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Amandine Dhée réalise cette gageure d'écrire un livre sur le thème de la mort dans une ambiance de sérénité.

Les confidences de la narratrice, sur ses angoisses profondes alternent avec les propos d'une thanatopractrice, qui démystifie ce métier inspirant à la fois attraction et répulsion. Un troisième type d'interlude propose des extraits d'une émission de télé-réalité sur le thème Vis ma vie, où la candidate découvre elle aussi les mystères de cette profession.

Crainte de la maladie, difficulté de parler du sujet aux enfants, premiers décès familiaux, toutes ces expériences qui nous font prendre conscience de notre finitude. Les rites, les traditions autour de la disparition inéluctable sont autant de témoins de ce que notre société fait de ses morts.

Quant à ce métier mal connu, que seules quelques séries policières mettent à l'honneur, dans un décor un peu idéalisé, Il a les honneurs des récit et le mérite. Un roman récent en parlait avec beaucoup respect : Une terrible délicatesse de Joe Browning Wroe. On y percevait toute la dimension profondément humaine de la pratique, qui consiste à laisser aux proches une dernière image apaisée de leur défunt. Il nécessite une approche emphatique et un savoir faire qui entretient l'illusion. Il s'agit plus d ‘éloigner la vision d'un cadavre générateur de répulsion que que magnifier le corps, dernier lien physique que l'entourage percevra.


Pas de formule détournée, de métaphore ou d'euphémisme, le texte ose aborder ce sujet délicat, sans tabou, seule façon de ne pas surenchérir sur la peur de l'inconnu.

128 pages La Contre allée 13 janvier 2023
sélection Prix Orange 2023

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Ma rencontre avec une thanatopractrice

Amandine Dhée raconte la rencontre d'une autrice et d'une thanatopractrice, la personne qui prépare et embaume les cadavres. Une fois écartés les préjugés, leurs échanges vont s'avérer passionnants, autour de la mort et de la transmission.

Ce roman est d'abord l'histoire d'une rencontre. Lors d'une séance de dédicace, un visiteur explique qu'il n'aime pas le mot «autrice». Un débat s'engage alors, les opinions s'expriment jusqu'à ce que Gabriele explique qu'une autrice est tout aussi légitime que d'autres professions, dont la sienne, thanatopractrice. Une affirmation qui va éveiller la curiosité de la romancière, car cela lui permet de constater combien ses préjugés sont forts en la matière, à commencer par l'aspect physique de la personne chargée d'embaumer les morts et qu'elle imaginait plutôt triste, vieille et introvertie et qu'elle découvre jeune et pleine de vie!
Après leur échange initial, de nombreuses rencontres vont suivre qui vont permettre de mieux comprendre Gabriele, mais aussi de parler de la mort sous un aspect totalement différent que d'ordinaire, ce qui rend le livre formidablement intéressant.
Il est ici aussi question de technique, d'habitudes et de rituels – quelquefois très curieux – et de l'évolution de la société dans son rapport aux défunts.
Amandine Dhée a eu la bonne idée d'insérer au fil de son récit les extraits de l'émission «Vis ma vie de thanatopracteur», qui, comme l'indique l'autrice en fin de volume, ont été retranscrits avec l'autorisation de Réservoir Prod. Car ces échanges montrent de manière éclatante combien ce métier est méconnu et combien il véhicule de fantasmes. La confrontation entre ce verbatim et le témoignage de Gabriele va même nous offrir un côté burlesque, pas forcément attendu dans un ouvrage parlant de la mort. Oui, il y a dans ce livre d'intéressantes réflexions sur nos rapports aux défunts, sur cette envie de les voir continuer à cheminer à nos côtés, à leur parler et à surmonter la douleur de la perte. Mais il y a aussi l'humour rehaussé par la construction et le style.
Quand, durant la rédaction du livre, survient la pandémie, «ce scénario éculé de science-fiction, le coup du virus dévastateur», puis le confinement qui fait émerger un nouvel ordre social ponctué par l'annonce tous les soirs du nombre de morts, l'autrice comprend une chose essentielle: «Écrire sur la mort me tient en vie».
Écrire va aussi lui permettre de comprendre combien son affinité avec Gabriele n'est nullement le fruit du hasard, bien au contraire, puisque toutes deux font un peu le même métier: raconter une histoire. «Gabriele dénoue les traits des visages défunts, ferme les yeux, fait se joindre des mains. Elle met en scène une fin paisible, elle oppose un récit au chaos. C'est bien que la personne ait l'air endormie plutôt que décédée. Ce n'est pas un mensonge, puisque tout le monde veut y croire. Parce qu'on en a besoin, parce qu'on a peur. Personne n'est dupe, mais on joue le jeu. J'apprends que la chambre mortuaire s'appelle un amphithéâtre. le temps d'une veillée, nous lier avec ce récit.»
Amandine Dhée démontre ce côté théâtral dans le spectacle qu'elle a conçu autour de «Sortir au jour» et qui est en tournée actuellement et qui prouve lui aussi qu'une autrice ne doit pas avoir de sujet tabou. N'hésitez pas, à votre tout, à aller danser avec la mort.

