| GaLim il y a 1 semaine (SUITE...)
- Bravo Dumba, bien joué ! s’exclame Léon le Lion, admiratif devant la force de caractère et le courage de son amie.
- Merci Léon. Allez, à ton tour d’entrer en piste, camarade.
Majestueux avec son imposante crinière de couleur fauve, le lion impressionne l’assistance qui ne peut s’empêcher de pousser des « Oh ! » et des « Ah ! » effrayés. Depuis le temps qu’il participe à des représentations, Léon a conscience de la peur qu’il suscite chez les spectateurs. Il en joue et il adore ça. Ainsi, le pas lent et félin, il scrute de ses yeux noirs les loges avant d’arrêter son regard sur un petit homme replet enfoncé dans son fauteuil de velours rouge. Un pot de pop-corn au caramel est judicieusement calé entre l’accoudoir et le flanc droit de l’homme, quand le second est perché en équilibre sur son ventre rebondi, dans lequel sa main potelée vient goulûment piocher.
- Raooww ! En voilà un bout de viande fort appétissant. Et avec tout ce qu’il ingurgite, sa chair doit avoir le goût du porc au caramel.
- Dis, chérie, tu ne trouves pas que ce lion me regarde méchamment ? demande le petit homme replet à sa femme assise à ses côtés.
- C’est peut-être l’odeur des pop-corn qui l’attire.
- Je ne suis vraiment pas rassuré. Tu ne trouves pas qu’il fait très chaud tout à coup !? Regarde, je transpire…
- Raooww ! Raooww ! rugit Léon avant de bondir sur sa proie.
Le chapiteau tout entier retient son souffle. La peur est palpable. Les cœurs s’emballent, les yeux s’agrandissent, les bouches s’ouvrent. Au moment où Léon doit atterrir sur l’homme, il est violemment tiré vers l’arrière. Il avait oublié que son dresseur le maintenait attaché à une longue longe.
- Noooon ! Mon casse-croûte… Mon en-cas… Mon porc au caramel… se morfond Léon.
- Eh oh ! Même si t’as pas pu grailler, t’es pas léger, mon pote ! dit une voix étouffée.
- Pardon, Macaca, je ne t’avais pas vu ! s’excuse Léon qui au lieu d’atterrir sur l’homme au pop-corn a atterri sur la bordure de la piste où se tenait Macaca.
- Bon alors, comment on s’y prend ? demande Languro à son compère Macaca, qui n’a que faire de ce qui se passe autour de lui.
- Ben on va voir Charlene et puis on lui dit : « Madame Sa Majesté la Princesse, auriez-vous l’obligeance de la délicatesse de nous faire grâce de votre collier, s’il vous en plaira ? Nous en serions fort aise… »
- Tu crois que ça va suffire et qu’elle va accepter ?
- Mais non, abruti ! J’en sais rien moi, comment on va s’y prendre. Et c’est pas avec un lion qui me tombe sur la tête que ça va m’aider à réfléchir, s’agace Macaca.
Une fois Léon ramené dans les coulisses par son dresseur, le spectacle peut se poursuivre avec le numéro de Qilin, le cheval-licorne. La robe d’un blanc immaculé, les crins aux couleurs de l’arc-en-ciel, une corne dorée sur le front, il trotte jusqu’aux premières chaises des loges, les avancées. Après avoir exécuté à la perfection une série de cabrades et de caprioles, il vient hennir à l’attention du public qui applaudit à tout rompre ce magnifique et élégant animal postiche. Parmi les spectateurs, Qilin aperçoit une petite fille âgée de six ans, tout au plus, vêtue d’une robe blanche sur laquelle est floquée en son centre une licorne arc-en-ciel. Le même dessin se trouve également présent sur deux barrettes pincées dans ses fins cheveux blonds. Emu, il s’avance au plus près de l’enfant et d’un bref mouvement du museau, l’invite à s’approcher. Interloquée, la petite fille se tourne vers une femme qui doit être sa mère afin de requérir son approbation. D’un discret signe de tête, elle donne son accord. D’abord intimidée, la fillette qui a des paillettes dans les yeux et des papillons dans le ventre finit par tendre sa main en direction de la corne dorée.
- Quelle adorable petite fille ! s’émeut Qilin. C’est tellement gratifiant de répandre de la joie et du bonheur… Aïe !
- Hi hi hi ! Regarde Maman, j’ai attrapé la corne de la licorne !
- Nom d’une Ganesh ! Ne te laisse pas faire, camarade Qilin, vas-y, attaque cette morveuse ! s’écrie Dumba, du fond de l’arène.
- Ce n’est pas grave Dumba, et puis ce n’est qu’une enfant, symbole de l’innocence.
- Non mais c’est pas vrai ! Il faut que tu arrêtes d’écouter tous ces trucs sur la bienveillance. Ça te ramollit mon pauvre Qilin. RE-VO-LU-TION !
- Je ne souhaite pas entacher mon karma avec de vilaines actions. Et je sais que ma bonté du jour me sera restituée au centuple dans un futur plus ou moins lointain, philosophe Qilin.
- Ben voyons ! s’exaspère Dumba, qui voit rouge.
La tête basse, dépouillé de sa corne dorée, Qilin s’en va se poster dans un coin sombre, proche de la gardine. Peiné par la situation de son ami, Lori le perroquet s’envole à sa rencontre dans le but de lui remonter le moral. A peine a-t-il ouvert le bec pour prononcer quelques mots réconfortants que son dresseur l’appelle. Promettant de revenir le voir dès son numéro terminé, Lori s’en va rejoindre le centre de la piste. Bien entraîné, il sait ce qu’il doit faire pour assurer une bonne prestation : marcher sur un fil tel un funambule, faire du vélo, tourner dans une roue de la mort… Mais le clou du spectacle reste le numéro nommé « la révélation ». Pendant l’entracte, Lori a le droit et surtout le devoir de voler et de se poser de-ci de-là afin de récolter des informations plus ou moins intimes et donc croustillantes sur les spectateurs. Et ce soir, il a du lourd.
Après avoir tournoyé quelques instants au-dessus du public, il se perche sur l’épaule d’un homme en apparence quelconque : la petite cinquantaine, un physique banal de banquier ou de notaire, un air un peu austère.
- Jeeeee t’aime. Jeeeee t’aime, craille Lori.
- Moi aussi, répond l’homme se prêtant au jeu, ce qui fait rire la foule.
- Jeeeee t’aime Brigitte. Jeeeee t’aime Brigitte.
- Ha ! ha ! rigole l’homme un peu jaune.
- Jeeeee t’aime Brigitte. Jeeeee divorce Magalie. Jeeeee divorce Magalie. Jeeeee t’aime Brigitte.
- Pff, il raconte n’importe quoi ce perroquet.
- C’est pas vrai ! J’en étais sûre. Alors comme ça, tu me trompes avec ta secrétaire. La merveilleuse Brigitte, si professionnelle et si indispensable à ta boîte, s’emporte Magalie, la femme de l’homme.
- Mais enfin Mag, tu ne vas pas croire ce que dit ce stupide volatile. Attends Mag, ne pars pas, il faut qu’on parle, gémit l’homme. |