L'embarquement pour Arkham est intéressant à plusieurs égards et pour plusieurs raisons.
D'une part, il montre l'étendue de l'imagination de
Robert Bloch, dont les 12 nouvelles constituent ici ce recueil. En effet, ce
lui ci fait preuve d'une créativité et d'une imagination qui rend hommage à son illustre maître H.P.L. ainsi qu'à toute la littérature de l'imaginaire. Toutes différentes les unes les autres, les nouvelles proposent une plongée dans un monde horrifique, empreint de la touche lovecraftienne. Les références sont nombreuses, même si
Robert Bloch s'est surtout attaché à développer la mythologie autour de
Nyarlathotep, dans des nouvelles égyptologiques, ou égyptillogiques ( selon les propres termes de l'auteur) qui sont pour moi les plus réussies, et qui prouvent une réelle intention de la sa part de se détacher du style de
Lovecraft. Mais j'y reviendrai...
D'autre part, le dossier en fin de tome nous en apprend énormément sur la manière d'écrire de
Lovecraft ainsi que sur sa personnalité.
Robert Bloch ayant correspondu avec
lui pendant quatre ans, leur rapport s'étant changés en amitié, c'est avec un certain intérêt que le lecteur lira les anecdotes concernant le maître de Providence, qui décrivent un personnage éloigné de la figure publique connue.
Robert Bloch a publié les propositions et corrections suggérées par
Lovecraft quant à une nouvelle, et elles montrent toute l'étendue de sa culture, des connaissances, et de son érudition, ainsi que de sa précision historique et scientifique, qui sont tout simplement impressionnantes. On se rend compte alors de l'immensité de l'oeuvre, ainsi que de son importance, si
Lovecraft avait vécu plus longtemps et pu développer sa mythologie encore lus avant...
Maintenant passons aux choses qui fâchent et qui concernent l'auteur
Robert Bloch. Deux principalement.
La première étant cette lourde insistance dans ces propos à nous rappeler ses correspondances avec
Lovecraft et qui ont fait de
lui un écrivain. Derrière ses paroles, et son insistance, on ne peut que déceler un fort désir de reconnaissance et de recherche de personnalité artistique propre, mais il transpire également une désagréable idée d'ego démesuré. En effet,
Robert Bloch ne cesse de vanter les mérites de ces nouvelles, même s'il se cache derrière le "filtre" de
Lovecraft, et c'est plutôt lourdingue. Il donne vraiment l'impression de se considérer comme le seul et unique véritable successeur de
Lovecraft. On ne
lui enlèvera bien entendu pas tout le boulot qu'il a fait (
lui et tous les autres membres du
Lovecraft club) pour faire connaître les écrits de H.P.L., sauf qu'il faut savoir s'arrêter à un moment et faire preuve d'un peu d'humilité.
Ensuite,
lui qui se vante d'être l'auteur le plus proche du style de
Lovecraft, à l'époque, n'est pas aussi proche qu'il le prétend. Certes, ces nouvelles ( et j'en ai lu d'autres) ne manquent pas d'idées, et font preuve d'une créativité débordante. Mais elles n'atteignent en rien le génie de
Lovecraft, leur traitement est bien souvent décevant, ou n'apportent pas les émotions de terreur ou de dégoût qui caractérisent tant le style de
Lovecraft. Vous pourrez relire les nouvelles de ce dernier, la peur de l'inconnu sera toujours présent, même si vous les connaissez par coeur. Ce n'est pas le cas de celles de
Robert Bloch, qui sont à prendre pour ce qu'elles sont, des nouvelles horrifiques d'un potentiel fantastique énorme, mais qui, même si certaines font référence à la mythologie lovecraftienne, ne sont pas à référencer comme telles. Quelques nouvelles sortent du lot : le dieu sans visage, le dieu des abysses...
Robert Bloch affirmait qu'il ne suffit pas de broder une histoire autour des quelques notes rédigées et laissées en suspens par
Lovecraft, pour faire du
Lovecraft ( ll parlait d'
August Derleth), mais au moins Mr
Derleth savait faire naître des émotions à l'égal de
Lovecraft dans pas mal de ses textes.
Mais il ne s'agit là que de mon avis, de mon ressenti, dans ce que j'ai moi même compris, "expérimenté" et "ressenti" de l'oeuvre de
Lovecraft.
Ce recueil plaira ou ne plaira pas, l'essentiel étant de vous faire votre propre idée du contenu. Malgré ma demi déception, cela ne n'empêchera pas de lire
Retour à Arkham, au titre on ne peut plus équivoque et évocateur,un roman de
Robert Bloch.