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Dans une librairie, Amandine Dhée rencontre une thanatopractrice, Gabriele. Pour cette dernière, en quête de sens , ce métier est une reconversion qui suscite bien des étonnements, voire des rejets.
Entre les deux femmes s'instaure un dialogue , entrecoupé par des extraits du verbatim d'une émission : Vis ma vie de thanatopracteur.
Quelle drôle d'idée un livre sur la perte, pourrait-on penser. Mais l'autrice, mêlant ses réflexions sur la mort, mais aussi la création et la volonté de transmission instaure un échange fécond , souvent surprenant, mais riche d'humanité.
Elle y évoque, souvent avec humour, aussi bien le confinement et ses conséquences ,"Ce soir , le président de la République nous pousse à l'intérieur de nos maisons et nous ordonne d'y rester. Il nous invite même à lire, c'est dire si la situation est grave. " que sa famille , "On parle de liens du sang, mais les familles sont d'abord faites de beurre et de sucre, n'en déplaise aux scientifiques et aux diététiciens. "
Le ton se fait parfois plus grave, mais la tendresse règne toujours quand il s'agit d'évoquer ses enfants ou de rendre un hommage à France Gall.
Quant à Gabriele, elle nous permet de voir l'envers d'un décor qui trop souvent est occulté .Elle aussi sait se montrer drôle mais se révolte aussi contre les hypocrisies sociales qui veulent passer la beauté de sa profession à la trappe.
Un livre plein de vie qui ferait presque la nique à la mort.

 
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Un livre qui se lit très vite mais qui fait réfléchir...notamment comment répondre à un enfant qui interroge sur la mort, ce qui est très fréquent...
Le livre est fait de chapitres alternés entre la vie d'Amandine, de son fils et de son "bébée" et la pratique de Gabriele, thanatopractrice. "Je voulais écrire un texte réconfortant sur la mort" et l'autrice y réussit grâce à sa simplicité et son humour.
Mais il y a aussi la perte, le deuil, la tristesse...ce sera pour une autre fois: le texte est très court...
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Mettre au monde la vie fabrique dans le même temps la mort. le corps fragile peut exploser dans le temps on sait mais jamais quand. Alors on oeillère ou affrontement. Chacun ses parades pour faire face à la dévoration.
Et s'il suffisait de raconter le non-événement pour puiser fond loin dans les entrailles d'angoisses. Pourvu que rien ne change se dit le potentiel malade. Pourvu que je retarde la mort. Oui mais sinon. Sinon il y a Gabriele.
Perdre soi eux l'ensemble qui tourne en boucle. Si tu aimes tu dois avaler la perte au passage elle happe et la peur paralyse les mots les projets. Alors mettre au monde l'envie.
Parfois la mort rit face catastrophe il est tentant de comprendre.
Je lis Amandine Dhée depuis La femme brouillon, je me délecte de la force simple de ses mots. le quotidien le presque rien quasi tout, la vie.
On ne sait pas parler la mort on ne sait pas l'entendre on l'esquive ou la blague on ne veut pas connaître l'issue des aimés le nous face terre est inconcevable pour l'immense majorité. Taire est plus effrayant que dire dit l'enfant. Je te crois disent les mères.
Mes filles ont questionné à l'âge où, et moi de répondre un sanglot en voix derrière et mon cher et roc de m'observer en souriant de savoir ce qui palpite au coeur et puis la mort aux portes et c'est palpable pourtant il faut rire encore sinon l'attente boue.
Alors j'apprends pour détourner d'elle lui prêter un coin de canap facilitant la trahison du premier jour qui n'en ai une que pour celui qui ne veut pas entendre. Les enfants font face si on ne cache rien. Alors on dit et on voit en mangeant le beau en vol.
Vivre en comblant d'éclat l'attente et si c'était ça la mort désinvolte au pas et si on ne sait rien et que rien c'est mieux.
Alors j'attends avec délectation pour l'autour pour les autres j'essaie et si ça se trouve ça ira vieille
Je manipule la vie pour souhaiter l'ordinaire, juste ça.
Mes deux morts d'enfance : un réel arrière-grand-père dont le tissu velours que j'ai refusé me reste en main et une fiction My girl ou la fillette vit dans un funérarium. C'est ma première traversée autour et elle ne m'a jamais quitté. Familier et éprouvant familier et angoissant peut-être justement parce qu'elles ont bercé mes joues d'enfance. J'imagine très bien Gabriele et les morts sur la table à maquiller. Je vois le sous-sol de la maison les corps qui attendent entourés de fleurs les restants qui ne savent pas où ranger leurs chagrins.
Sortir au jour en ouvrant ou fermant la porte à la manière que l'on a eu de stationner vie dans le bruit du monde qui ne sait pas comment entretenir ses deuils.
Pleurons à l'endroit et vaille, ne nous habituons pas à l'effroi
Et puis apprendre à "parler pour qu'on n'ait plus à en parler" pour mieux pour plus pour les ailes et leurs racines, pour ne pas "prendre en otage dans un chagrin" pas à eux et pour "leur apprendre à aimer la vie".
L'autrice me parle elle sait ce que je sens passation sororelle, peut-être, sûrement.
J'espère mourir loin, mes filles vieilles, sous arbre, ce serait beau, ce qui se rapprocherait le plus de la plénitude douce du vivant.
Vaille sortons au jour prêt.e.s à entrer en scène à "transformer la peur en énergie". Déterrer un Nous hors solitude. Parce qu'"on est rien, à part du lien."

