Robert Johnson est un des bluesmen les plus connus. D'une part grâce à nombre de musiciens, notamment Clapton, qui ont maintes fois repris ses chansons. Et d'autre part par la légende à l'allure Faustienne qui l'entoure et à son statut de musicien ayant inauguré le funeste "club des 27".
La bande dessinée "
Love in vain" de Mezzo et Dupont se démarque du mythe pour se recentrer sur l'homme. Ce choix, pertinent et parfaitement scénarisé par
Jean-Michel Dupont, permet au récit d'être vecteur d'une grande émotion. La vie de
Robert Johnson nous est contée avec simplicité et sobriété.
Robert Johnson apparait comme un homme brisé dès sa naissance dans une époque de douleur pour les hommes noirs, brisé ensuite par le drame intime de la perte de sa femme et de l'enfant qu'elle portait. Dès lors, il sera un rebelle, s'adonnant au jeu, aux femmes, à l'alcool, buvant la vie avec excès jusqu'à en mourir. Cela sans jamais se départir d'une certaine tendresse et d'une humanité qui transparaissent dans ses chansons.
Sans aucun misérabilisme mais avec réalisme, le récit plonge le lecteur dans le quotidien des hommes noirs du début du siècle. A travers cette peinture de la dure vie du peuple du coton, le blues apparait comme une lueur d'espoir, comme une étincelle de vie dans une existence promise à la souffrance.
L'émotion est renforcée par le superbe travail d'illustration de Mezzo. Les dessins sont tout simplement magnifiques. le trait est fin, subtil, les cadrages sont audacieux, le noir et blanc porteur d'une grande intensité. Chaque planche est un tableau d'une richesse telle que le lecteur s'attarde sur chaque case pour en saisir le moindre détail.
La voix off qui nous conte la vie de Johnson est bien utilisée. Trop souvent en b.d le recours à un narrateur s'avère un procédé superflu et prétentieux. Dans "
Love in vain" il n'en est rien. La voix off est utilisée de manière intelligente et subtile. le mystérieux narrateur, dont l'identité nous sera dévoilée à la fin, joue le rôle de témoin de façon astucieuse. Ceci jusqu'à un épilogue parfait où le lecteur se retrouvera aux côtés des méchants rejetons du blues, les Rolling Stones, lors de leur infernal concert à Altamont, permettant ainsi au récit de renouer avec la dimension légendaire de l'histoire de
Robert Johnson.
Challenge Musique 5