américaines plus acceptables, loin de là (car, selon l'auteur, Zeitoun est loin d'avoir été la seule victime des dérives policières et justicières qui ont suivi Katrina), mais au moins lui en particulier n'aurait pas eu à vivre tout ça…

Bref, comme je disais plus haut : je referme ce livre-témoignage avec un sentiment de désolation-irritation envers l'inaptitude (et l'inhumanité) des autorités américaines face à l'une des plus grosses catastrophes naturelles connues ces dernières années, mais aussi perplexité face au parti-pris évident de l'auteur, qui présente l'islam avec une certaine ferveur bien proche d'un prosélytisme, qui n'était en aucun cas nécessaire pour décrire le drame vécu par la famille Zeitoun !
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« Zeitoun », traduit par Clément Baude (2012, Gallimard, 416 p), n'est pas un roman, c'est Dave Eggers, l'auteur qui l'écrit. Il s'agit plutôt d'un reportage sur le Syrien Adulrahman Zeitoun, arrivé à La Nouvelle-Orléans dans les années 90 et qui a épousé Kathy, une jeune américaine convertie à l'Islam. Ils ont fondé une entreprise de bâtiment qui deviendra assez vite prospère. Puis arrive l'ouragan Katrina pendant l'été 2005. La ville est évacuée, dont la famille de Zeitoun, mais ce dernier décide de rester pour surveiller ses nombreux chantiers et sa maison. A l'aide d'un petit canoë, il parcourt la ville inondée, secoure les habitants, prévient les secours. Sa femme suit à la télévision les violences et pillages. Elle le supplie de s'en aller. Et puis un jour, il disparait, arrêté par la Garde Nationale et soupçonné de pillages. C'est le début de son cauchemar, la fin du rêve américain.
Dave Eggers est né à Boston, et la famille déménage dans la banlieue de Chicago, où il suit des études de journalisme à University of Illinois at Urbana-Champaign, études interrompues par la mort de ses deux parents en 1991 et 1992. Il doit élever son plus jeune frère alors âgé de 8 ans. Il s'applique à être à la fois père et grand frère, décidant de vivre à Berkeley en Californie. C'est le sujet de son livre « Une oeuvre déchirante d'un génie renversant » (2001, Balland, Vintage, 543 p). Il fait du travail intérimaire et se lance dans la conception graphique indépendante pour un journal local. Finalement, avec son ami David Moodie, ils reprennent un journal local gratuit « Cups » qui évolue progressivement vers un magazine satirique « Might ». Il se marie avec Vendela Vida, également écrivain, auteur de « Sans Gravité » (2005, Editions de l'Olivier, 250 p) et « Soleil de Minuit » (2008, Editions de l'Olivier, 240 p), tous deux traduit par Adèle Carasso.
On connait Dave Eggers, auteur d'une dizaine d'ouvrages. Il est aussi le fondateur, avec sa femme Vendela Vida, du magazine « The Believer » qui a eu provisoirement une version traduite en français, ainsi que des éditions « McSweeney ». Il gère également une librairie indépendante à San Francisco, « The McSweeney's Store » un peu à l'écart dans Valencia Street. Une première maison qui est en banqueroute en 2006. Qu'à cela ne tienne. Dave Eggers se relève et fonde une organisation à but non lucratif « McSweeney.org » ainsi que Valencia 826, école d'écriture. Tous les ans, un recueil appelé « McSweeney's Collection » publie un volume de nouvelles, poésies et textes divers. Un vrai régal. « The Believer » est un magazine, globalement issu tous les deux mois, maintenant associé à « The University of Nevada », Las Vegas. Son but est de faire connaître de jeunes auteurs, des essais aussi bien que des bandes dessinées, des interviews, et des chroniques régulières de Nick Hornby sur ce qu'il vient de lire « Stuff I've been Reading » and Peter Orner « Notes in the Margin ». Ce dernier a publié un recueil de nouvelles assez étonnantes « Last Car over the Sagamore Bridge » dans lequel deux frères se plantent en voiture sous le pont à Chappaquiddick. Une histoire qui n'est pas sans rappeler le même sort survenu au sénateur Ted Kennedy, de retour d'une soirée arrosée avec sa directrice de campagne politique à Martha's Vineyard, le séjour des New Yorkais très huppés.

