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Editions Il est Midi (Autre)
EAN : 9782494282254
344 pages
AFNIL (03/10/2023)
5/5   2 notes
Résumé :
L’occupation détruit le pays. Henri n’en souffrira pas. Il vient d’un milieu privilégié, il est ambitieux et connaît son potentiel. Il sera inévitablement amené à resplendir de l’éclat de ses illustres ancêtres. Pourtant, personne, pas même celui dont l’avenir est tout tracé, ne sait le cours du temps. Henri, si brillant, va faire face à l’irrationnel : Hélène, jeune juive, va l’écarter du chemin d’une vie déjà tracée. De cet amour va naître un parcours tumultueux a... >Voir plus
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Ils cheminèrent jusqu’à chez elle bras dessus bras dessous, devisant de tout et de rien, se découvrant mutuellement comme le font toutes jeunes gens de leur âge. Ils ne prêtaient attention ni à la grandeur pompeuse des immeubles haussmanniens les entourant de toute part, ni aux pas cadencés des militaires omniprésents, rappels incessants que l’avenir serait façonné à leur guise. Le jeune couple s’amusait de tout, riait de bon cœur, bondissait au-dessus des flaques, virevoltait entre les gouttes éparses. Ils ne pensaient qu’à l’autre et se coupaient des gens, comme seules en sont capables ces âmes qui découvrent la sœur qu’elles attendaient. Les passants se sentaient revigorés à les voir, dans leur innocente bulle, protégés par les prémices d’un amour naissant.
C’est dans un état de quasi-ébriété qu’ils arrivèrent au pied de l’immeuble où vivait la jeune femme. C’était une de ces bâtisses sur deux étages, à la façade blanchâtre abîmée par le temps, ornée de persiennes en bois à la peinture jaunâtre écaillée, dont le rez-de-chaussée était occupé par une petite mercerie usée. La jeune fille annonça qu’ils étaient arrivés avec une légère hésitation dans la voix. Henri recula instinctivement pour regarder autour de lui, à la recherche d’un édifice d’un genre qui lui était plus familier. Son geste lui parut immédiatement absurde. Il était ici dans un quartier moyen, avec des bâtiments triviaux. Il n’était pas avec une de ces femmes de son milieu, vivant dans des quartiers cossus.
Gêné, il espéra qu’elle n’avait pas saisi ce geste fugace. Pour se donner une contenance, il lui lâcha le bras et s’exclama :
« Mademoiselle, je viens de passer les cinq minutes les plus délicieuses de ma vie !
— C’est d’autant plus extraordinaire que nous discutons depuis presque une heure, répondit-elle en riant. Vous avez une piètre notion du temps.
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Ces prières laissèrent des jours durant un goût amer à Henri qui ne parvenait à se défaire de cette vision de détresse. Le judaïsme de sa fiancée, qu’il en était presque venu à oublier, revenait soudainement lui pesait comme une épée de Damoclès qui se serait trompée de victime.
Il savait pourtant que les craintes du couple Stradanie étaient largement exagérées mais il ne trouvait pas d’apaisement dans la certitude de ses raisonnements. Les Juifs étaient indiscutablement victimes de spoliation et la flambée de l’antisémitisme d’Etat et des dispositifs oppressifs à leur encontre étaient indéniables mais de là à l’implorer de « la sauver » comme si les jours d’Hélène étaient comptés, il y avait un gouffre. La situation n’allait pas se transformer subitement en machinerie infernale étatique destinée à anéantir un pan entier de la population. Ce n’était que des absurdes suppositions de vieillards trop éprouvés par la vie et qui s’inquiétaient plus que de raison pour leur progéniture. De surcroît, sa liaison était de notoriété publique aujourd’hui, la simple association d’Hélène à sa propre personne était une garantie de sa sécurité.
Malgré ce jugement construit et raisonnable, son regard changea irrémédiablement sur sa fiancée. Elle était juive.
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Quand Henri arriva dans sa chambre, il siffla de rage entre ses dents. Son épée était un héritage qui avait accompagné les plus grands exploits de sa lignée, en Aragon, en Italie, dans toute la Chrétienté, et jusqu’à Jérusalem où elle avait fait couler le sang des infidèles et aider à la libération du tombeau du Christ. Henri allait perdre aujourd’hui cette arme qui avait valeur de relique à ses yeux. Ce serait une perte sans pareil pour sa famille. Il l’enveloppa la mort dans l’âme dans la tapisserie eucharistique qui faisait face à son lit et la posa au pied de l’autel, dans la cathédrale, en espérant la retrouver un jour dans les mains d’un Français. Il lui trancherait les mains avant de lui faire vomir ses entrailles avec son épée récupérée.
Il sortit de la ville uniquement vêtu d’une tunique sous laquelle il avait dissimulé un petit poignard, dernière protection qui l’aiderait à rentrer chez lui en vie. Il descendit la route qui menait au camp des croisés en se fondant dans la colonne des villageois qui quittaient leur vie pour se rendre dans l’inconnu, espérant que les ennemis ne leur offraient pas un simple sursis mais bien la paix.
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Il raconta avec enthousiasme à Paul comment Lilith était rentrée un soir, remontée, après avoir chassé des voyous qui l’avaient gratuitement importunée dans la rue. La croyant proie facile dans un lieu à leur avantage, ils l’avaient abordée en lui jetant des propositions indécentes, la réduisant à l’épicentre de leurs fantasmes, se croyant chats devant le campagnol. Lilith, au départ incommodée, prit le parti d’ignorer les argousins qui, malmenés dans leur orgueil, se firent plus oppressants. Ils ne tardèrent pas à entourer la jeune femme qui s’échauffa alors devant cette impudente outrecuidance. Dans son courroux, elle leur asséna quelques invectives assassines qui déstabilisèrent les vauriens se croyant dominants. Ils déguerpirent devant l’ire de Lilith en exprimant leur mépris à coups de jurons et de grossièretés, couverture de fortune de leurs faiblesses inhérentes. Henri, dans une fierté frisant l’orgueil, s’émerveillait :
« Te rends-tu compte de l’impétuosité de cette femme ? Elle a éconduit d’un seul souffle toute une meute de jeunes chiens enragés. Crois-moi bien que les femmes de cette audace sont rares."
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Toutes ces semaines d’investissement pour qu’elle le repoussât comme s’il n’était qu’un vulgaire cuistre. Il fallait qu’elle comprît que la mise en parenthèses de sa vie sociale avait un coût et qu’elle devrait le payer. Elle devrait entendre raison d’elle-même ou il se verrait dans l’obligation de – non, il ne pouvait la violenter, elle lui était trop précieuse – alors l’abandonner à son sort, qu’elle retournât dans son cloaque, dans la fange dont elle était issue, pour que lui pût retourner à sa vie mondaine. D’où ces idées pouilleuses de chasteté avant mariage lui venaient-elles ? Elle était issue d’un monde de béotiens, quelle fatuité que de vouloir faire preuve d’une noblesse d’esprit illusoire. Ses discours libéraux n’étaient que balivernes. Cette personne, qu’il avait pensé forte et franche, se révélait sous un autre jour : une femme sotte et pusillanime. Elle était incapable de mettre ses raisonnements à exécution. Elle n’était finalement qu’une petite fille insipide qui devrait apprendre tôt ou tard à se soumettre à ses exigences, quelles qu’elles fussent.
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