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EAN : 9782757803967
192 pages
Seuil (30/11/-1)
4.56/5   51 notes
Résumé :
4ème de couverture de "La rose de personne" le titre affiché par Babelio est une erreur)

"Un rien
nous étions, nous sommes, nous
resterons, en fleur :
la rose de rien, de personne"

Au plus près des bouleversements qui affectent son existence et son époque, Paul Cela signe avec "La Rose de personne" son livre souvent considéré comme le plus important. Sa dimension politique est affirmée dès la dédicace liminaire en ... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (4) Ajouter une critique
Des textes très forts, d'une grande intensité.
La Rose de personne porte en elle la mémoire de la Shoah, est profondément imprégnée du tragique de l'existence humaine - mais pas que. Dans cette mystique négative, il y a un élan vital malgré tout, nous ne sommes rien, mais nous voulons fleurir - du moins, c'est ce que je ressens, étant entendu qu'une des grandes forces de la poésie de Paul Celan est d'être ouverte à de multiples interprétations.

«Personne ne nous repétrira de terre et d'argile,
personne ne bénira notre poussière.
Personne.

Loué sois-tu, Personne.
Pour l'amour de toi nous voulons
fleurir.
Contre
toi.

Un rien
nous étions, nous sommes, nous
resterons, en fleur:
la rose de rien, de personne.»

Paul Celan dit ne pas voir «de différence entre une poignée de main et un poème», sa poésie touche, étreint, on ne la comprend pas vraiment, jamais complètement, mais quelque chose de fort se passe. C'est dense, et ça vibre.
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J'ai découvert les poètes allemands grâce à un professeur qui m'enseigna cette langue seulement deux ans, mais deux ans qui ont beaucoup compté pour moi.
Parmi tous ces poètes, il y aPaul Celan dont j'ai appris et jamais oublié, le petit poème bouleversant qui commence comme ceci :
« So bist du denn geworden
Wie ich dich nie gekannt.. »
Ainsi es tu devenue
Comme je ne t'ai jamais connue…

Un poème merveilleux qui, pour moi, évoquait le souvenir de sa mère, déportée et morte dans les camps en 1942.

Depuis, j'ai lu le magnifique et terrible Todesfuge (Fugue de mort), une vision allégorique des camps d'extermination et de la mort de sa mère, et bien d'autres, mais je n'avais encore jamais lu complètement ce recueil, La Rose de Personne, qui est considéré comme son chef-d'oeuvre.

Toute la vie de Celan a été marquée par le souvenir de ses parents juifs, par le drame de l'Holocauste, par le destin du peuple juif, la cruauté des nazis, et même, je crois, par la complicité de l'Eglise Catholique.
Et par l'absence d'un Dieu qui aurait dû sauver son peuple. Et enfin par l'importance de la fraternité humaine, du « zusammen ».

Les poèmes de ce livre sont animés par ces thèmes, aussi par la mythologie biblique, mais, et on le ressent encore plus dans cette édition bilingue, par, à la fois, une sorte de « réécriture » de textes bibliques transposés dans le contexte de l'Holocauste, et aussi, d'une sorte de remodelage, de re-création, de la langue allemande, par des répétitions, des jeux sur les mots, comme si cette langue allemande qui fut celle de la Mort, notamment de ce Yiddish si présent avant la guerre, devait changer de forme, être tourmentée, « torturée » presque, pour continuer d'exister.

Ce recueil La Rose de Personne est admirablement construit en quatre parties. Au fur et à mesure la douleur, le sentiment de néant, d'un Dieu absent, va être remplacé par l'espoir en l'homme, en la communauté humaine.
Des mots et des thèmes récurrents apparaissent dans le recueil: la Rose d'abord, avec ses significations multiples: le rouge du sang, la fragilité et l'impermanence de la fleur, le calice qu'y l'on boit, que l'on est forcé de boire, la rudesse des épines. Il y a aussi le thème de Personne, sans doute aux multiples sens: Dieu absent pour son peuple, Néant auquel on a voulu mener le peuple juif, auquel se substitue dans les derniers poèmes la personne humaine, l'espoir en l'Homme remplaçant l'espoir en Dieu. Il y a aussi la Nuit symbole de la solitude.
Il y a enfin, et c'est extraordinaire, la Parole, la langue. « Trouver une langue » écrivait Rimbaud. Mais comment exprimer l'indicible de la Shoah? Celan a trouvé cette langue, un mode d'expression formidable dans le choix des mots, qui sont souvent des mots inventés, hybrides, « tordus » Et puis il y a l'écriture incroyable, des mots tus remplacés par des tirets, des répétitions, des doubles sens, que la lecture du texte en allemand rend encore plus forte, tels dans ce premier poème « ich grab, du grabst » , je creuse, tu creuse etc, sachant que der Grab c'est la Tombe. Et bien d'autres encore.
La traductrice, Martine Broda, qui a aussi écrit une postface éclairante, magnifique, explique comment il est difficile parfois de rendre en français, ce jeu sur la langue allemande. Mais, pour qui connaît comme moi un peu l'allemand, l'édition bilingue permet vraiment d'apprécier le génie de cette écriture. Et au passage, une fois de plus, de saluer le travail de traduction qui contribue à la mise en valeur, à la compréhension des poèmes.
Ce recueil est d'une richesse inouïe, et ne peut être appréhendé, compris, qu'après de nombreuses lectures, et il me reste encore beaucoup de chemin à faire.