Pour en revenir à « Zeitoun », il faut rappeler que l'ouragan Katrina frappe la Louisiane en aout 2005, faisant plus de 1800 morts et disparus. Cet ouragan est l'un des plus étendus avec un rayon de plus de 650 km, l'un des six ouragans les plus puissants jamais enregistrés. L'oeil de l'ouragan fait 40 km, et les vents ont pu atteindre 280 km/h. La ville de New Orleans doit être évacuée car elle est située sous le niveau de la mer. le président George W. Bush préconise l'évacuation, mais la gouverneur de Louisiane ordonne « l'évacuation volontaire » des régions côtières du Sud, sans plan d'évacuation et refuse de « fédéraliser » la Garde Nationale de l'État de Louisiane ce qui équivaut à se dessaisir de son commandement. Les sinistrés attendent plus de 48 heures l'arrivée des premiers secours et l'évacuation des victimes dure jusqu'en septembre 2005. le président se contente de survoler la zone en avion, sans jamais y atterrir. Il semble déconnecté de la réalité. Sur place, le « New Orleans Police Department » (NOPD) se distingue par un tiers des abandons de poste.

Retour donc à Abdulrahman Zeitoun et sa famille de trois enfants, plus un antérieur au mariage avec Kathy, tous bien intégrés depuis une dizaine d'années à New Orleans. Départ dans la vie dans la ville portuaire de Jableh, puis une vingtaine d'années de travail en mer, membre d'équipage de pécheurs. Il s'installe aux Etats Unis en 1988, rencontre Kathy, originaire de Baton Rouge qui se convertit à l'islam. Puis ils fondent leur entreprise « Zeitoun Painting Contractors LLC ». On découvre alors son quotidien à New Orleans avant l'ouragan Katrina. Les faits sont relatés de manière chronologique.

A l'approche de l'ouragan, la famille part pout Baton Rouge. Leur maison est alors inondée jusqu'au deuxième étage. « Même si tout habitant de la Nouvelle-Orléans s'attend à de grandes inondations et sait qu'une telle chose est possible dans une ville entourée d'eau et protégée par des digues mal conçues, le spectacle, à la lumière du jour, dépassait tout ce qu'il s'était imaginé. Il ne put penser qu'au Jugement dernier, à Noé, aux quarante jours de pluie. Et pourtant tout était si calme, si silencieux. Rien ne bougeait. Assis sur son toit, il balaya du regard l'horizon pour tenter de repérer un être humain, un animal, une machine en mouvement. Rien ». Il réalise alors que ce n'est plus un raz de marée, mais de l'eau douce « Il ne comprenait pas. La veille, l'eau avait disparu, comme il l'avait lui-même prévu. A présent, elle revenait, mais beaucoup plus puissante. Et celle-là ne ressemblait pas à l'eau boueuse du jour d'avant : elle était verte et claire. C'était l'eau d'un lac.. A cet instant, Zeitoun comprit que les digues avaient été submergées ou abimées. Aucun doute possible. La ville serait rapidement inondée ». il commence alors à explorer le voisinage dans un canoë d'occasion. Il distribue des vivres et des fournitures dont il disposait, transporte ses voisins vers les des parties plus hautes de la ville. Il prend même soin des chiens abandonnés.
Le 6 septembre, il est arrêté dans l'une de ses maisons de location avec trois compagnons. avec un ami syrien, Nasser Dayoob, son locataire Todd Gambino et Ronnie, un homme blanc. C'est un groupe mixte, de la Grade Nationale et police local (NOPD). Zeitoun explique qu'il est le propriétaire, mais la seule réponse a été la demande de sa carte d'identité par l'un des gardes nationaux. Au moment où il a vu mon nom, « Pourquoi sommes nous ici ? » demandent-ils à un soldat qui passait. « Vous êtes al-Qaida, les gars », a-t-on répondu. Un autre soldat a dit en passant : « Taliban ».