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Huitième livre d'Amandine Dhée, un pour chaque jour, chaque heure, dans le repli du soir, en pleine solitude, lire « Sortir au jour ».
Ressentir et consentir à l'écho de la trame. Sentir sur sa peau les frissons même de la vie. Les ombres qui assignent ce récit apprenant et intuitif.
Entrelacs des existences, la mort apprivoisée, enfin. « Sortir au jour » est une marelle entre ciel et terre.
Amandine Dhée conte sa rencontre dans une librairie avec Gabriele. Cette dernière est thanatopractrice. Changement de voie, suite à un travail dans la communication internationale et un bac + 5, Gabriele était en perte de sens. Ce métier-ci est une vocation, la glorification du travail, puisqu'il s'agit également de souffler sur les braises et de faire de la mort, la beauté ultime, d'un visage, d'un corps, prêt au grand départ. La dignité pure sur un drap blanc lissé.
Elles échangent durant un temps certain. L'une cherche les réponses. L'autre octroie le délicat message de l'après. Briser les tabous, et désacraliser un décès. Lui redonner une apparence d'être vivant, maquillage, cheveux lavés, les habits de fête pour un au-delà à apprendre encore.
« Parfois, les gens insistent, mais pourquoi tu fais ça ? Sous-entendu : c'est quoi ton problème ? »
« Ma famille m'a soutenue dans mon choix de réorientation. Avec ma mère on a toujours parlé de la mort librement. »
Amandine se place. Elle puise dans son quotidien, dans sa vie de mère, de femme, l'interpellation de la mort. Ce qui pourrait blacklister ses insouciances et convictions.
« Est-ce que je vais mourir, moi aussi. J'ai répondu oui d'une voix tranquille. le cycle de la vie, tout ça les humains…. »
« Deux heures plus tard, une fois dans mon lit, j'ai réalisé que j'avais complètement merdé. J'aurais dû lui dire, que, avant de mourir, une longue vie l'attendait. »
On ressent une fusion qui coopère entre Amandine et Gabriele. le noir et le blanc qui vont s'assembler. Plus on avance dans le récit, plus l'on ressent une autrice qui réalise l'existentialisme. La gravité des années qui filent comme une noria d'oiseaux en plein vol. L'ère des petits riens et des grandes importances. Gabriele ne doute pas. Elle dévoile l'idiosyncrasie de son travail, le corpus sociologique et psychologique. Les relations avec les familles des défunts, son écoute et la justesse de ses gestes. Sans pathos avec cet art d'une belle personne.
Amandine rassemble l'épars. Elle écrit les paroles de Gabrielle et les vertueuses mains qui rendent hommage au grand départ. Amandine conte sa famille, ses étreintes, ses peurs et ses disparus. Avec cette capacité hors norme de faire de la contemporanéité son chemin de traverse. Libre toujours immensément libre.
« Sortir au jour » écrit il y a peu encore, dans ce temps du Covid si prégnant encore, le confinement qui a tout bousculé. L'arrogance de nos certitudes. La vulnérabilité qui cède sa place à l'humilité, aux apprentissages d'un cloisonnement spéculatif. « Les brides d'information attrapés ici ou là, la radio qu'on écoute trop et dont on ne baisse pas le volume assez vite. On reçoit des chiffres, on cherche des clés. Digérer les morts, résister à la bêtise. »
Amandine Dhée sort au grand jour. L'aube réalisée. L'initiation annoncée, le viatique de la vie-même. Gabriele en filigrane qui dépeint les rites funèbres dans une langue tissée de simplicité et de normalité. Ici, c'est le monde qui agite ses ailes. Amandine Dhée est prodigieuse de rectitude. « Sortir au jour », le chant étincelant des philosophies acquises.
« Je redresse mes épaules, cherche mon souffle. Je regarde le noir face à moi, cherche les yeux derrière ce noir. Après ces mois vides, nous voilà de nouveau sur scène. »
Fondamental, d'utilité publique, la pierre angulaire d'une littérature qui apporte sa pierre à l'édifice du VIVANT. Ce livre brise les tabous, les carcans et nos ignorances. Comprendre le mot thanatopractrice. Puiser dans ce métier notre élan pour demain. « Sortir au jour » montre la voie de la minute même pour tout apprendre de l'autre et de notre venue au monde. Ce livre bleu nuit est un edelweiss à flanc de rocher. À noter, une magnifique couverture conçue par Renaud Buénerd. Publié par les majeures éditions La Contre Allée. En librairie le 13 janvier 2023.
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Roman au texte court, découvert lors de l'émission La Grande Librairie sur France 5.
Texte qui a cette force étrange de donner l'impression qu'il ne s'adresse qu'à nous et à personne d'autre (notamment pour l'histoire d'Amandine et sa façon bien à elle de raconter).
Texte qui pose des questions justes et humaines sur notre rapport à la vie, aux morts, aux vivants, nos réactions face à l'adversité, à la fragilité de nos conditions humaines...
Texte qui nous fait un peu découvrir la thanatopraxie.
Texte qui reste facile à lire, par sa fraîcheur et son récit simple.
Se lit d'une traite et fait partie des livres qu'on aimera garder dans sa bibliothèque !
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Un grand merci à Babelio et à Points éditions pour ce livre reçu dans le cadre de Masse critique !

