Citations de Tim Dup (30)
Pourquoi s'imagine-t-on que l'amour doit être une passion violente, coercitive, que le désordre est synonyme de densité? C'est beau, de vivre humblement avec quelqu'un toute sa vie, de voir surgir dans ses yeux quelque chose d'inconnu, jour après jour, alors qu'on pensait y avoir tout lu.
Il faudra des années d'éducation, de contre-culture, d'enseignement, de transmission, de savoir donné, de mentalités changées pour défroisser les structures patriarcales, les postures masculinisantes, donnant de la valeur à la puissance, ou mutisme, à la rudesse.
Parce que oui, de l'extérieur, l'inimaginable donne l'impression que les solutions sont évidentes. Elles ne le sont pas.
C'est sa version à elle qui me manquera toujours.
Ceux qui tiennent le système, plongés dans leur mépris, se soucient si peu des gens, si peu de prendre soin.
C'est irrationnel, des gamins qui ont des gamins.
Mon grand-père m’a éduqué, trivialement, comme on éduque un garçon, en ravalant son cœur, accolé à l’image d’Épinal du mâle alpha avec laquelle lui aussi a tenté de jouer, comme Vincent, sans grande réussite. Les gens sensibles élevés à grand renfort de baffes et de désaffection, comme mon père, reproduisent souvent les schémas de sécheresse qui leur ont fait du tort. Je ne suis donc pas perplexe quant à la facilité avec laquelle je m’approprie la même colère. Le monde est ainsi fait depuis le néolithique, comment pouvons-nous espérer nous en sortir rapidement ?
Tout ce qui était susceptible de provoquer une rupture à l'intérieur du groupe familial l'effrayait. Le franchissement, même symbolique, d'une classe sociale pourrait entraîner une séparation. Elle le refuserait.
Je constate que nous sommes nombreux à chier sur la société, cette structure humaine qui a abandonné l'idée de tendre vers l'équilibre plutôt que la surabondance. Ce monde qui laisse couler des hommes au fonds des mers, brûle et ne s'inquiète que des tendances à la une. Rien ne m'incite à participer à cette grande mascarade. Ceux qui tiennent le système, plongés dans leur mépris, se soucient si peu des gens, si peu de prendre soin.
Je constate que nous sommes nombreux à chier sur la société, cette structure humaine qui a abandonné l'idée de tendre vers l'équilibre plutôt que la surabondance. Ce monde qui laisse couler des hommes au fond des mers, brûle et ne s'inquiète que des tendances à la une. Rien ne m'incite à participer à cette grande mascarade.
Quand on nous dit que, cette année, 213 000 femmes déclarent avoir été victimes de violences par leur conjoint ou ex-conjoint, il faut s'imaginer que cela représente, par analogie des pierres tombales, un peu moins de vingt-quatre cimetières américains de Colleville.
Ta maman vit encore, me dit-il, tant qu'il y aura des gens pour s'en souvenir. À travers eux, c'est comme si elle n'était pas tout à fait morte.
Finalement, dans la plupart des familles, on ne formule pas, on fait semblant. Si taire n’est jamais bon, c’est ce que la majorité des gens fait. Suzanne n’était pas plus originale.
"Tu as toujours été gentil, tellement gentil. N'invente pas autre chose. Être quelqu'un de bien, c'est suffisant. "
Simplement, le passé remonte à la surface, en ce moment, comme un sombre aveu que je pensais cloué au fond.
Combien de tonnes de crème hydratante Suzanne s'est-elle foutue sur la tronche dans sa vie ? Quelle masse de merde sort-on de son trou cul dans l'entièreté d'une existence ?
La transmission, c’est pardonner et se faire pardonner. Page 78.
C’est épuisant, de ne pas savoir définitivement s’abandonner. De ne pas offrir une chance à ces vacances. Il faut encore que le gouffre du drame familial vienne tout vampiriser. Cela devient insupportable. Et sans Victoria, je chloroforme le moindre espoir d’euphorie.
Théodore, Suzanne, Vincent et les autres n’y peuvent rien. Même s’ils sont là, l’absence d’amarrage à mes parents manquera toujours. Oui, c’est beau, un couple complice, une équipe qui dure dans le temps. Mais cela reste un couple, dont la définition m’écrase depuis des années.
C’est elle, ma province maritime faussement cossue, gouvernée par l’oisiveté et les horaires des marées. Les perdus et les miséreux du secteur, les vieux bourgeois qui se partagent le patrimoine local, les belles baraques de la côte et les maisons de charme du centre-ville, les ménages d’actifs plus aisés qui s’installent dans les résidences autour, à Ablette ou Franchonville, et la moindre présence des 18-30 ans, comme moi, comme mes potes, qui avons les ressources les plus limitées tout en étant sauvés par l’accès à la propriété de nos familles.