Transfer au centre pénitentiaire de Elayn Hunt où il est détenu 20 jours sans procès. Interrogé par des agents il est placé en isolement. « Chaque fois qu'un crime était commis par un musulman, la foi de cette personne était mentionnée, quelle que soit sa pertinence. Lorsqu'un crime est commis par un chrétien, mentionnent-ils sa religion ? … Lorsqu'un crime est commis par un Noir, il est mentionné dès le premier souffle : « Un Afro-Américain a été arrêté aujourd'hui… » Mais qu'en est-il des Allemands-Américains ? Anglo-Américains ? Un homme blanc braque un dépanneur et entendons-nous qu'il est d'origine écossaise ? Dans aucun autre cas, l'ascendance n'est mentionnée ». L'Amérique est encore sous le choc ses attentats du 11 septembre avec la psychose anti-terroriste du gouvernement américain. Guantanamo est présent dans tous les esprits. Zeitoun sera libéré sous caution de 75 000 USD. Les autres s'en sont moins bien sortis : Dayoob, Gambino et Ronnie resteront cinq, six et huit mois en prison, malgré les efforts de Zeitoun pour les en sortir. Les charges contre eux sont finalement abandonnées. Un total de 1200 détenus, dont la plupart étaient des Afro-Américains ont été détenus à « Camp Greyhound » à la suite de l'ouragan.

Zeitoun deviendra presque un héros malgré lui de cet épisode. Il et passé passant de héros américain à terroriste aux yeux des autorités américaines. Cependant la suite est moins brillante. Très vite les relations se relâchent dans le couple. Une interview entre Zeitoun, Kathy et Dave Eggers parue en 2010 dans « Democracy Now » fait la part des choses. Une autre interview, de Kathy Zeitoun publiée dans le « New York Times » précise que le livre dépeint avec précision la relation du couple à l'époque. Par contre, depuis ces évènements, son ex-mari serait devenu un homme plus colérique ainsi qu'un musulman plus radical. Il est même accusé de violences. Témoignage de deux passants qui ont prouvé la gravité de l'attaque au fer à repasser. L'un d'eux, James Barber, a déclaré au juge qu'il avait dû asperger Zeitoun de gaz poivré et le frapper « 20 fois » pour l'éloigner de son ex-femme. Un autre témoin, Charlotte Rolfs, a déclaré qu'elle s'était arrêtée alors qu'elle conduisait dans Prytania street pour venir en aide à la femme alors que celle-ci était étouffée. « Je pensais qu'il allait la tuer juste là », a-t-elle dit.