Alors, je ne vous cache pas, c'est difficile, d'aucuns diront hermétique, mais cela ne peut rebuter celles et ceux qui aiment Rimbaud, Lautréamont, Apollinaire, Eluard, Char, Jaccottet etc..Il faut se laisser entraîner, accepter de ne pas tout comprendre, il y a plusieurs significations qui vont progressivement se révéler, comme à la lecture des Illuminations.
Mais ça vaut la peine.
Certains ont écrit qu'il était impossible de rendre par l'écriture poétique l'horreur de la Shoah. Après avoir lu ce recueil, je ne crois pas. Ces textes sont tout aussi forts, et même je trouve que la poésie permet de ressentir autrement ce drame insensé.

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Ecrire après la Shoah...


Paul Celan est né à Czernowitz -en Bucovine, province actuelle de l'Ukraine-, en 1920. Sa vie et son oeuvre sont marquées par la persécution des Juifs : ses parents meurent dans un camp nazi, il est lui-même l'un des survivants d'un camp moldave.

S'il est reconnu comme le plus grand poète juif et le plus grand poète de langue allemande du 20ème siècle, il écrit une poésie universelle, un cri contre l'inhumain poussé dans une langue qui est celle-là même des bourreaux mais à laquelle il redonne vie en l'ouvrant vers le salut et la rédemption.

Bien qu'il compose une poésie difficile d'accès et hermétique, il est celui qui écrit :
« A UN QUI SE TENAIT DEVANT LA PORTE, un
soir :
à lui
j'ouvre ma parole »
et c'est ce qu'il fait pour chaque lecteur qui veut bien accepter de se laisser conduire par les mots sur un chemin qui va de l'obscurité vers la réhabilitation de l'« espèce humaine ».


La très intéressante postface de la traductrice, Martine Broda, éclaire les différents aspects symboliques de la rose dans ce recueil. Ses « métamorphoses prouveront que le livre fait ce qu'il dit qu'il fait, que sa composition est un trajet, un itinéraire. Il est une quête, et il trouve quelque chose ou arrive quelque part ».
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Paul Celan, poète roumain d'origine juive et d'expression allemande, est quelqu'un de difficile à rencontrer : sa poésie est âpre, austère, aussi elliptique parfois que du René Char (mais sans ses concetti tarabiscotés), et elle se prête mal à l'effusion lyrique et au partage. C'est peut-être pour cela que je n'ai eu accès à lui que par divers médiateurs : Rachel Ertel (dans son essai-anthologie sur la poésie de l'anéantissement, "Dans la langue de personne"), Norman Manea et, plus modestement, à la faveur d'une mode passagère qui ramena la problématique de la littérature juive à l'honneur en France, dans les années 80 et les milieux informés. L'attention fut attirée aussi par l'entretien qu'il eut avec Heidegger, dont la philosophie fait une place bien particulière à la poésie. En un mot, ses poèmes sont magnifiques, et pour une fois les modes littéraires n'ont pas eu tort de l'amener à la lumière.


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Paul Celan nourrit sa poésie des traditions kabbalistes. Il y a du mystère dans ses vers, de la mysticité! Mais cette obscurité est aussi pleine de lumières, les poèmes de ce recueil tracent les transmutations de la Rose de Personne, on passe des gouffres béants du Néant solitaire aux constellations irradiantes de l'universel.
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Citations et extraits (41) Voir plus Ajouter une citation
     
... Elle est enfin la rose des vents, qui sert encore à s’orienter, au-delà du naufrage possible. Librement, sauvagement effeuillée :
     
frei,
entdeckerisch,
blühte die Windrose ab, blätterte
ab, em Weltmeer
blühte zuhauf and zutag, im Schwarzlicht
der Wildsteuerstriche […]
     
     
libre,
à la découverte,
la rose des vents s’épuisa en fleurs, s’effeuilla,
un océan
fleurit en masse et au jour, dans la lumière noire
de la déroute du gouvernail affolé [...]
     
(Die Silbe Schmerz / Les syllabes douleur)
     
Le verbe « abblühen », difficile à traduire, indique que la rose fleurit jusqu’à se défaire. C’est là son suprême accomplissement : il n’est pas du destin d’une rose de durer, mais plutôt de s’effeuiller, dans le vertige sans fin du don. (…) Le trajet du livre est bien un mouvement universalisant. La « rose » est passée de « Personne » à « personne » où « personne » trouve la possibilité qui l’égale à « tous ». (…) Au bout du livre, la rose se défait : plus de destin juif qui se sépare du destin moderne de l’homme.
     
