Citations sur Nos armes (11)
Elle n’a pas peur des armes, elle les connait.
L'humour lui sert en tout. C'est son arme et son bouclier, sa façon de caresser comme de mordre. Sans doute aussi une façon de supporter la dramaturgie globale de la vie. La sienne celle des autres, mais bien au-delà, celle avec une majuscule, dont il ne trouve pas le sens.
« Si c’était à refaire » n’est pas la bonne question. « Et maintenant » a beaucoup plus de sens.
L’oppression, la violence, c’est toujours une question d’angle, pas vrai ?
Pendant la fouille, après le parloir, je ne ressens rien ou presque rien, juste la froideur professionnelle de la gardienne, la brusquerie agressive de son acolyte. Mes yeux ne les voient pas, mon corps subit sans tension, sans même cette envie de ruer comme une bête qui est notre quotidien. Rien, je ne ressens rien. Une fois remontée dans ma cellule, je me couche toute habillée sur mon lit. Je sens la couverture gratter mon cou mais je ne fais rien pour y changer quelque chose. J'espère qu'il pleut et il pleut. Pas cet orage explosif que j'appelais de mes vœux, avec éclairs, grisaille tirant sur le noir, pluie giflant la fenêtre. J'ai droit à une pluie pâle, clairsemée, émergeant d'un ciel nivéen. Je ne ressens rien, aucun désir, aucune pulsion, impulsion. Et c'est toi qui m'envahis, Mano. Tes cheveux sur tes reins, ton col roulé ce matin-là. Ton profil au volant de la voiture, ta façon de jeter des coups d'œil furtifs dans le rétroviseur.
Sans repère, il est difficile d'évaluer le temps qui passe. La vieillesse d'un parent, l'évolution d'un gamin, exactement comme une marque dans un bassin d'écluse. Parce que le temps ne se calcule pas de la même façon selon les différentes parties de la vie, même s'il ne s'agit pas de quartiers de viande ni de découpage aux ciseaux sur une frise. Ce n'est pas non plus la question du plaisir, de l'attente, et du temps long de la pénibilité face à la fulgurance des moments euphorisants.
Là son nos armes. Je ne dis pas qu'on a eu tort, je dis que nos armes sont multiples
Porte de Brandebourg, des centaines de Berlinois rassemblés, les autorités débordées. Je n'avais pas conscience d'entrer dans une ère de désillusions et de reculs sociaux systématiques, j'imaginais tout de même être au début de quelque chose. A onze ans, forcément, comment prédire que la suite ne serait qu'une enfilade de déceptions, de lâchetés, comment deviner que la politique publique se viderait peu à peu de tout son sens, de toute son intelligence, pour devenir de la gestion d'entreprise ? Quand on s'est rencontrés, des années plus tard, on y croyait, à la possibilité d'agir. Encore suffisamment empreints des idéologies ouvrières, on était cortiqués pour la lutte à l'ancienne. On ne savait pas que la destruction de la planète avait déjà commencé.
J'étais haïe comme un monstre, une fille dénaturée qui a choisi la violence. Une fille folle qui n'a pas su gérer sa colère. Il me semblait, à moi, que nous étions entouré par la violence et qu'elle s'exerçait contre tous ceux qui n'avaient pas la chance d'être nés du bon côté, ou ce qui refusaient d'y vivre. Il me semblait en avoir reçu part, et que j'avais été éduquée pour savoir la recevoir, fermer la gueule, serrer les dents. La violence, c'est bien plus qu'un fusil.
Si tu regardes, c'est dingue, les mecs ont plein de parloirs : leur mère, leur femme, leur petite amie, leurs gosses, mais bizarrement les femmes ont beaucoup moins de visites. Et j'ai eu suffisamment d'années d'observation pour te dire que c'est pas une vague généralité. Non. c'est une calamité. Une fois qu'elles tombent, les filles peuvent faire une croix sur leurs amours, sur la mansuétude parentale, et même parfois sur leurs enfants, qu'ils soient assez grands pour rejeter leur mère ou que la famille les éloigne. Et c'est dégueulasse.