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Citations de Velibor Colic (219)


La gare de Milano Centrale est aussi déserte qu’un cimetière. Une pluie têtue et glaciale arrose copieusement la ville et ses habitants, les saints et les pêcheurs, les trains et les voitures. Je ne sais plus si je suis au début ou à la fin de mon voyage, quel panneau regarder, Partenza - le départ -, ou l’autre, plus petit, Arrivo. Je suis fatigué, enrhumé, mouillé, et j’attends Barbara.
Elle apparaît de l’autre côté du quai. Une tache bleu et noir, ensuite une petite figurine et à la fin Barbara. Elle porte une veste en jean, une longue robe noire et des sandales d’été. Elle n’a pas de parapluie mais elle n’est pas mouillée. Ses cheveux longs aux reflets bleu métallique sont comme un cadre pour son visage à la sicilienne – les grands yeux ébène, le nez méditerranéen et la bouche telle une cerise écrasée, aussi rouge qu’une blessure.
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Une seule évidence : la mémoire est aussi Histoire. Sauf qu'on ne la vérifie pas
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Fraîchement restauré, le foyer de demandeurs d’asile à Rennes me fait penser à mon lycée. Une grande porte vitrée, d’interminables couloirs, sauf qu’ici au lieu des salles de classe on a des chambres pour les réfugiés. Dans le hall central il y a une carte du monde avec les petits drapeaux des pays des résidents. La misère du monde s’est donné rendez-vous à Rennes en cette fin d’été 1992. L’Irak et la Bosnie, la Somalie et l’Éthiopie, plusieurs pays de l’ex-bloc soviétique. Quelques vagabonds professionnels en plus, des hommes perdus depuis longtemps, peut-être depuis toujours, entre les diverses administrations et les frontières, entre le vrai monde et ce sous-monde des citoyens de seconde classe, sans papiers, sans visage et sans espoir.
Je suis accueilli par une dame aux énormes lunettes. Elle parle doucement en me regardant droit dans les yeux. C’est une première pour moi. Depuis mon arrivée en France tout le monde (y compris les gens bien intentionnés) me parle très fort et en phrases courtes, genre : Toi… Manger… oui… Miam, miam, mmmm c’est bon…, ou : Toi, attendre, ici ! Ici, attendre !
Là, c’est autre chose. La dame m’explique, tout doucement – et comme par miracle je comprends tout -, le fonctionnement du foyer. Je saisis que je vais avoir une chambre simple, pour célibataire, que la salle de bains et la cuisine sont communes et que j’ai droit à un cours de français pour adultes analphabètes trois jours par semaine.
Je suis un peu vexé :
– I have BAC plus five, I am a writer, novelist…
– Aucune importance mon petit, répond la dame. Ici tu commences une nouvelle vie…
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C'est un endroit avec trois automnes et un rude hiver.
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La maison natale de notre Maréchal sent bon la cire d'abeilles, le romarin frais et les pommes mûres. Dans la grande pièce centrale, on voit le berceau où il dormait quand il était bébé, plusieurs beaux tapis paysans puis quelques bricoles ayant appartenu à sa mère. L'air est toujours frais, tout est si calme, comme dans une église. Je ne comprends pas, mais je n'ose pas poser de questions : il était pauvre quand il était gamin, notre Maréchal, mais comment se fait-il que sa maison soit si grande, si belle ?
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La guerre est toujours conçue par les personnes âgées pour tuer les jeunes. Ils sont prêts à tout sacrifier pour le peuple. Y compris le peuple lui même.
On croit mourir pour la patrie, on meurt pour les industriels, à sagement conclu Anatole France.
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La maladie ressemble à la guerre, c'est une violence brutale et injuste. Au moment où elle vous arrive, curieusement, le monde qui nous entoure devient plus clair. Le mal nous décentralise et nous place au bon endroit dans le monde. La maladie est une leçon parfaite.
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La maladie ressemble à la guerre, c'est une violence brutale et injuste. Au moment où elle nous arrive, curieusement, le monde qui nous entoure devient plus clair. Le mal nous décentralise et nous place au bon endroit dans le monde. 
La maladie est une leçon parfaite. 
Personne ne peut l'éviter. Elle arrive tôt ou tard, pour tout le monde. 
Plusieurs études montrent que la mortalité des vivants s'élève à 100 %.
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Je l'ai rencontré le jour où il a posé une mine antipersonnel sur le dos d'un soldat serbe mort, dans une clairière.
-Quand ses amis le verront, dit-il, ils le prendront. Et quand ils le déplaceront, boum, il les tuera tous !
Il erre et il vole sans repos. Il cache son trésor volé dans une maison abandonnée. Une collection enviable de téléviseurs, magnétoscopes, chaînes hi-fi, fours à micro-ondes...
- Après la guerre, répète Mato, il y aura une grande fête. Et je serai là pour leur proposer de la musique.
Un jour, je vois un équipement hospitalier dans cette maison. Une machine compliquée qui est en réalité un poumon artificiel.
-Dans une maison, me dit Mato, je suis tombé sur un vieillard qui était connecté à cette machine. Comme il était déjà âgé et à moitié mort, je l'ai prise. On ne sait jamais.
- Et le vieil homme ? je demande avec étonnement, qu'est-ce que le vieil homme a dit?