Si la « rose » est un don, « personne » est son destinataire. (…) Le même mouvement entraîne la rose, dans « un tourbillon de métaphores, vers l’accomplissement de son destin, et le poème vers l’Interlocuteur providentiel...rose des vents : ce mouvement orienté que l’écriture produit, Celan le nomme « souffle » ou « direction » (Le Méridien).
     
Traduction et Postface de Martine Broda, pp. 184-185.
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ARBRES-AUX-LUEURS
     
Un mot,
pour lequel j’ai bien voulu te perdre :
le mot
jamais.
     
Il y avait,
de temps en temps tu le savais aussi,
il y avait
une liberté.
Nous nagions.
     
Sais-tu encore, que je chantais ?
Avec l’arbre-aux-lueurs, le gouvernail.
Nous nagions.
     
Sais-tu encore, que tu nageais ?
Ouverte tu étais devant moi,
tu étais, étais
devant moi,
devant l’a-
vancée de mon âme
Je nageais pour nous deux. Je ne nageais pas.
L’arbre-aux-lueurs nageait.
     
Nageait-il ? Il y avait
une mare autour. Il y avait l’étang sans fin.
Noir et sans fin, suspendu,
Suspendu, en aval du monde.
     
Sais-tu encore, que je chantais ?
     
Cette —
O cette dérive.
     
Jamais. Aval du monde. Je ne chantais pas. Ouverte
tu étais devant moi, devant
l’âme en voyage.
     
     
pp. 52-53
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toi qu'au fond des temps,
dans le Rien d'une nuit,
j'ai dans la Non-nuit ren-
contrée, toi
Non-toi –
     
...
     
et parfois, quand
il n'y avait plus que le Rien entre nous,
nous nous trouvions
     
l'un l'autre tout à fait.
     
     
'RADIX, MATRIX', extrait, p. 63
& 'TANT D'ÉTOILES' / 'Soviel Gestirne', extrait, p. 21
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LES SYLLABES DOULEUR

Il s'offrait à Toi dans ta main :
un Tu, sans mort,
auprès duquel tout le Je revenait à soi. Autour
circulaient des voix sans mots, des formes vides, tout
passait en elles, mêlé,
démêlé,
et à nouveau
mêlé.

Et des nombres étaient
tissés dans
l'innombrable. Un, mille, et ce qui
devant, derrière,
était plus grand que soi, plus petit, mené
à terme, puis dans une métamorphose
à rebours et suivie,
transformé en un
jamais germinant.

De l'oublié harponna
du bientôt-oublié, parties du monde, parties du coeur
nageaient,
sombraient et nageaient. Colomb,
le colchique
dans l'oeil, hors-temps, la fleur-
mère,
massacra mâts et voiles. Tout prit le large,
libre,
à la découverte,
la rose des vents s'épuisa en fleurs, s'effeuilla,
un océan
fleurit en masse et au jour, dans la lumière noire
de la déroute du gouvernail affolé. Dans des cercueils,
des urnes, des canopes,
s'éveillaient les petits enfants
Jaspe, Agathe, Améthyste - peuples,
tribus et familles, un aveugle

Soit-il

se noua dans
le cordage libre
à tête de serpent -: un
noeud
(contre-noeud, anti-noeud, non-noeud, jumeau et multiple
noeud), auquel
la couvée aux yeux de nuit-carême
des étoiles-martre dans l'abîme
ép-, ép-, é-
pelait.
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S’il venait, 
venait un homme,  

venait un homme au monde, aujourd’hui, avec 

la barbe de clarté 

des patriarches : il devrait,

s’il parlait de ce 

temps, il 

devrait
bégayer seulement, bégayer, 

toutoutoujours 

bégayer.  
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Vidéo de Paul Celan
Chaque mois, un grand nom de la littérature contemporaine est invité par la BnF, le Centre national du livre et France Culture à parler de sa pratique de l'écriture. L'écrivain Stefan Hertmans est à l'honneur de cette nouvelle séance.
Rencontre animée par Cécile Bidault, productrice chez France Culture
QUI EST STEFAN HERTMANS ? Stefan Hertmans, né à Gand en 1951, a publié plusieurs recueils de poésie, des essais et des romans. Son oeuvre poétique a été récompensée par le prix triennal de la Communauté flamande. Son roman Guerre et Térébenthine, traduit dans vingt-quatre langues, a été nommé pour le Man Booker International Prize. Il a publié tous ses romans aux éditions Gallimard, dont Une ascension en janvier 2022. Dans la collection « Arcades » paraît également en mai 2022 Poétique du silence, un volume regroupant quatre essais de Stefan Hertmans sur la modernité poétique dans ses rapports au langage et au mutisme, concentré de ses réflexions sur les oeuvres de Hölderlin, de Paul Celan et De W.G. Sebald notamment.
En savoir plus sur les masterclasses littéraires : https://www.bnf.fr/fr/agenda/masterclasses-en-lisant-en-ecrivant
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