Les histoires d'amour finissent mal, en général. Alexandre Vialatte aurait ajouté « Et c'est ainsi qu'Allah est grand ».
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ZEITOUN de DAVE EGGERS
Originaire de Syrie, Zeitoun vit avec Kathy, une américaine convertie à l'Islam, ils ont quatre enfants dont un issu du premier mariage de Kathy. Ils gèrent conjointement une entreprise de peinture reconnue et très rentable. Ils vivent à la Nouvelle Orléans. A partir du 26 août 2005, on va suivre la vie de cette famille alors que l'ouragan Katrina se renforce, vents violents et pluie abondante. Kathy part avec les enfants pour Bâton Rouge alors que Zeitoun, qui croit peu à la puissance de Katrina reste dans leur maison pour surveiller. le 28 août, Kathy est installée en famille mais il y a trop de monde et les tensions lui font penser à se réfugier ailleurs. Zeitoun a tout déménagé à l'étage, l'eau commence à monter dans la maison, la digue a vraisemblablement cèdé. Il est réfugié sur le toit et a un petit bateau qui lui sert à se déplacer et aider ses voisins. Kathy lui demande de quitter la maison mais il refuse de partir. le maire décrète l'évacuation immédiate et obligatoire, Zeitoun décide de rester. La garde nationale forte de 20000 hommes s'installe.
C'est une histoire vraie que nous raconte EGGERS, il a très longuement écouté et enquêté sur ce qui c'est passé et c'est un récit tout à fait passionnant que j'ai lu d'une traite. L'entêtement de Zeitoun, le fait qu'il soit syrien d'origine, musulman pratiquant dans un pays encore traumatisé par le 11 septembre, tout était en place pour ce fait divers dramatique.
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"Vous appartenez tous à Al-Quaïda"
Voilà la grosse boulette, l'énorme erreur judiciaire sur laquelle est basée Zeitoun, le témoignage fort (recueilli par Dave Eggers, éditeur, romancier et nouvelliste) qui a touché dans son corps, son coeur et son âme Abdulrahman Zeitoun, un brave entrepreneur en maçonnerie, un honnête Syrien, un simple habitant de la Nouvelle-Orléans ayant établi "des rondes de sauvetages" alors que l'ouragan Katrina sévissait en aout 2005, détruisait les digues et inondait la ville.
Outre l'affolement, la panique face à l'angoisse de mort ou la mort même, les réactions de chacun entre lucidité (comme Kathy la femme de Zeitoun partie se mettre à l'abri avec ses enfants dans l'Arizona), profit (pillages) ou courage (comme Zeitoun allant de droite à gauche pour évaluer les dégâts); tous ces points que l'on retrouve dans l'excellent Ouragan; c'est surtout (à mon avis) l'injustice et l'avilissement d'une incarcération abusive (basée sur un malentendu)qui est traitée dans ce document véridique; l'absurdité et la violence du système judiciaire.
J'ai lu en faisant abstraction des allusions religieuses (pro port du hijab) ou politiques (anti américaines) afin de rester neutre dans mon opinion.
Dave Eggers, à l'écriture sobre et alerte, sait rendre l'angoisse sous-jacente par moult rebondissements,sait opposer les forces du bien et du mal pour relancer l'action et tirer des larmes au lecteur face à des chiens morts de faim ou un homme-enfant châtié.
Petit plus:détail sans importance qui m'a comblée: la trame lisse du papier utilisé par Normandie Roto Impression s.a.s qui rend les pages agréables à feuilleter.
Gros plus:les droits d'auteur de ce livre sont reversés à la Zeitoun Foundation, créee en 2009 par la famille Zeitoun pour "aider à la reconstruction de la Nouvelle-Orléans et promouvoir le respect des droits de l'homme".
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La famille Zeitoun, la Nouvelle-Orléans, l'ouragan Katrina.

Voilà tout ce que je savais sur ce livre. J'ai terminé ma lecture il y a quelques semaines et j'y ai, depuis, repensé tous les jours.

J'ai été adoptée par les Zeitoun qui, par le biais de ce récit, m'ont passé le témoin pour que je le transmette à mon tour. Pourquoi ai-je été autant bouleversée ? Tout d'abord, la forme. Dave Eggers a réussi l'impossible. Écrire les faits sans ennuyer, transcender le récit en roman au suspense haletant. Chaque mot est habité par la rigueur. Aucun militantisme, aucune fureur. La transmission épurée des évènements.

En tournant les pages, j'ai redouté, craint, attendu mais admiré aussi. le parcours des Zeitoun, leur foi en Dieu, leur famille et la vie. Leur goût pour ce pays aux grands principes de libertés, leur ténacité dans l'adversité, leur capacité à s'écouter, à donner du sens là où il est difficile d'en trouver.

Le livre est sorti aux États-Unis en 2009. Aujourd'hui, le couple est divorcé et Abdulrahman Zeitoun a été arrêté pour violences conjugales. D'aucuns reprochent à Dave Eggers d'avoir volontairement enjolivé la réalité en décrivant un couple heureux en ménage et un homme héroïque.

Dans une interview donnée au New-York Times, Kathy Zeitoun précise que le livre dépeint avec précision la relation du couple à l'époque. Depuis les évènements, son ex-mari serait devenu un homme plus colérique ainsi qu'un musulman plus radical.

Si les actes de Zeitoun sont hautement condamnables – il serait d'ailleurs intéressant d'évaluer une éventuelle cause à effet - je n'adhère en aucun cas au procès d'intention qui est fait à Dave Eggers. Durant ma lecture, je n'ai jamais considéré Zeitoun comme un héros mais comme un homme lambda confronté à une grave injustice.