Le livre d'Amandine Dhée s'enracine dans la peur de la mort. La rencontre de l'auteure (l'autrice !) avec Gabriele, une thanatopractrice, lui donne le courage et la force d'affronter cette peur en osant "simplement" parler de la mort, sans fard et sans tabou, en nommant et racontant ce qui, habituellement, par superstition ? par crainte de la provoquer ? est dissimulé sous des formules plus neutres, parce que "les mots forment une trame assez serrée pour contenir l'effroi" (p.37).

Cependant, "mal nommer un objet, c'est ajouter au malheur de ce monde », écrivait Camus. Alors Amandine Dhée accepte de nommer et décrire autant que faire se peut ce qui relève de l'impensable : l'angoisse de la mort de ses enfants ; le cancer qui abat une amie chère ; la mort d'une chanteuse qui s'accompagne du deuil des jours enfouis et de l'enfance ; la menace qui pèse sur un père ; le décompte quotidien des morts lors de la pandémie de Covid... En contrepoint, Gabriele, qui "travaille avec les morts" (p.17) raconte son travail, les soins qu'elle apporte aux corps qui lui sont confiés et comment elle conçoit et perçoit sa démarche professionnelle.

"Sortir au jour" n'est pas un traité philosophique, une analyse existentielle ou métaphysique. Il y a pourtant un peu de tout cela dans ce petit (par le nombre de pages) livre. Simplement, modestement, une femme pose des mots sur des pensées, des questions, un cheminement qui lui sont propres mais qui tendent vers l'universel. L'angoisse ne disparaît pas pour autant, mais peut-être semble-t-elle plus familière, comme apprivoisée, circonscrite par des mots et par les liens qu'ils tissent.