- Grh krhhh, me répond en souriant Mato Trabant.
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Ouelles sont les vraies frontières de nos voyages ?
Le fleuve sait-il tout ou rien ?
À qui appartiennent réellement l'arbre, la terre ou I'herbe ?
À la fin de notre voyage, il n'y a pas de nouveaux paysages, de nouveau climat ou de mer mais tout simplement des douaniers.
Nos paysages sont devenus des territoires. Et nos territoires par la même logique nos Etats. Avec des frontières qui se chevauchent souvent. Malheureusement. Alors, par une simple addition, nos paysages, territoires et Etats sont devenus nos guerres. Ceux qui déclenchent des guerres considèrent les paysages comme leur patrie. Pour laquelle ils sont prêts à se battre jusqu'à la dernière goute du sang des autres.
La guerre est toujours conçue par les personnes âgées pour tuer les jeunes. IIs sont prêts à tout sacrifier pour le peuple. Y compris le peuple lui-même.
On croit mourir pour la patrie, on meurt pour des industriels, a sagement conclu Anatole France.
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Allez savoir pourquoi, moi, je regarde le bout de mes chaussures. Autour de moi, ce blanc est devenu un peu plus sombre. Et pourtant, c'est toujours la même colline, la même neige et le même vent, mais à cause de ce petit con et de ses yeux si noirs et tristes, à cause de sa chute, la magie n'opère plus.
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"Il suffit de répéter un mensonge trois fois pour qu'il devienne vérité", aurait dit Herr Joseph Goebbels, idéologue d'une autre guerre, pressentant que, dans les conflits à venir, les mass media seraient un des facteurs déterminants de la victoire.
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Les bottes jadis noires, sont dans un piteux état. Je ne me rappelle plus comment je les ai eues. Je m’interroge : peut-on dire pour les chaussures aussi qu’elles sont de « deuxième main » ? Ou de « deuxième pied ?
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Je suis trop gros pour me sentir Jésus, trop blanc pour être un Noir et j’ai trop d’accent, trop de guerre pour me voir en vrai Européen. Je suis trop en bonne santé pour être vraiment malade.
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Ma patrie: la Bosnie; mon pays, la France
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Plus que jamais je suis perdu dans une Europe aveugle, indifférente au sort des nouveaux apatrides. Mes rêves de capitalisme et de monde libre, de voyage et de villes des arts et des lettres sont devenus des mouchoirs en papier usagés, utiles pendant un bref instant mais gênants après l'utilisation. Rien que des cendres. J'ai échangé la fin du communisme pour le crépuscule du capitalisme. (p. 182)
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Je connais trop de villes. Je connais trop bien Paris, Prague et Milan, Sarajevo et Zagreb. J'ai vue le tombeau de Dante à Ravenne, le pont Mirabeau de Celan, les bistrots parisiens où ne dessaoulait pas Modigliani. Je connais trop de métros, trop de trains et j'ai arpenté un nombre incalculable de gares au cours de mes déplacements chaotiques. Je suis le spectateur privilégié d'un spectacle aussi laid et définitif que la fin du monde. (...) J'ai été deux fois soldat et une fois déserteur. je n'ai plus de pays mais parfois je pense que j'ai une patrie. (p. 196)
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Nous sommes un mercredi, une journée ordinaire qui attend le soleil. Désoeuvré, je cherche tous les mots possibles pour définir la solitude.
-Seul-, je dis en français, -sam -en serbo-croate, lonely en anglais, -allein -en allemand.
A défaut d'être patriote, par la force des choses, je suis devenu polyglotte. (p. 140)
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Vouloir croire en la littérature après une guerre ou pendant qu'elle dure encore, est une forme de résistance. Le travail de l'intellectuel ne consiste pas seulement à vendre des livres. Il est indispensable que la voix de la raison, de la tolérance, de l'homme « libéré », de l'homme pensant — et là se trouve la définition de l'intellectuel en tant que tel — peut se faire entendre chaque fois qu'il se passe des choses comme celles dont nous sommes les témoins aujourd'hui en Bosnie.
Sinon, les victimes innocentes, en l'occurrence un peuple tout entier avec sa culture et sa civilisation, seront à jamais à la merci du vainqueur, dans le cas présent l'agresseur. Car il est bien connu que se sont les vainqueurs qui écrivent l'histoire.
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JEANNE, ÉMIGRÉS
Autant que je sache, raconta Jeanne Modigliani à trois Polonais barbus qu’elle avait rencontrés à Florence en 1958, les ennuis de mon père ont commencé le jour des Rois en 1920, lorsque à la Rotonde, il a vendu à l’archange Gabriel le dernier morceau de ses poumons au demeurant ravagés.
Avec une partie de l’argent, il acheta du poisson et du vin.
Il but le reste.
Il rentra à la maison ivre mort.
Pendant des jours, il cracha le sang.
Il mourut avant la fin du mois.
Et c’est à peu près tout.
Jeanne Modigliani but son café avant de se fondre dans la foule qui envahissait les rues brûlantes. Quelle calamité, dit le premier Polonais, dont l’haleine sentait la vodka, que devoir toute sa vie porter le nom de MODIGLIANI.
Pour sûr, acquiescèrent les autres.
Ils trinquèrent et vidèrent leurs verres.
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