Les questions posées par la littérature genre sont : l’AMP pour quelles femmes ? Pourquoi la femme s’est-elle transformée en système d’approvisionnement utérin au service de l’embryon et de la recherche scientifique ? Pourquoi a-t-on réduit l’expérience subjective et phénoménologique de la grossesse à une technique plus ou moins performante de production de la vie en ressortant de la naphtaline le vocabulaire le plus classique du vitalisme ? Comment l’expertise médicale et politique sur la procréation devient-elle une extension légitimée de la décision familiale et privée sur la création comme fabrication de qualité ?
Le débat est d’autant plus complexe qu’il remet en jeu les dichotomies entre vitalisme et matérialisme, public et privé, droits corporatistes des mères et droit des femmes sur leur corps, etc., qui soulèvent d’énormes enjeux de pouvoir. Les craintes du public liées à l’AMP, et aux technologies reproductrices en général, sont les craintes de l’instrumentalisation ou de la commodification , l’incertitude liée à la sexuation, à la production ou à la fabrication d’enfants.
Recevoir une dignité impliquait de s’inscrire dans l’ordre naturel de la reproduction. C’était le lot pour la plupart des femmes jusqu’à la maîtrise de la procréation, dès les années 1970. Les mouvements de libération des femmes ont contribué à inscrire cette dignité dans leur capacité d’autodétermination et d’appropriation de leur corps, en dehors du schème patriarcal qui leur avait octroyé une dignité déterminée par la marâtre Nature. Cette évolution du concept de dignité des femmes, en rapport avec les techniques reproductives et le progrès moral des femmes, est liée à la lutte des femmes pour la reconnaissance de leur individualité morale, comme indépendante de leur statut reproductif.
Mais ce discours de libération a été suivi, dès l’émergence des techniques de PMA, d’un discours du risque, celui de l’infertilité, qui a agi comme une limitation à cette liberté de la reproduction ou de la non-reproduction, dans une société qui restait globalement patriarcale. Comme la reproduction devenait assistée, la notion de liberté et de droits reproductifs était affaiblie, ce qui fut vécu par certaines femmes comme le prix à payer de leur libération sexuelle.
Derrière l’argument moral de la protection de la vulnérabilité du foetus, puis de la vulnérabilisation du concept d’humanité, que se cache-t-il ? Devons-nous construire une position a-morale qui mettrait fin aux conflits de convictions dans une démarche purement procédurale de protections des autonomies ? N’y aurait-il qu’un conflit entre libertés, qui pourrait se résoudre en termes de compromis sur le second ou le troisième choix des conflits d’intérêts entre protagonistes ? Au-delà de cette confusion entre sacré et qualité de la vie, des éléments sociologiques, des modes d’existence entrent en jeu.
Nous avons vu que la procréation désexualisée a fait vaciller l’ordre juridique et politique puisque l’enfant n’est plus obligatoirement conçu ou porté dans le ventre de sa mère et que les parents biologiques peuvent être plus que deux. Ici l’ambiguïté majeure du discours se nourrit de l’assimilation entre les représentations de l’engendrement et de la filiation.
Croire, est-ce bien raisonnable ? - Séminaire RDJ .Croire, est-ce bien raisonnable ? le dimanche 7 décembre 2014 à 11h Avec : Henri ATLAN, médecin, biologiste et philosophe, auteur de "Croyances. Comment expliquer le monde ? "(Autrement, 2014, 374 pages) Rémi BRAGUE, philosophe, auteur de "Modérément moderne" (Flammarion, 2014, 384 pages) Alexandre ADLER, historien, éditorialiste à Europe 1 et à l?Opinion Jean-Guilhem XERRI, "A quoi sert un chrétien ?" (Cerf, 2014, 273 pages) Une rencontre animée par Alexis Lacroix. ENTRÉE LIBRE ET GRATUITE Séminaire de la Règle du jeu Tous les dimanches à 11h Au cinéma Saint-Germain 22 rue Guillaume-Apollinaire Paris 6ème Métro : Saint-Germain-des-Prés Informations : redaction@laregledujeu.org ? 01 45 44 98 74 laregledujeu.org
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