Malgré une thématique qui a tout ce qu'il faut pour être bien plombante, "Sortir au jour" garde l'espièglerie qui est une des marques distinctives de l'écriture d'Amandine Dhée. le ton est pétillant de malice mais toujours juste et la finesse d'observation ne s'appesantit pas d'analyses ronflantes. L'auteure écrit ce qui est et c'est aux lecteurices d'en faire ou non leur miel. Pour ma part, j'en ai fait mes délices tant j'aime ce choix d'évoquer des choses graves avec une élégante et délicate légèreté. Tout se passe comme si, en nous parlant de la mort, Amandine Dhée et Gabriele nous plongeaient au plus éveillé de la vie. Et c'est lumineux.
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J'attendais avec impatience le dernier livre d'Amandine Dhée depuis que j'ai découvert le ton singulier de cette autrice dans "La femme brouillon". Un petit bouquin sur la maternité qui touche et qui est sorti en 2017. Dans ce nouvel essai il est question de la mort, suite à une rencontre dans une librairie pour un livre précédent. Amandine Dhée croise une thanatopractrice et plusieurs échanges vont découler de cette rencontre. Ce livre en restitue une partie et questionne le statut de la mort dans notre société, que ce soit lorsqu'on en parle avec des enfants ou lorsqu'on se représente la mort d'une manière ou d'une autre. Comme souvent chez Amandine Dhée son approche est intéressante et amène de nombreux questionnements. le ton n'est pas dénué d'humour et nous met facilement face à nos contradictions. Un réel plaisir de lecture.
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Après le succès de la Femme brouillon (2017) récompensé par le prix Hors Concours ou encore A mains nues (2020), l'écrivaine et comédienne Amandine Dhée prend un virage à 360 en publiant Sortir au jour (éditions La Contre Allée) au début de l'hiver 2023. Loin d'être passé inaperçu dans la sphère littéraire, le court ouvrage a de quoi susciter la curiosité par sa thématique. Ce n'est pas tous les jours que l'on aborde la thanatopraxie, et pourtant…!

La narratrice du roman est autrice. Lors d'une rencontre en librairie, elle fait la connaissance de Gabriele, une thanatopractrice. Si les deux femmes semblent évoluer dans des milieux professionnels très distincts, elles nouent rapidement un lien et le dialogue s'installe. Abordant leurs activités respectives, Gabriele évoque ce métier jonché de clichés et de préjugés qui tendent à la décrédibiliser parfois. Cet échange mènera petit à petit à l'écriture d'un livre initiant de chaque côté des récits de vie, mais aussi de mort, qui s'entremêlent volontiers pour laisser naître toute une philosophie sur l'existence humaine.

Il est difficile de faire entrer ce livre dans une catégorie ou un genre : est-ce un roman ? Un entretien ? Un récit ? Il semble tout à la fois, marqué par une hybridité dans laquelle il est très agréable d'avancer. Ces chapitres qui mutent donnent la parole à la narratrice et écrivaine, angoissée par la mort, figée par ce jour tant redouté où tout s'arrête. A cela, s'ajoute la transmission aux générations suivantes et la peur, en tant que mère, de ne pas avoir assez fait ou assez donné à ses propres enfants. Cette rencontre cruciale avec Gabriele ouvre la voie d'une pensée nouvelle pour elle, tandis que la crise sanitaire et les morts se succèdent. La lumière se fait alors toute particulière sur ce métier, Gabriele est une travailleuse de l'ombre pourtant essentielle dans le processus de deuil. Pour le commun des mortels, être thanatopracteur est un métier de « dérangé » , c'est celui qui fait « la sale besogne » du cycle funéraire.

La narratrice l'assume, elle aussi avait des idées reçues sur la profession : « Forcément, pour un métier pareil, j'imaginais une personne jaunâtre et grisonnante et pas cette jolie jeune femme qui sourit avec malice » . Dans cet entretien, Gabriele peint son quotidien avec les morts, elle leur parle avec douceur, les maquille de tout son attirail Make Up For Ever, leur enfile les habits préalablement préparés par les proches. Tout doit être parfait pour ces familles endeuillées qui verront dans ce résultat final une image immuable de l'être chéri, la toute dernière avant la mise en terre ou la crémation. Dans l'envers du décor, le macabre n'a pas sa place au laboratoire. Ici, on honore le corps en le préparant vers le dernier chemin avant l'ultime espace de repos.

S'initient alors plusieurs réflexions intrinsèques autour de la mort, « de toute façon je l'ai bien entendu dans la bouche de Gabriele, elle dit leur défunt, leur mort. Une fois mort, on ne s'appartient plus tout à fait » , « il me semble que l'on peut naître et mourir sans jamais être le préféré de qui que ce soit. C'est ensemble qu'il faut penser nos morts » . Toutes les deux racontent une histoire à la lueur de l'étrangeté inédite qui perdure dans la vie qui s'arrête, l'une s'occupe d'un nouveau-né, sa « bébée » , l'autre d'un nouveau mort et cette passerelle ténue est extrêmement bien amenée par l'écriture d'Amandine Dhée. Si le texte entier aborde le décès, il crie l'absolue nécessité de se tourner vers le vivant tant que c'est encore possible. Sortir au jour est un memento mori qui embrasse fougueusement un carpe diem. Une vraie réussite.
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