Jeunesse enragée, jeunesse engagée, jeunesse gâchée
« Ils sont en lutte, enfants en colère de cette fin de siècle, ils relèvent chaque injustice avec la rage des condamnés. »
C'est l'histoire d'une bande de potes, Axelle, Mano, Paola, Jicé, Nacer et Charly.
C'est l'histoire d'une jeunesse radicale, qui survit dans un squat, qui affrontent le GUD, qui distribuent des tracts. Une jeunesse politisée, une jeunesse rebelle qui veut changer les choses.
C'est l'histoire de choix : ceux qui renoncent et partent, ceux qui foncent et qui déraillent.
C'est l'histoire principalement des deux héroïnes. Il y a Axelle, la plus dure du groupe. Axelle, c'est l'écorchée, la rebelle, celle qui est rejetée et incomprise de ses parents, celle qui apprend l'usage du fusil avec son grand-père. C'est aussi et surtout celle qui paiera.
Et il y a Mano, la tendre fidèle, l'amoureuse… le fil conducteur tout au long du récit.
« L'amertume de ceux qui se sont battus sans en voir les effets. »
C'est l'histoire d'un cri, d'une rage sur 370 pages d'êtres qui revendiquent la liberté sous toutes ses formes.
Comment vivre, comment se construire lorsque le drame arrive ?
« C'est l'horizon qui n'existe plus, c'est les arbres qui restent en hiver, le gel au bord des yeux, le sang qui peine à couler dans les veines, ces affluents du coeur. C'est l'absence de larmes pour une douleur glacée, une peine incompressible, des deux côtés. »
Marion Brunet excelle dans les descriptions. Que cela soit celle d'Axelle, de sa vie en prison gangrénée par le sadisme, les humiliations et les fouilles à répétition, l'attente sans fin du procès et sa solitude infinie, elle séparée de son amour plus ou moins clandestin. Ou de celle de Mano, qui est partie quand le braquage du Crédit Municipal a tourné mal, qui s'est laissé entrainer par Charly, qui aime éperdument Axelle mais qui doit faire sans elle, qui doit avancer dans la vie avec cette faille.
On revisite tous les grands événements des dernières années : du 11 septembre à Fukushima, en passant par l'élection de
Nicolas Sarkozy.
L'écriture est fiévreuse et percutante, les mots sont forts. L'alternance du passé et du présent, du je et du elle, rend le texte aussi addictif qu'émouvant. Intrigues emmêlées, révélations et rebondissements, il est impossible de rester de marbre.
Quel texte, quelle force, quelle puissance !
« Nous n'avions pas choisi la violence comme concept, comme objectif, mais nos luttes, notre désir de changement, ont pris une force inattendue, et nous avons foiré lamentablement. J'aurais tant aimé me battre sur d'autres terrains. »
Il y a surtout enfin pour terminer sur une note positive de l'espoir. Celui d'une jeunesse qui ne baissera jamais les bras, qui se battra pour son idéal, pour un monde plus juste, plus solidaire, plus humain.
« Vieillir moins vite, rester vive comme la force, ne pas avancer seule. Là sont
nos armes. Je ne dis pas qu'on a eu tort, je dis que
nos armes sont multiples. J'aurais préféré ne pas vivre en prison, tu sais. »
Nos armes est un roman noir, de luttes, de manques, de colères. Un roman qui bouscule et qui émeut, qui percute et qui fait autant réfléchir qu'inciter à réagir. Un roman où la fidélité et l'amour augurent des jours meilleurs.