Depuis sa création, l'Amérique a un besoin viscéral de héros, sentiment exacerbé par le 11 septembre. Ce sont donc les lecteurs de Zeitoun qui ont mis le personnage principal de ce récit sur un piédestal. Pour ma part, j'ai été profondément remuée par une société qui met, avant tout, en oeuvre des solutions militaires au lieu de secourir, en priorité, des vies humaines.

L'effondrement d'un monde, l'humiliation que l'on croyait impossible, le basculement vers la terreur. Un livre qui, sans pathos, irradie d'intelligence.
Lien : http://www.audouchoc.com/art..
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critiques presse (2)
Lexpress
21 mai 2012
Si le style se révèle parfois un peu plat, ce n'est que pour mieux mettre en lumière l'effarante mécanique d'un système sans âme, prêt à broyer un homme au nom d'un idéal nommé sécurité. Jusqu'au prochain déluge?
Lire la critique sur le site : Lexpress
Liberation
23 avril 2012
L’habile gestion du suspens, la retenue, l’absence de tout jugement, en font un réquisitoire d’autant plus implacable contre les errements d’un gouvernement obsédé par la menace extérieure […].
Lire la critique sur le site : Liberation
Citations et extraits (6) Voir plus Ajouter une citation
Si on le lançait sur le sujet, alors c’en était terminé d’un repas agréable. Il commençait par une défense des musulmans en Amérique et déployait son argument à partir de là. Depuis les attaques sur New York, disait-il, chaque fois qu’un crime était commis par un musulman, on mentionnait la religion du coupeble, sans que cela ait un quelconque rapport avec les faits. Quand un crime est commis par un chrétien, parle-t-on de sa religion ? Si un chrétien est arrêté à l’aéroport après avoir tenté d’emporter une arme à bord d’un avion, est-ce que le monde occidental apprend qu’un chrétien a été interpellé puis interrogé par la police ?
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"Il était partagé face à ce qu'il voyait, une version réfractée de sa ville, où les maisons et les arbres étaient coupés en deux par cette nappe d'eau étonnamment calme sur laquelle ils se reflétaient. L'apparition de ce nouveau monde ranima l'aventurier qui sommeillait en lui - il voulait tout voir, la ville entière, ce qu'il en était advenu. Mais le constructeur qu'il était pensait aussi aux dégâts, au temps qu'il faudrait pour tout reconstruire. Des années, dix peut-être. Il se demanda si le reste du monde voyait déjà la même chose que lui : un désastre aux dimensions rendues mythiques par son échelle et par sa violence."
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Il ne comprenait pas.La veille,l'eau avait disparu,comme il l'avait lui-même prévu.A présent,elle revenait,mais beaucoup plus puissante.Et celle-là ne ressemblait pas à l'eau boueuse du jour d'avant:elle était verte et claire.C'était l'eau d'un lac.
A cet instant,Zeitoun comprit que les digues avaient été submergées ou abimées.Aucun doute possible.La ville serait rapidement inondée.
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En temps normal il aurait volé au secours de n'importe quel individu brutalisé comme l'avait été l'homme-enfant.Mais là,il n'avait pu que regarder faire les gardiens, impuissants,conscient de l'avilissement que cela représentait-c'était une punition pour tous les prisonniers.Elle leur ôtait une part d'humanité.
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Kathy se moquait souvent du caractère têtu de Zeitoun,de son refus de plier face à n'importe quelle force,naturelle ou autre.Mais c'était plus fort que lui.Il avait grandi dans l'ombre de son père,un marin légendaire qui avait affronté une série d'épreuves épiques et qui avait toujours,par miracle,survécu.
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Videos de Dave Eggers (6) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Dave Eggers
Philippe vous présente deux coups de coeur ! - le premier est La parade de Dave Eggers aux éditions Gallimard A retrouver sur notre site : https://bit.ly/3p6CcMf - le second est Au nord du monde de Marcel Theroux aux éditions Zulma A retrouver sur notre site : https://bit.ly/3uDFDLn
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